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01 novembre 2021

Mon quatrième poème de la Toussaint et du jour des Défunts (extrait)

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À la Toussaint, mon esprit est la maison que je veux accueillante et joyeuse pour mes défunts,
 
 
la douce maison des morts
 
 
tant je fus toute ma vie heureux et choyé dans leurs terrestres demeures.
 
 
Je les attends comme ils m’ont espéré
 
 
s’ils veulent bien venir au seuil de ma mémoire
 
 
et ni la nuit ni le froid ne m’atteignent quand je leur ouvre ma porte
 
 
car je ne vois dehors dans le vent que l’envol des feuilles d’automne qui fut leur danse enfantine et leur grande valse.
 
 
Je les connais tous, même ceux qui sont nés et ont vécu lorsque je n’étais pas encore parce que nous parlons d’eux autour de la grande table.
 
 
Comme ce grand récit nourrit bien, autant que les mets et les vins,
 
 
et qu'il est bon de rire de leurs rires et de pleurer de leurs larmes.
 
 
 
Extrait de : Encens, marbre et bruyère, ensemble intégré à mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express.
Feuilles d'automne sur la route forestière (photo MCC)
 

30 octobre 2021

Le premier jour du premier été

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Je sortis du Palais des eaux comme tout le monde.

 

La différence était le vieux balcon où les petits lézards pouvaient offrir leurs gorges flamboyantes au soleil. 

 

Il surplombait des massifs de roses anciennes aux teintes et aux parfums aujourd’hui perdus qu’une très vieille fée aspergeait de marc de café. La famille s'en offusquait.

 

Bien plus tard on pouvait croire que j’avais quitté le balcon comme je pouvais aussi moi-même le croire

 

mais cette illusion, le mirage de la prochaine porte, n’est qu’une des croyances fréquentes en ces contrées incompréhensibles mais pleines de promesses.

 

Qu’elles ne fussent pas toutes tenues n’importait guère au milieu des roses, sous les regards attentifs de la vieille fée et des lézards.

 

 

Extrait de mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express.

Une rose de chez moi (Photo MCC)

 

28 octobre 2021

Extraits de mon carnet d'Italie

Monsieur Martial, épicier rectangulaire

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Quand j'étais petit, je croyais que monsieur Martial était un vieil italien, à cause de son épicerie de quartier, mais non, il était belge. Si j'étais peintre et que je devais aujourd'hui brosser le portrait de monsieur Martial ou du moins du souvenir que j'ai de lui, j'installerais sur la toile un grand rectangle vertical aux contours épais, vert bouteille foncé (la boiserie de façade de son échoppe). À l'intérieur de ce cadre, je disposerais un autre rectangle vertical lui aussi mais gris (la blouse de monsieur Martial). Ensuite, je finirais par la tête de monsieur Martial, un petit rectangle violacé légèrement oblique.

Tout était rectangulaire chez monsieur Martial, y compris les gros chewing-gums au Coca-Cola qu'il m'offrait lorsque je passais le seuil de son magasin. Un jour, j'ai croqué trop fort un de ces chewing-gums qui a gardé en son milieu une de mes dernières dents de lait. Bien sûr, ce n'était pas la faute de monsieur Martial.

Chez l’italien en Belgique

Je vous vois venir :

« il ne nous a pas plutôt vendu un livre sur l’Italie qu’il commence par nous parler de la Belgique. » Voilà pourquoi.

Je viens de sortir de l’épicerie peinte en vert foncé de l’immense monsieur Martial en essayant de mâcher un chewing-gum si gros qu’il me fait une tête de hamster. Sur la façade de briques noircies du vieil immeuble, au-dessus de la vitrine opaque, une plaque indique RUE DES CAPUCINS. Normalement, j’aurais dû sortir du magasin avec du bouillon de bœuf mais je me suis emmêlé et j’ai demandé du bœuf de bouillon. Alors, l’épouse de l’épicier (qui porte la même blouse grise que son mari) m’a expliqué que je trouverai cela chez le boucher. Tiens mon garçon, ajoute monsieur Martial, tu ne seras pas venu pour rien. Et il me donne un gros chewing-gum rectangulaire qui ressemble à un caramel mais qui n’en a pas le goût. Heureusement.

Je remonte la rue des Capucins. On entend tinter le Beffroi ou la collégiale Sainte-Waudru de Mons (Hainaut). Le journal qui traîne dans le caniveau après avoir fini en cornet de frites est daté de 1966 ou 1967. Par terre, c’est anthracite, bosselé et luisant : « Les pavés du Nord » dit-on toujours chez moi. Contre les murs, c’est lie de vin, rectangulaire, rugueux et souvent moussu : « Les briques du Nord » dit-on aussi chez moi. Le boucher tient en largeur ce que monsieur Martial tient en hauteur et il est saucissonné dans son tablier, comme ses rôtis entrelardés. Ses petits yeux bleus clair bordés de cils parfaitement blonds brillent comme des diamants piqués sur sa face lisse et rose. Il me dit qu’il n’a plus de bouillon de bœuf (cette fois, j’ai réussi) mais que je peux en trouver chez monsieur Martial, l’épicier. Du coup, je préfère rentrer chez mon parrain et ma tante où je suis en vacances. Ce n’est pas grave, me rassure ma tante, on ira chez l’Italien.

C’est là que tout a commencé, chez l’Italien, et que j’ai pigé la première astuce de l’Italie : l’Italie est partout où se tient un Italien, même s’il est tout seul au milieu des Lofoten ou de Tristan da Cunha. D’ailleurs, elle avait tout d’une île l’épicerie italienne, où les fleuves Chianti et Valpolicella pouvaient rouler jusqu’à plus soif dans les gosiers des buveurs de fond las de gober la mousse au firmament de la rose Stella, où les bouquets suspendus de fastueux jambons défiaient une mer d’endive et de patate, où le parmesan et le gouda n’étaient pas du même monde mais du même magasin, où les pâtes s’égayaient de vert, de jaune et de rouge tandis que les choux, navets, salades, chicons, tomates, aubergines et poivrons se la jouaient au moins aussi exotique que les fruits de saison distribués par le créatif maître des lieux dans des mises en scènes à la Arcimboldo.

Et qu’est-ce que ce sera, jeune homme ? De la betterave rouge ? Mais qu’est-ce que c’est que la betterave rouge ? Mais ça n’existe pas la betterave rouge ! Ah, ça oui, de la bologne, j’en ai ! Pas de betterave rouge mais de la bologne, alors là oui d’accord, pas de problème ! Vous entendez ça madame Deconinck ? Voilà un garçon qui traite mes bolognes de betteraves rouges ! Et allez donc, des betteraves rouges !

 

Mon Carnet d'Italie, © éd. Orage-Lagune-Express, décembre 2021.