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23 avril 2020

Carnet / D’une étrange attirance

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Je m’abandonnerais encore plus facilement au charme bucolique de la nature et aux rêveries poétiques qui vont avec si, lors d’une promenade, ma main pouvait s’assurer de la présence d’une arme chargée dans ma poche. La loi me l’interdit mais pour mes personnages, c’est une autre histoire ! Lorsque j’écris un roman ou une nouvelle, j’ai un vrai plaisir à me documenter sur les armes de poing dont je peux les équiper lorsqu’ils évoluent en eau trouble.

Ce goût me vient de mon enfance désormais lointaine. À cette époque, les années soixante du vingtième siècle, les magasins de jouets regorgeaient de revolvers et de pistolets si réalistes qu’ils étaient utilisés par certains truands amateurs qui avaient la mauvaise idée de s’en servir pour des braquages, le genre de projet qui peut vous envoyer à l’ombre pour autant d’années que si l’arme n’est pas factice, et c’est très bien ainsi.

Dans la propriété de mes grands-parents où, tout gosse, je passais la plus grande partie de mon temps, la cour intérieure, le jardin et le hall résonnaient plus que de raison des pétarades de mes jouets favoris. Il s’agissait de deux lourds colts en métal chromé dont on appelait les munitions, bien sûr sans projectiles, des amorces.

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Rien ne m’excitait plus que d’appuyer sur la détente dans les endroits les plus sonores, notamment ce fameux hall carrelé aux murs peints dans les années trente d’où partait le grand escalier menant au premier étage, ce qui n’était vraiment pas du goût de mon arrière-grand-mère exposée à ce vacarme à quelques mètres de son appartement.

Il échappait à mon insouciance d’enfant qu’elle était née à la fin du dix-neuvième siècle, plus exactement en 1882, et qu’elle pouvait donc prétendre, malgré sa santé de fer hélas doublée de longs épisodes dépressifs, à un repos bien mérité jusqu’à la fin de sa vie qui survint en 1978 alors que j’avais dix-neuf ans.

Elle avait trente-deux ans en 1914 et cinquante-sept en 1939 mais lorsqu’elle me parlait des deux guerres mondiales, c’était toujours sous le coup de la frayeur transmise dans la mémoire traumatique familiale par l’incarnation de la figure de l’ennemi prussien, les uhlans, même si ces cavaliers armés de lances ne furent engagés qu’au début de la guerre de 14 avant d’être envoyés comme fantassins dans les tranchées.

Contrairement à d’autres membres de ma famille qui s’en désolaient, mon arrière-grand-mère semblait indifférente à ma préférence de petit garçon pour les jeux guerriers et les armes. C’est en pensant à elle que j’ai écrit une courte nouvelle sur le thème des uhlans. Tous les récits familiaux des deux conflits mondiaux et du conflit algérien ont réussi à me transmettre le dégoût de la guerre mais, paradoxalement, pas celui des armes individuelles, en particulier les armes à feu.

 

 

31 mars 2020

Nouvelle / La déroute des uhlans

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Cette fois, la terreur, la désolation, le chaos et la mort étaient à nos portes. On avait signalé les uhlans à quelques encablures. C’était la fin. On ne sortirait plus des ténèbres. On entendait des clameurs, des cris, les galops et les hennissements de leurs chevaux. Le vacarme emplissait la nuit.

Une ombre envahit d’un seul coup le mur en face de moi, un cheval qui se cabrait, et son cavalier avec sa lance. Puis une longue plainte, déchirante, les sanglots, les gémissements de qui a perdu tout espoir et puis, subitement, plus rien. Le silence.

Je me redressai et je vis le château encore debout. De nombreux combattants encombrés de leurs cuirasses gisaient comme des tortues qu’on aurait retournées sur leurs carapaces. Le seul rescapé était le grand cavalier noir.

