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16 janvier 2022

Carnet / Seul en groupe

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À la sempiternelle question, à quoi reconnaît-on un grand écrivain, je préfère sa version plus sobre, à quoi reconnaît-on un écrivain car de nos jours, grand écrivain ne signifie plus grand-chose.
 
Depuis que je perds un peu de temps à y réfléchir lorsque je me lève du pied gauche ou que j’abandonne la lecture d’un livre auquel je ne comprends rien même s’il est écrit en français, c’est souvent la même réponse qui me vient en premier. Un écrivain (de sexe féminin ou masculin) est capable de retenir votre attention et votre lecture même sur des sujets qui ne vous intéressent pas plus que cela. Pour moi, Jim Harrison est un de ceux-là.
 
carnet,note,journal,blog littéraire de Christian Cottet-Emard,chronique,groupe,individu,pêche,chasse,nature,rivière,forêt,livre,poisson,truite,porte bois,teigne,prairies humides,fleurs,campagne,flammarion,jim harrison,solitude,christian cottet-emard,livre,littérature,sandwiches,vin,ironie,hilarité,moquerieDans le recueil de textes inédits ou publiés dans des journaux et magazines de toutes sortes pendant une cinquantaine d’années, un volume de quatre cents pages sorti en octobre dernier chez Flammarion et affublé d’un titre qui n’est sans doute pas de l’auteur, La recherche de l’authentique sous-titré L’amour, l’esprit, la littérature, Harrison parle, entres autres nombreux sujets pour moi passionnants, de la pêche et de la chasse, deux activités pour lesquelles je n’ai vraiment aucun intérêt. Je ne saute pourtant pas un paragraphe, pas une ligne, pour cette raison toute simple : ce que voit Jim Harrison, individu unique et irremplaçable, ne peut être vu que par lui mais ce qu’il en écrit permet à l’autre individu unique et irremplaçable que je suis de voir aussi et de s’aiguiser la vision.
 
Il y a quelques années, écrit Harrison, j’ai essayé d’expliquer à une longue tablée de pontes des studios de cinéma les plaisirs de la marche au clair de lune en pays sauvage. Ils opinaient du chef, mais je voyais bien qu’ils me prenaient pour un débile mental.
 
J’ai vécu dans un autre contexte voici maintenant trente ans une expérience assez voisine. Je m’étais laissé convaincre par quelques camarades de les accompagner à une de leurs sorties de pêche. J’avais accepté leur invitation dans le seul but de me promener, pour une fois en compagnie de jeunes types de mon âge, au bord d’une rivière qui traversait la forêt. Je les regardais chercher des porte bois qu’ils appelaient improprement des teignes et qu’ils extirpaient des fourreaux tapissés de cailloux et de brindilles tissés par ces insectes assez répugnants pour s’abriter. Il paraît que les poissons en raffolent, notamment les truites.
 
Avant le soir, nous sommes rentrés en traversant des clairières de hautes herbes et nous avons longé de magnifiques massifs de grandes fleurs des prairies humides dont j’ignore le nom. L’arrivée du soir avec sa lumière rasante soulignait en majesté leur couleur entre le parme et le violet. J’ai provoqué l’ironie et la moquerie appuyées du groupe en marquant un temps d’arrêt pour admirer le spectacle. Individuellement, ces gars que je connaissais bien étaient intelligents et sensibles mais comme c’est souvent hélas le cas, ces qualités se diluaient dans le groupe. Plus le groupe est nombreux, plus les qualités individuelles s’estompent ou même s’effacent jusqu’à l’impression de ne plus avoir affaire aux mêmes personnes.
 
Je suis rentré chez moi énervé et mécontent d’avoir perdu ma journée, enfin pas tout à fait tout de même puisque manger des sandwiches au bord de l’eau dans la forêt en buvant un petit vin anobli par le grand air (certes un peu alourdi par les volutes d’un bon cigare) permet de rester en retrait d’à peu près tout ce qui chagrine ou déplaît.
 

16 janvier 2016

Carnet / Des heures silencieuses

carnet,note,journal,écriture de soi,autobiographie,prairie journal,ennemi,blog littéraire de christian cottet-emard,temps,isolement,solitude,hiver,nuit,neige,christian cottet-emard,littérature poésie,nature,contemplation,photoHier en fin d’après-midi, avant de tenir au sol, les flocons poudraient les tapis de feuillage sec en produisant un grésillement semblable à celui du diamant sur le sillon d’un vieux 33 tours. Je prends la mesure des décennies écoulées en songeant que cette image deviendra de plus en plus sibylline !

