05 février 2019
Carnet / Magique !
L’hiver est décidément une bonne saison pour travailler à mes deux chantiers de roman. Pour oublier la neige, rien de mieux que de rédiger les scènes d’été. La pratique du roman a ses avantages quand on fait partie de la morne confrérie des météo-dépendants, poètes et boulimiques à leurs heures. C'est aussi une forme de narration qui peut souvent marcher toute seule comme si tous les matins, la cafetière venait d'elle-même remplir le bol par la seule grâce d'une rêverie routinière.
Le roman, c’est vraiment la double vie, une de ces petites libertés qui font oublier que ce mot tant galvaudé n’a de sens réel qu’au pluriel. Dans ce cas-là comme dans d’autres, (amour, bonheur, désir) il est amusant de constater que le pluriel n’est pas augmentatif mais diminutif. Les libertés ne sont pas la liberté, les amours ne sont pas l’amour, les bonheurs ne sont pas le bonheur, les désirs ne sont pas le désir.
Il arrive que les amis qui ne lisent pas et qui, de ce fait, ont une excellente raison de ne pas me lire, s’aventurent quand même parfois à me questionner sur ma perversion (l’écriture). La question qui revient le plus souvent est d’ordre technique : as-tu un plan ? Je recommande à l’auteur qui a encore l’âge, le statut social ou l’obligation professionnelle de se prendre au sérieux (ou de faire semblant) de répondre oui, ce qui rassurera la majorité du public dont les valeurs seront toujours l’effort, la peine, le boulot, le turbin, la tâche, le défi, le challenge, enfin bref, tout le saint-frusquin.
N’ayant plus aucune de ces obligations, j’ai le plaisir d’affirmer que lorsque j’écris un roman, je ne veux surtout pas établir un plan. Cela m'arrive pour la nouvelle dont le format requiert éventuellement plus de rigueur alors que dans le roman, on peut à mon avis se permettre de se vautrer avec autant d’aisance qu’un sanglier dans une belle ornière pleine de boue bien épaisse.
Par exemple, intégrer à la scène romantique le menu du restaurant où dînent les amoureux m’enchante, ce qui présentera d’ailleurs peut-être plus d’intérêt que ce qu’ils ont à se dire dans un tel moment avec le risque élevé d'un fragment de salade coincé entre les incisives.
Ah ! La magie de la littérature !
Image : ma cafetière volante photographiée par Marie
02:05 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, roman, nouvelle, blog littéraire de christian cottet-emard, écriture, littérature, tu écris toujours ?, christian cottet-emard, hiver, été, saison, sanglier, boue, ornière, saint-frusquin, effort, peine, boulot, turbin, tâche, défi, challenge, restaurant, dîner, menu, salade, cafetière volante, magie, cafetière italienne, bol, café au lait, petit déjeuner, matin, poète, boulimie, liberté, amour, désir, bonheur
02 septembre 2017
Carnet / Des rentrées à dormir debout, de la Tour rouge, des micro-sommeils et de la tentation de Venise
Je ne suis personnellement plus concerné par toute forme de rentrée mais je dois dire que ce mot me rappelle de très mauvais moments de ma vie.
J’ai un souvenir cuisant de ma première rentrée qui sentait le pipi du hall et du couloir de l’école maternelle, ce qui m’a tout de suite, et pour le restant de mes jours, conduit à associer toute forme de vie en collectivité à l’odeur des latrines.
Le cauchemar de la rentrée, c’est aussi le travail. Les dernières années de mon passage dans la presse, mes retours de vacances me jetaient en pilote automatique dans l’agence du quotidien où je travaillais. De mon appartement de l’époque à ce bureau de radotage, je n’avais qu’un grand parc à traverser. Sa large allée centrale bien droite et bien bordée des deux côtés me permettait de marcher les yeux fermés, ce qui me donnait l’impression de gagner encore quelques minutes d’un ersatz de sommeil.
La Tour rouge, Giorgio de Chirico
La nuit, je rêvais que j’arpentais d’étranges paysages déserts, hiératiques, et je découvris un jour que l’un d’eux n’était autre, à quelques variantes près, que la Tour rouge du peintre Giorgio de Chirico.
Durant cette période, il m’arrivait à n’importe quel moment de la journée d’être saisi de micro-sommeils qui passaient la plupart du temps inaperçus à l’exception de ce jour où l’un de ces évanouissements d’à peine deux ou trois secondes se produisit face à un notable que j’interviewais. Ma tête s’abaissa lourdement, pas loin de ma tasse de café et de mon petit magnétophone Sony qui était le seul encore en état d’écouter le monsieur.
Venise, juin 2003
Le plus étonnant de ces micro-sommeils était que des fragments des rêves de la nuit parvenaient parfois à s’y faufiler, notamment des images de mes voyages à Venise où je me promenais souvent à cette époque et où la tentation de retourner sans cesse me hantait.