La longue plainte reprit, plus désespérée, plus lugubre, comme si les voix des victimes des uhlans se joignaient en un choeur funèbre ultime.     

Malgré leur férocité, les uhlans n’avaient pas pu venir à bout du cavalier noir qui les avait tous mis en pièces.

J'avais fini par l'obtenir après les devoirs de vacances du jour, l’arrosage du jardin, le balayage des feuilles mortes dans la cour, le rangement de la vaisselle et pas une seule défaillance dans le lavage des mains avant et après le repas (petit déjeuner compris), avant d’aller aux toilettes et avant d’en sortir, moyennant quoi j’avais enfin pu incorporer le cavalier noir en renfort à mon armée de fantassins en plastique.

© Éditions Orage-Lagune-Express

 

27 mars 2020

Carnet / Portrait du personnage

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Une ressemblance avec l'enseigne de vaisseau Mhorn ?

 

Dans l’écriture de fiction, qu’il s’agisse du roman ou de la nouvelle, la description physique d’un personnage est loin d’être une évidence. Lui tirer le portrait est-il nécessaire à la narration ? À quel moment ? Dans quel but ? Il est plus facile de s’en passer dans une nouvelle très épurée que dans un roman. On peut contourner la difficulté en résumant le personnage à un détail sur lequel insister renseignera éventuellement sur sa psychologie, son histoire, un épisode de sa vie ou ses rapports avec les autres.

Quelle apparence donner à l’enseigne de vaisseau Mhorn qui apparaît dans plusieurs de mes livres publiés (Le Grand variable, Trois figures du malin) et inédits ? Il est certes un homme dans sa maturité mais dans quelle tranche d’âge ? Entre la cinquantaine (adolescence de la vieillesse) et la soixantaine (entrée dans le troisième âge) ? Fait-il plus jeune ou plus vieux que son âge ? Quelle particularité de son visage, de sa silhouette et de son maintien peut-elle donner une idée de son expérience, des épreuves qu’il a subies ou au contraire de la monotonie de son existence ? 

La description minutieuse a son intérêt si elle est précisément justifiée mais elle peut aussi enfermer le lecteur, l’empêcher de se faire sa propre idée du personnage. C’est souvent le cas pour des lecteurs très créatifs qui peuvent avoir plus d’imagination que le narrateur. Même s’ils n’écrivent pas, certains lecteurs ont une vraie nature de romancier, parfois plus riche que l’auteur du roman qu’ils ont entre les mains. Parmi les lecteurs de poésie qui ne produisent aucun texte (cela peut arriver !), un grand nombre d’entre eux sont ce qu’on appelle des natures poétiques dotées d’une capacité de lecture créative complexe qui peut les inclure sans problème dans le même processus mental que le poète. C’est pourquoi un personnage de fiction qui s’aventure dans un poème pâtira moins d’une description épurée qu’un personnage de roman ou de nouvelle.

En littérature, un des principaux défauts de jeunesse ou de pratique consiste à ne pas faire confiance au lecteur tout à fait capable d’avancer tout seul comme une grande fille ou un grand garçon sur les chemins sinueux du récit. Plus on écrit et plus on est lu (même par un lectorat restreint), plus on se rend compte que le lecteur peut devenir un excellent collaborateur si on accepte l’idée de ne pas toujours le contrôler en lui expliquant tout ce qu’il peut déduire ou carrément imaginer par lui-même.

Cette idée de déléguer une partie du travail me plaît beaucoup, non seulement parce que je n’aime pas trop me forcer mais encore parce qu’elle permet de prendre de la hauteur sur son propre texte, notamment lorsqu’on est bloqué par un détail ou coincé dans une impasse. C’est en abandonnant brièvement la peau de l’auteur et en se glissant un instant dans celle du lecteur qu’on finit par trouver la solution. Souvent, cette solution peut consister en l’absence même de solution ! Il faut parfois des jours et une corbeille remplie de brouillons pour accepter d’en arriver à cette conclusion.