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25 mars 2020

Carnet / Du choix des armes (dans la fiction)

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Dans un roman, mettre en scène un personnage de fiction dont un aspect de la personnalité est défini par le fait qu’il ne se sépare jamais d’un pistolet pose quelques problèmes techniques liés à la vraisemblance qu’il ne faut pas confondre avec la vérité.

Il faut tout d’abord au minimum connaître la différence entre un pistolet et un revolver, se préoccuper du modèle (s’il le transporte en permanence, il ne doit pas être trop encombrant) et s’assurer qu’il a pu se le procurer dans des conditions crédibles que le récit mentionnera en une phrase ou une simple remarque pouvant par exemple être prononcée par un autre personnage.

Mhorn n’a pas réellement le grade d’enseigne de vaisseau. Ce sont ses anciens collègues de la marine marchande et son ami brocanteur et compagnon de boisson qui l’ont affublé de ce surnom. Après l’interruption de sa carrière dans la marine marchande, il mène une vie solitaire et vivote de transactions plus ou moins légales, principalement dans le commerce d’œuvres d’art et de livres anciens, dans lesquelles il intervient le plus souvent comme intermédiaire. Des opportunités dans d’autres transactions peuvent se présenter à lui. Le lecteur ne trouvera donc pas trop étonnant qu’il ait pu mettre la main sur un pistolet.

Dans un premier temps, j’avais choisi d’équiper mon personnage d’un Luger en raison de mon goût pour la forme caractéristique de cette arme mais le fait qu’il ait été utilisé lors de la première et de la deuxième guerre mondiale en fait maintenant une pièce de collection qu’il est très peu probable de trouver en état de fonctionnement dans la poche d’un passant du vingt-et-unième siècle.

J’avais aussi pensé à un Makarov (photo ci-dessus), pièce dont le faible encombrement, la simplicité et l’esthétique sont des qualités adaptées à mon faux enseigne de vaisseau. Je pourrais évidemment régler l’affaire en confiant à Mhorn un Beretta ou toute arme produite de nos jours mais cela nuirait à la dimension psychologique que je veux donner à ce personnage. Il lui faut une arme ancienne (mais pas trop) et des munitions d’origine ou compatibles, ce qui n’est pas évident.

Voilà une petite idée des problèmes qui peuvent se poser au romancier lorsqu’il veut tout bêtement s’autoriser à écrire « il posa son flingue sur la table de chevet » .                  

 

 

14 décembre 2019

Au bar de l'hôtel

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Photo © MCC, 2018

Un cognac en fin d’après-midi n’était pas une bonne idée. Mhorn en prit deux au bar de l’hôtel après le départ du Bernois mais n’obtint pas l’effet escompté. L’observation furtive de la jeune fille chez Andrade avait réveillé une vieille amertume à laquelle il était furieux de céder. La jeune fille ressemblait-elle seulement à Mariana ? Malgré une différence d’âge d’une bonne quinzaine d’années avec lui et le Bernois, Mariana était peut-être méconnaissable aujourd’hui. Si Mhorn avait trouvé une ressemblance, c’était tout simplement parce qu’il cherchait le visage de Mariana dans celui de toutes les autres femmes qui pouvaient le troubler. Était-ce la commissure des lèvres, un froncement de sourcils, un clignement de paupières ou bien ce léger sourire de pure civilité que les hommes sont souvent un peu trop prompts à interpréter comme un indice de douceur, de bienveillance ou d’empathie ?

Mhorn s’en voulait de ressasser ainsi. Encore une journée fichue, pensa-t-il en trempant un sucre dans le fond de son verre. Le Bernois avait quitté la bibliothèque d’Andrade muni de vieux dictionnaires destinés aux étagères de son magasin à Berne et Mhorn n’avait pas pu convaincre Andrade de baisser le prix d’une marine de la fin du dix-neuvième siècle qui intéressait un de ses clients. Tout ce qui lui restait de cette entrevue se limitait à cette histoire fumeuse de diamant à retrouver Dieu sait où et à négocier avec Dieu sait qui pour en partager de bien illusoires profits. Si je n’avais pas quitté la marine marchande pour trafiquer des vieilleries, je n’aurais plus que quelques années à tirer avant la retraite, se reprocha-t-il, mais j’aurais peut-être fait naufrage ! plaisanta-t-il en lui-même ainsi qu’il en avait l’habitude pour lutter contre ce qu’il considérait avec mépris comme des états d’âme. Le naufrage s’était pourtant produit, non pas dans l’océan mais dans la vie. La glace derrière le comptoir mal éclairé renvoyait de Preben Mhorn le reflet d’un homme dont les yeux ne pouvaient désormais briller que dans une colère froide ou, parfois, à la vue d’une liasse de billets de banque.

 

(Chantier en cours)

© Club L A C, éditions Orage-Lagune-Express 2019 et l'auteur. Manuscrit déposé en étude notariale comme tous les extraits de fictions inédites publiés sur ce blog.

 

06 juin 2019

Carnet / Francis Poulenc et la Rolls verte

Une amie qui a lu mon livre Mariage d’automne me suggère de développer l’une des nouvelles du recueil, La Rolls verte, en un roman. C’est amusant car j’avais eu la même idée peu après la publication en 2017. J’ai donc décidé de suivre le conseil. J’avais ménagé une conclusion ouverte à la nouvelle, ce qui va me faciliter la tâche. Plusieurs lecteurs et lectrices avaient interprété à leur façon cette histoire, ce qui prouve qu’elle est adaptée aux développements romanesques.

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J’espère que je parviendrai à irriguer ce roman avec ce concerto que je connais par cœur. Comme toujours, je ne suis pas certain de réussir mais certains indices me confortent dans ce choix, notamment la vision quasi cinématographique des différents épisodes que je veux raconter. Lorsque je suis dans une telle disposition, je n’ai même plus l’impression d’écrire mais de raconter un film que j’ai vu à quelqu’un. Chaque fois que je procède ainsi, j’arrive au but que je me suis fixé.

Une fois de plus, je mesure l’importance cruciale de la musique dans mon processus d’écriture. Dès que j’en écoute moins, ma créativité et ma production baissent. D’ailleurs, désormais, chaque fois que je publierai un nouveau livre, je mentionnerai à la fin du volume les œuvres musicales écoutées pendant la période de rédaction, même si le lien entre elles et ce que j’écris peut sembler ténu. C’est ce que j’ai fait à la fin de mes Poèmes du bois de chauffage.

 

Note / L'enregistrement du concerto pour piano de Francis Poulenc auquel je fais référence est celui du pianiste Éric Le Sage avec Stéphane Denève à la direction de l'orchestre philharmonique de Liège (RCA red seal), cf. image ci-dessus.