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26 juin 2013

Carnet du début d’été

Après un intolérable suspens, les pivoines en boutons depuis fin avril ont déployé leurs pétales et leur parfum de variété ancienne en cette fin du mois de juin ! Plus d’un mois de retard... Ce sont les pivoines de mon enfance. Cette année sans printemps, leurs boutons ont pris les dernières neiges et c’est en les couvrant in extremis avec une table de camping que j’ai pu leur éviter la décapitation. Maintenant elles sont là, dans l’apparente sérénité de leur blancheur nacrée où tente de se dissimuler leur cœur vrillé d’un liséré rouge sang.

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Mercredi 19 juin, descendant de ma petite montagne, j’ai exceptionnellement assisté à la présentation de la nouvelle saison de spectacles du centre culturel Louis Aragon d’Oyonnax. En remontant, ainsi que les jours suivants, j’ai écouté quasiment en boucle la Johannesburg Festival Overture et le Concerto pour alto de Sir William Walton (1902 - 1983), deux œuvres d’ambiances aussi contrastées que mon état d’esprit actuel.
Samedi 22 juin, journée lyonnaise pour être certain d’arriver tranquille au concert donné dans le cadre de l’intégrale Rachmaninov. Je vois pour la première fois Leonard Slatkin en chair et en os au pupitre à la tête de l’Orchestre national de Lyon et je découvre la belle interprétation des premier et deuxième concertos pour piano et orchestre de Rachmaninov par ce grand chef et par la soliste, la magnifique pianiste Olga Kern. Les femmes sont décidément de grandes interprètes de Rachmaninov. Là où certains pianistes masculins ont parfois du mal à trouver un équilibre entre une lecture trop solennelle ou percussive et un excès de kitsch ou de pathos, des femmes telles que Olga Kern et Hélène Grimaud restituent la profondeur virile de Rachmaninov, homme réservé dont le lyrisme s’exprime par conséquent dans des tonalités graves et sombres, en particulier dans ses quatre grands concertos.
Après le concert, dîner japonais sur une très gentille invitation de mon ami et éditeur J-J N et de sa charmante compagne. Quelques pas dans les rues de Lyon dans une vraie bonne chaleur estivale, un dernier verre chez les amis et retour dans la montagne qui ressemble à un voyage dans le temps à cause des dix degrés d’écart en température entre Lyon et ma campagne ce soir-là !
Dimanche 23, lundi 24 et mardi 25 juin, écoute comparée des quatre concertos de Rachmaninov, successivement par le pianiste Earl Wild avec Jascha Horenstein à la tête du Royal Philharmonic Orchestra puis par le pianiste Vladimir Ashkenazy avec André Prévin à la direction du London Symphony Orchestra. Pour cette dernière version, c’est à mon goût dans dans le troisième concerto que le duo Prévin / Ashkenazy donne le meilleur.

Conduite à tenir les prochains jours, me faire couper les cheveux pour essayer d’avoir les idées plus claires... 

14 juin 2013

La deuxième personne du singulier

Toi qu’on fit débarquer sur Terre sans te demander ton avis sous le nom de Christian Claude Louis Cottet-Emard tu t’aimes un peu beaucoup à la folie mais pas passionnément

Tu t’adresses à toi à la deuxième personne du singulier pour te sentir moins seul lorsque tu es obligé d’emmener ton ombre dans des lieux absurdes

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Tu ne te remets pas du déclassement économique qui frappa bien avant ta naissance tes familles paternelles et maternelles et te déposséda d’un agréable destin d’oisif petit bourgeois formé aux seules bonnes manières

Tu es un occidental de culture catholique baptisé agnostique non militant ordinaire d’une intelligence moyenne à tendance médiocre

Tu n’es pas et ne souhaites pas être un héros parce que la vie est courte et incompréhensible

Tu penses qu’une vie qui ne serait faite que d’obligations et de devoirs ne vaudrait pas la peine d’être vécue

Tu n’as rien à faire d’un chef-d'œuvre qui ne t’apporte aucun plaisir

Tu n’as pas un rapport solennel à l’écriture

L’aventure du poème n’a rien à voir avec une sortie entre copains d’ailleurs tu ne pratiques pas la sortie entre copains

Tu t’étonnes toujours quand quelque chose fonctionne

Être convaincu n’est pas dans ta nature

Tu l’as compris rien n’est sérieux tout est tragique

Tu as peur du loup

Le loup peut avoir peur de toi car tu as peur de lui

Il ne faut pas te déranger quand tu manges il ne faut pas te manger quand tu déranges

Tu as un petit côté fleur bleue quand tu as bien mangé

Tu aimes avoir les oreilles froides

Tu détestes lacer tes chaussures

Tu n'es pas sûr d'être vivant avant dix heures

Tu t'intéresseras à la politique le jour où plus personne ne couchera dehors sans en avoir envie

Tu aimes être propre et sentir bon même si ton âme est grise

Tu ne comprends pas grand-chose aux femmes mais elles t’inspirent plus confiance que les hommes parce qu’elles t’ont fait

Tu aimes rire boire manger fumer des cigares aller au concert à l’opéra être amoureux parce que la tristesse durera toujours

 

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013

01 juin 2013

Manège

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Qu’est-ce que ces arbres pour lesquels dirais-tu pour qui tu n’es jamais parti étranger pourtant en ton pays natal

Arbres-mondes que tu croyais éternels comme l’enfant peut croire éternel ce qui était là avant lui

Le coup de vent de 1999 a couché le sapin dont la graine a germé au dix-huitième siècle

La foudre a fracassé le grand érable comme un amour tardif fend l’homme d’expérience

Un petit avion rouge t’emmenait aux cimes de sept platanes dans l’odeur des berlingots

Il n’en reste aujourd’hui que trois près de l’église cernée par un parking payant

Les autos qui tournaient en rond ont été remplacées par des vraies qui ne vont guère plus loin et le pompon ne donne plus droit à un tour gratuit

Mais il n’est pas nécessaire de le dire aux enfants

 

Photo : années soixante. Ma plus belle auto.

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013 (texte et photo).