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22 avril 2008

Œil de cyclone

 

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Ta mère a écouté les informations du bout du monde un ouragan a arraché les toits des maisons elle a peur en ces jours de grand vent dans son village tranquille de voir s’envoler son toit

 

Elle a peur de la nature en ce joyeux jour de vent qui fait danser les frênes

 

Et toi non tu ne t’inquiètes pas trop des vents d’ici car ils se contentent au pire de quelques tuiles

 

La nature ne t’effraie pas mais tu la tiens toujours à l’œil car il est inquiétant qu’elle puisse craindre l’homme

 

Tu as surtout peur de l’homme que la nature peut craindre

 

Un jour de promenade tu cherchais un vieux chemin et une clairière de ton adolescence mais le temps les avait perdus

 

Le chemin n’existait plus et un bois remplaçait la clairière

 

Alors que tu rampais dans les fourrés pour accéder à tes autres coins tu arrivas contre le vent et tu surpris une laie avec ses petits

 

C’est ainsi que la nature se signala à toi ce jour-là mais puisque tu la tiens toujours à l’œil rien de fâcheux ne survint

 

La laie et ses marcassins foncèrent tout droit bien loin de toi mais cela ne rassurerait pas ta mère pour autant si tu lui racontais cette histoire car les informations du bout du monde finissent par la persuader que sa maison et son village tranquilles sont dans l’œil d’un cyclone

 

 

© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.

04 avril 2008

La roche merveilleuse

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Pour gravir cette colline tu as suivi un sentier rocailleux tu ne cherchais rien

De la poussière de terre des cailloux sous les semelles des brindilles des effluves de bois tendre rien d’autre

Le sentier s’est perdu dans les buis et tu t’es retrouvé dans le merveilleux parfum de leur fleur banale

Ce jour valait pour cet instant

Tu n’as pas vu d’animaux mais eux t’ont vu

Incapable de te débrouiller seul comme eux pour vivre ici contraint de rentrer dans le monde triste des hommes où chacun s’affaire à ce qui ne le concerne en rien

Où chacun mène une autre vie que celle entrevue un instant quand le sentier se perd dans les buis


© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.

22 mars 2008

Cravates du Rialto

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Tu regrettes aujourd’hui de n’avoir acheté sur le pont Rialto qu’une de ces deux cravates cent pour cent soie avec motifs lion de Saint-Marc et tu décides six mois après de te procurer la deuxième départ en train demain matin de Genève arrivée vers la fin d’après-midi à Santa Lucia

Sur la photo de famille encadrée et fixée au mur des messieurs à moustaches et des dames corsetées te toisent avec sévérité à droite un bambin flou c’est ton grand-père qui a bougé
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On dirait qu’ils sont au courant de ta décision — qu’est-ce que c’est que cette nouvelle lubie mon garçon ? — partir à Venise dans le seul but d’acheter une cravate en soie

Tu n’es pas d’une famille qui part à Venise et encore moins d’une famille qui voyage en train de la Suisse vers l’Italie dans l’idée d’acheter une cravate — est-ce ainsi qu’on t’a élevé ? —

Tu as beau remonter jusqu’au début du dix-neuvième siècle aucun de tes aïeux n’est parti à Venise même si certains d’entre eux venaient de la Suisse du côté de Berne avant de passer dans le Jura français pour descendre jusque dans l’Ain en finissant par y créer une affaire d’ornements de coiffure assurant leur fortune puis périclitant assez tôt

Assez tôt pour que tu ne viennes pas au monde avec une petite cuiller en argent dans la bouche mais juste à temps pour te léguer le dégoût des affaires

Une bonne raison de filer du jour au lendemain vers le pont Rialto où t’attend ton autre cravate cent pour cent soie avec motifs lion de Saint-Marc


© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.
Photo 1 : sur le Rialto. © Marie-Christine Caredda.