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18 février 2014

Carnet / De l’ennui, de la fatigue, des micro-sommeils, des informations et du tord-boyaux

Ce soir j’ai envie de parler de l’ennui et de la fatigue mais comme je sais que cela va faire fuir tout le monde, j’illustre avec une photo de mon feu en me disant que peut-être, les gens liront tout le texte dans l’espoir de comprendre ce que le feu vient faire là-dedans.

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Le mot ennui ne correspond plus pour moi à aucune réalité depuis que je me suis mis à écrire, vers l’âge de quatorze ans. En revanche, la fatigue m’est une vieille compagne. Je l’ai toujours ressentie, dès l’enfance. Je me souviens avoir été un enfant fatigué, exactement de la même manière que dans ma vie d’adulte. Avant mes débuts dans l’écriture, durant mon enfance, la fatigue naissait parfois de l’ennui car, jusqu’à ce que des personnages de fiction fassent irruption dans mes rêves éveillés, je m’ennuyais énormément. Le jour où je décidai d’écrire leurs histoires, l’ennui disparut mais pas la fatigue. Bien sûr, j’avais les mêmes pics et bouffées d’énergie que les autres enfants mais ces vagues d’élan vital refluaient vite pour laisser derrière elles de longues plages de fatigue. Je peux dire aujourd’hui qu’il s’agissait de la même fatigue que celle des adultes, accablante et souvent mêlée de dégoût de moi-même, des autres et du monde. Je suis persuadé qu’écrire m’a sauvé de la dépression enfantine et d’une crise d’adolescence trop violente.

S’il fut un lieu où l’ennui et la fatigue me visitaient en se tenant par la main comme frères et sœurs, ce fut bien l’école, notamment l’école primaire où il m’arriva plusieurs fois de m’endormir sur mon pupitre. Longtemps après, parachuté dans le monde du travail, la fatigue revint m’accompagner seule dans tous mes emplois car il est hélas impossible de s’ennuyer lorsqu’on est contraint d’exercer un métier alimentaire tout en essayant de continuer à écrire. C’est la double vie de l’écrivain sans rente ou sans fortune, l’épuisant combat de la non-vie au travail contre la vraie vie dans l’écriture.

Durant mes dernières années de salariat dans la presse quotidienne régionale, ma fatigue se manifesta à plusieurs reprises d’une manière à la fois gênante et comique. Complètement saturé et écœuré par les radotages de la vie locale que je passais mes journées à recueillir et à régurgiter dans ces pages si utiles aux épluchures et aux litières d’animaux de compagnie, j’avais fini par me doter d’un petit magnétophone Sony que je déclenchais en présence de mes interlocuteurs. Pendant l’enregistrement, je hochais la tête de temps en temps, tel le chien basculant en plastique sur la lunette arrière de l’auto, pour leur faire croire que je les écoutais. Il ne restait plus qu’à retranscrire en vitesse ces sottises en un papier dont seule la titraille serait lue de toute façon.

Le système fonctionna à peu près correctement jusqu’au jour où, attablé au bar devant je ne sais quel politique ou président de je ne sais quoi (la France est infestée de présidents) mon bras ne soutint plus ma tête qui fléchit mollement au-dessus de ma tasse de café. Je venais de m’endormir pour de bon pendant quelques secondes. J’ai d’ailleurs utilisé cet épisode dans mon livre Le Grand variable. J’en touchais quand même deux mots à mon médecin de l’époque à qui je demandai si je ne souffrais pas de narcolepsie, cataplexie ou autre brimborion de ce genre. Réputée pour la sûreté de son diagnostic, elle me rassura sur ma bonne santé en me précisant toutefois que je souffrais surtout d’une overdose de fâcheux, ce qui ne me rassura qu’à moitié car si je faisais un micro-sommeil chaque fois que je rencontrais un fâcheux, notamment dans le monde du travail, je risquais de devenir le frère jumeau de la belle au bois dormant.

Depuis pas mal d’années maintenant, les circonstances de la vie et l’inusable soutien de ma famille m’ont permis de me tenir à distance des fâcheux et de nombreuses autres choses dans un joli coin de campagne et lorsqu’il m’arrive encore de succomber à un micro-sommeil, c’est que j’ai oublié de couper le son de France-musique à l’heure des « informations » ou que, au coin du feu, je me suis exceptionnellement risqué à un petit tord-boyaux. (*)

(*) On apporta bientôt de l’eau-de-vie de sorbe qui, d’après Nozdirov, rappelait la prune à s’y méprendre, mais qui, au profond étonnement des invités, se révéla un atroce tord-boyaux. — (Nicolas Gogol, Les Âmes mortes, 1842, traduction d'Henri Mongault, 1949)

09 février 2014

Signe de feu et « minguet »

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En attendant la prochaine livraison de six stères, je me dépanne avec du bois entassé par mon défunt père qui avait des coupes affouagères et qui avait accumulé de grandes quantités qu’il n’a pas eu le temps de tronçonner. Il m’a donc fallu, cette semaine, manier la tronçonneuse, moi qui n’utilise jamais d’outils mécaniques dans ma vie quotidienne parce que je n’aime pas ça et parce que je suis extrêmement maladroit.