Les micro-sommeils traversés de peintures métaphysiques et de paysages vénitiens survenant bientôt au contact de personnes un peu plus nombreuses, j’en parlai à mon médecin, une jeune femme au diagnostic réputé excellent. Vous êtes en parfaite santé, me dit-elle, mais votre problème est que vous voyez trop d’emmerdeurs et de fâcheux.
01:48 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rentrée scolaire, rentrée professionnelle, classe de maternelle, école maternelle, travail, emploi, job, boulot, turbin, parc, tour rouge, giorgio de chirico, peinture métaphysique, blog littéraire de christian cottet-emard, sommeil, micro-sommeil, évanouissement, magnétophone sony, médecin, diagnostic, venise, italie, fâcheux, emmerdeurs, bonne santé, christian cottet-emard, note, souvenir, billets d'humeur, chroniques, voyage, rêves, rêves diurnes, rêves nocturnes
28 mai 2015
Carnet / De l'insomnie et de la saudade
Après une partie de la matinée et de l’après-midi de ce mercredi à tondre mes prés autour de la maison, je reste un moment dehors dans la nuit. J’ai du mal à m’habituer à l’absence d’éclairage public dès 11h, même si cela fait pétiller les petits points de lumière froide des vers luisants et permet de profiter de beaux clairs de lune, encore que celui de ce soir soit plutôt blafard, sinistre. En plus, un des détecteurs de mouvement de la maison est en panne. Encore de l’entretien en perspective. La tonte m’a donné des courbatures mais cette besogne ne me pèse pas trop car je peux l’accomplir machinalement en pensant à autre chose, exactement comme passer l’aspirateur, étendre le linge et faire la vaisselle.
C’était la même chose dans le travail salarié que je ne supportais que lorsque j’avais des tâches simples, des horaires fixes et une routine, ce qui n’était hélas pas le cas dans certains métiers que j’ai été obligé d’exercer pour des raisons évidemment alimentaires. Que de temps irrémédiablement perdu dans ces galères professionnelles, ces activités ineptes, surtout lorsque j’étais journaliste. Et j’en dirais autant de mon passage dans l’éducation spécialisée et de ma formation au commerce de librairie, sans parler d’autres boulots pour lesquels on se lève le matin avec deux objectifs : le chèque et les congés.
Je fume un Don Tomas dans l’air froid que la bise du jour a laissé derrière elle alors que ces nuits de mai devraient être tièdes et parfumées. Les Don Tomas sont des cigares du Honduras. Certains modules peuvent soutenir la comparaison avec des havanes rustiques et constituent d’honnêtes cigares de tous les jours. Celui que je fume ce soir, un corona présenté en tube, est assez corsé mais manque de bouquet. Une saveur linéaire du début à la fin, aucune complexité mais un bon tirage. Il faudra un doigt de cognac pour rehausser tout ça.
J’ai reçu mon exemplaire d’auteur de la revue Patchwork dirigée par Anthony Dufraisse qui a publié mes notes sur Pierre Autin-Grenier dans lesquelles je mêle le récit de ma rencontre avec lui, des anecdotes et des évocations de ses livres, dont une critique de Friterie-bar Brunetti, un de mes préférés. Le tout forme un ensemble d’un peu plus de cinq pages que je trouvais un peu léger en l’envoyant à Anthony Dufraisse mais que je juge finalement cohérent en le relisant pas loin d’un an après.
Le séjour à Porto approche. Malgré ma peur de l’avion, je me réjouis de retrouver le Portugal. Je n’idéalise pas ce pays, ni aucun autre d’ailleurs, mais je me sens des affinités avec lui, y compris à cause de la saudade. À propos, il faut que je pense à me procurer Message de Pessoa lors de mes prochaines emplettes à Lyon.
Après Porto ce début juin, ce sera probablement Barcelone en septembre. L'insomnie m'est plus douce en pensant à ces futures promenades.
Photo 1 : clair de lune chez moi (Photo © Christian Cottet-Emard)
20:42 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : insomnie, saudade, message, pessoa, porto, portugal, barcelone, espagne, voyage, juin, septembre, congés, travail, job, boulot, vacances, carnet, note, journal, écriture de soi, autobiographie, prairie journal, blog littéraire de christian cottet-emard, revue patchwork, revue littéraire, édition, publication, revue littéraire patchwork, anthony dufraisse, christian cottet-emard, pierre autin-grenier, friterie-bar brunetti, gallimard l'arpenteur, lyon, promenade, emplettes, cigare, cigares don tomas, honduras, cigares du honduras, fumer tue, détecteur de mouvement, lumière, éclairage public, lune, étoiles, vers luisant, lumière froide, clair de lune, nuit