05 août 2014
Carnet / De ce qui sauve l’été sombre
Dimanche vers 19h à la sortie du concert où il y avait foule, le soleil est revenu sur le soir en une longue éclaircie qui a tout de suite réchauffé le parvis de l’abbatiale de Nantua. Avec Marie qui avait son appareil photo et sa caméra crayon, nous avons profité de ce retour très provisoire d’un des étés les plus avares que j’aie connu pour flâner sur l’esplanade du lac.
En ce moment, je fais des photos. Je n’ai jamais eu le goût prononcé de faire des photos à cause des réglages trop compliqués pour moi, mais avec les appareils numériques qui délivrent d’une grande partie de la technique, je trouve désormais un certain plaisir à fixer quelques images.
Lorsque j’ai commencé dans la presse au début des années 80 quand j’avais une vingtaine d’années, j’étais si incapable de me servir des vieux appareils qu’il fallait charger en pellicules adaptées et passer son temps à régler que mes parents m’avaient acheté un autofocus, un appareil automatique et sans réglages dont le seul défaut était d’avoir un mécanisme peu discret. Ils avaient compris que c’était pour eux le prix à payer s’ils ne voulaient pas voir leur fils se retrouver au chômage à peine après avoir été embauché par le quotidien local. Lors de mes premières sorties avec les appareils fournis par l’agence, je revenais avec des photos complètement ratées voire sans photos du tout.
L’autofocus m’a sauvé mais avec du recul, si je puis dire, je me demande si ces ratages successifs avec le matériel classique n’étaient pas une sorte de signe pour m’avertir que je m’engageais dans une mauvaise voie, comme si une voix cherchait à me prévenir que c’était perdre mon temps et ma jeunesse que d’apprendre à photographier des voitures accidentées, des élus prononçant des discours et des gens en train de bouffer.
Durant ces années, j’ai pris le dégoût de faire des photos, même avec mon autofocus qui les réussissait presque toutes mais dont le ronronnement du moteur entraînant le rouleau de pellicule a recouvert le murmure de la petite voix. De toute façon, il me fallait un travail et c’était celui-ci qui s’était présenté...
Une dizaine d’années plus tard, après avoir quitté le journal, je n’ai pratiquement plus touché à un appareil photo et il a fallu l’apparition des appareils numériques pour m’y remettre parce qu’ils permettent d’avoir immédiatement et sans effort le résultat sous les yeux et que, cerise sur le gâteau, je peux tout de suite partager grâce à un petit blog de rien du tout. C’est ainsi que je conçois la technique: elle doit être au service de ma paresse, de mon incompétence et surtout de mon bon plaisir.
À propos de plaisir, encore quelques mots sur le concert de dimanche qui réunissait en duo la remarquable pianiste japonaise Shoko Gamo et le violoniste Romain Rechetkine. Je crois qu’on peut qualifier ce virtuose de treize ans de prodige et, prodigieuse, sa prestation le fut. Il n’empêche, les très jeunes surdoués de la musique (bien que je les admire et éprouve une grande joie à les écouter) ont pour moi quelque chose d’un peu inquiétant. Je ne peux pas m’empêcher de songer au coût humain de cette implacable maturité instrumentale. Alors oui, le jeune prodige du violon m’a impressionné et ému, mais plus encore l’alliage de subtilité et de puissance tout en retenue de Shoko Gamo qui faisait beaucoup plus que l’accompagner au piano.
Quelques concerts et quelques expositions ne sont pas de trop pour sauver un peu cet été. En cette heure tardive de la nuit (ou précoce de la nouvelle journée !) des nappes de brouillard enveloppent la maison puis s’éloignent en direction du village comme un étrange troupeau.
La chatte Linette est rentrée trempée. Depuis le canapé, elle me jette des œillades lasses comme si elle se demandait pourquoi tout est encore éclairé à presque 3h. Il est vrai que dans sa vie de chat, elle n’a sans doute pas besoin de revivre sa journée en pensée par crainte de ne pas l’avoir vécue suffisamment.
03:32 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : concert, nantua, ain, rhône-alpes, france, bugey, haut bugey, site clunisien, cluny, piano, shoko gamo, violon, romain rechetkine, festival nantua, guy dangain, appareil photo, photographie, presse, loisir, autofocus, photo numérique, blog littéraire de christian cottet-emard, littérature, note, carnet, journal, écriture de soi, autobiographie, brouillard, été pourri, chat, mélancolie, insomnie, vie, pédalo, lac
02 août 2014
Hafner, le bébé dragon de ma nouvelle, immortalisé en une statuette créée par ma fille !
01 mai 2014
Carnet / Comme après une éclipse
Entre hier mercredi à deux heures du matin et aujourd’hui jeudi, longues séquences d’écoute des symphonies de Rimsky-Korsakov, y compris la suite symphonique « Antar » ainsi que la Grande Pâque russe et le Capriccio espagnol, deux œuvres célèbres dont je me délectais déjà dans mon enfance sur de vieux 33 tours. Je n’ai jamais cessé d’aimer la musique de Rimsky-Korsakov, en particulier son concerto pour piano d’un lyrisme flamboyant inversement proportionnel à la physionomie austère de son auteur ! Et son bref opéra, Le Coq d’or, chef-d’œuvre d’étrangeté ironique que j’ai vraiment regretté d’avoir manqué à Genève voici des années...
Autant de fulgurances musicales qui m’apportent de la couleur dans la tête puisqu’il en manque tant dehors.
L’herbe monte autour de la maison et les tontes successives des dernières années ont multiplié les massifs d’une incroyable variété de fleurs sauvages. Malgré les récentes averses nocturnes et le froid, les grillons rythment jours et nuits sans faillir dans ce printemps humide et sombre.
Cette nuit en fermant les volets de la cuisine, j’ai entendu s’agiter les pies qui ont réutilisé un nid ancien bizarrement situé non loin de celui des merles. La chatte Linette qui ne se frotte pas aux pies a inquiété les merles par ses affûts. Heureusement, elle ne grimpe pas très haut dans les frênes mais ils ont préféré s’éloigner et s’installer dans les haies tout au fond de la propriété où elle s’aventure moins souvent. Ces merles plus chétifs que leurs congénères urbains sont très sauvages et très méfiants. Lorsque j’habitais en ville, je réussissais à en tromper quelques-uns en imitant les modulations des mâles et les petits cris secs des femelles mais ici à la campagne, c’est peine perdue.
Seul à table ce soir, après avoir allumé une flambée dans la cheminée, je me suis préparé quelques sandwiches grignotés dehors en regardant s’étirer dans ma direction un long panache de brouillard depuis le petit crêt qui surplombe la maison. En hauteur, des moutonnements de nuages gris et parme se dévoilaient à la faveur d’une brève éclaircie comme cela se produit presque tous les soirs en cette période. Si je n’étais pas oppressé, je verrais de la beauté dans ce ciel en désordre mais là, je le trouve tout simplement lugubre.
Il me faut réapprendre à voir comme après une éclipse.
Photos : dans les collines au-dessus de chez moi. Autoportrait aux faïences.
02:15 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, campagne, nuage, heures lentes, lenteur, contemplation, mélancolie, journal, note, prairie journal, merle, pie, crêt, herbe, fleurs sauvages, brouillard, flambée, cheminée, sandwiche, feu, blog littéraire de christian cottet-emard