Maintenant, en entrouvrant la fenêtre pour évacuer quelques volutes de cigare, je vois la nuit des prés et des bois blanchir dans un silence à peine troublé par une bûche qui crépite et brasille encore dans le foyer.carnet,note,journal,écriture de soi,autobiographie,prairie journal,ennemi,blog littéraire de christian cottet-emard,temps,isolement,solitude,hiver,nuit,neige,christian cottet-emard,littérature poésie,nature,contemplation,photo

Ces temps, je tourne au Connemara dont la saveur tourbée me ravit surtout en hiver, à l’apéritif avec quelques chips et un petit cigare sec. Les frimas sont en effet moins propices aux havanes ou aux dominicains de préférence valorisés par un air doux, humide et floral. En revanche, des cigares plus rustiques comme ceux du Honduras ou certaines vitoles du Nicaragua affrontent mieux l’air vif qui sent la neige et le résineux.

Je suis de plus en plus enclin à réfléchir sur le thème de l’ennemi dans un prochain ouvrage. Certes, l’actualité me conduit-elle à cette réflexion mais plus encore la conscience de la récurrence de cette thématique dès mon jeune âge. Comment aborder ce sujet ? L’essai me mobiliserait trop. Peut-être la poésie ? (J’ai déjà évoqué l’ennemi dans plusieurs textes). Ou tout simplement le fragment intégré à mes carnets ? Une fois de plus, ne rien décider, laisser venir, consentir à ce que la forme s’impose d’elle-même. Ce qu’il faut : attendre longtemps mais écrire vite.

Cette année, je n’ai pas envoyé de vœux, le cœur n’y était pas, et je n’ai pas encore répondu à ceux qui m’en ont gratifié. J’exagère. Une amie chère m’a téléphoné de Paris où elle vit et enseigne. Je suis heureux et soulagé qu’elle ne me tienne pas rigueur de ma manie de répondre tardivement au courrier. Je me sens parfois isolé mais je n’agis guère pour y remédier. Pourquoi ? Je n’en sais rien.

L’autre jour, un rayon de soleil couchant a brièvement éclairé le salon après une journée obscure, projetant mon ombre et celle d’une lampe sur le mur. J’ai eu à peine le temps de faire une photo. Les heures ont beau être silencieuses, elles n'en sont pas moins rapides.

 

25 novembre 2015

Carnet / Sans commentaire

carnet,note,journal,blog littéraire de christian cottet-emard,actualité,presse,édition,mode de vie,autobiographie,prairie journal,écriture de soi,solitude,isolement,sécurité,insécurité,indépendance,individu,individualité,esprit critique,sans commentairePas envie de commenter l’actualité, de rajouter mon insignifiant grain de sel à tout ce que j’ai lu et entendu dans les médias et sur les réseaux sociaux à propos du malheur du 13 novembre.

J’avais commencé à me laisser embarquer dans une discussion à propos de sécurité (un sujet sur lequel je suis chatouilleux) sur Facebook avec un de ces types comme j’en connais des dizaines, typiques de ces deux générations qui, dans leur pensée et dans leurs analyses, ont bloqué leur compteur à la guerre d’Algérie pour les plus vieux et aux années soixante-dix pour les plus jeunes. Cela s’est terminé par un blocage mutuel et c’est très bien ainsi.

Je me pose quand même la question de savoir pourquoi je retrouve fréquemment ce profil socio-politique dans nombre de mes contacts, connaissances et relations personnelles alors que j’ai déjà bien fait le ménage. Sans doute un vieux malentendu qui durait depuis le début de mon adolescence, un malentendu probablement entretenu par mes activités littéraires et mon mode de vie considéré comme folklorique ou marginal.

Les rares personnes qui me connaissent encore bien savent et ont toujours su que je ne suis pas recyclable en politique parce que sur bien des points je suis un homme de gauche mais qu’en matière de sécurité, je suis un homme de droite, ce qui se solde inévitablement par un isolement définitif.

J’ai souvent cru que je payais cher cette attitude à laquelle je n’ai jamais dérogé. Cher ? Pas tant que cela en vérité. Qu’ai-je perdu ? Des occasions professionnelles de rebondir après ma sortie de la presse ? Ennuyeux financièrement mais négligeable sur le plan de l’épanouissement personnel. Quelques opportunités de publier dans des maisons d’édition dont j’apprécie le catalogue ? Compte tenu des récentes évolutions techniques dans ce domaine, j’aurais des résultats au moins égaux ou supérieurs si je prenais pour de bon la décision de m’autoéditer.

Les post-soixante-huitards, les quinquas-anciens-punks, les ravis du New Age, les bobos trentenaires et quadragénaires bien pensants, je ne pense pas comme eux, ne rêve pas comme eux, n’espère pas comme eux, ne vis pas comme eux.

C’est aussi pour cela que je n’ai pas envie de commenter ce qui vient d’arriver et qui était annoncé depuis les années quatre-vingt-dix puis « officiellement » confirmé le 11 septembre 2001.