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 Minguet !

Mon père avait un mot pour cela, minguet. Il se désolait de me voir minguet parce qu’il était surpris, déçu et inquiet à juste titre que je ne sache rien faire de mes dix doigts. C’est même une des nombreuses raisons de notre rendez-vous manqué dans la vie, mon absence d’habileté, ma maladresse à saisir des objets, ma tendance à casser mes jouets, mon indifférence pour les jeux de construction, le mécano, les petits chalets suisses à assembler.

Être minguet en a rajouté dans mes difficultés scolaires à l’école primaire avec des heures de travail manuel qui tournaient au supplice. Une année, nous devions construire une église miniature avec des allumettes et une maquette de planeur en bois de cagette. Avant les vacances, nous avions le droit de récupérer nos travaux pour les emporter chez nous. Je me souviens de ce dernier jour d’école où j’avais envie de dire au maître que je n’avais que faire de ces saletés qui m’avaient coûté tant de vains efforts et de remontrances. À peine rentré chez moi, je me suis isolé dans un coin du jardin et j’ai piétiné le planeur avec une volupté dont je me souviens encore comme si c’était hier. Après, pour continuer de célébrer la liberté qui commençait et qui durait à l’époque jusqu’à la mi-septembre, j’ai foutu le feu à l’église qui a fait une belle flamme parce qu’elle était construite en carton recouvert d’allumettes.

En ces temps lointains, on chantait encore Vive les vacances / plus de pénitences / les cahiers au feu / les maîtres au milieu. Je me rappelle avoir gueulé cette chanson au milieu du potager et dansé la danse du scalp (je jouais beaucoup aux indiens) sur les débris de ces objets absurdes qu’on m’avait contraint de fabriquer. La revanche secrète du minguet !

C’est aussi ce jour-là, pendant ce grand défoulement solitaire, que j’ai senti se former dans mon esprit de gosse ombrageux (sagittaire, signe de feu ! disait de moi la vieille voisine) une des premières images poétiques que je n’avais bien entendu pas encore l’âge d’identifier comme telle mais qui est restée gravée en moi :  la flamme de la colère qui s’épanouit comme la corolle d’une fleur dépliée par le vent sec de cette veille de vacances !

Et me voici aujourd’hui encore en train de brûler du bois que j’ai tronçonné cette semaine en poussant des jurons dont on a dû profiter à l’autre bout du village. Excuse-moi papa, mais ça soulage tellement !

Les Variations symphoniques (extrait)

© Éditions Orage-lagune-Express, 2013. Droits réservés.

Photo 2 : Linette joue la mouche du coche.

06 février 2014

Carnet / Sale tête et rythmes détraqués

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Conjurer l'hiver
Entre giboulées et neige bien collante, juste eu le temps de rentrer quelques brouettes de bois. Au courrier, la revue Patchwork au sommaire de laquelle je figure avec un poème, L’Aile d’un oiseau sombre, grâce à l’amicale attention de son fondateur Anthony Dufraisse. Je reparlerai bientôt de cette revue aussi élégante et sobre dans sa présentation que dense et originale dans son contenu. Deuxième lecture d’un début de texte inédit de Jean-Jacques Nuel, auteur lui aussi présent dans Patchwork. Pour conjurer l’hiver, je relis le chapitre consacré au saule marsault (l’arbre aux chatons gris) dans mon Guide des arbres et arbustes d’Europe d’Archibald Quartier et de Pierrette Bauer-Bovet (éditions Delachaux et Niestlé).
Prairie Journal
Écoute de Prairie Journal d’Aaron Copland. Ma prairie à moi se limite aux trois mille mètres carrés de pré autour de la maison mais c’est assez pour se mettre au diapason de cette musique, surtout quand à la faveur d’une éclaircie subite je vois planer la buse variable. Vu aussi deux chevreuils traverser les pâturages derrière mon muret. Le temps d’attraper les jumelles, plus personne ! Je suis tenté d’intituler Prairie Journal l’ensemble récent de mes deux cents pages de carnets disséminées sur le papier et sur la toile.

Photo : autoportrait à la sale tête (5 février 2014)