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06 juin 2019

Carnet / Francis Poulenc et la Rolls verte

Une amie qui a lu mon livre Mariage d’automne me suggère de développer l’une des nouvelles du recueil, La Rolls verte, en un roman. C’est amusant car j’avais eu la même idée peu après la publication en 2017. J’ai donc décidé de suivre le conseil. J’avais ménagé une conclusion ouverte à la nouvelle, ce qui va me faciliter la tâche. Plusieurs lecteurs et lectrices avaient interprété à leur façon cette histoire, ce qui prouve qu’elle est adaptée aux développements romanesques.

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J’espère que je parviendrai à irriguer ce roman avec ce concerto que je connais par cœur. Comme toujours, je ne suis pas certain de réussir mais certains indices me confortent dans ce choix, notamment la vision quasi cinématographique des différents épisodes que je veux raconter. Lorsque je suis dans une telle disposition, je n’ai même plus l’impression d’écrire mais de raconter un film que j’ai vu à quelqu’un. Chaque fois que je procède ainsi, j’arrive au but que je me suis fixé.

Une fois de plus, je mesure l’importance cruciale de la musique dans mon processus d’écriture. Dès que j’en écoute moins, ma créativité et ma production baissent. D’ailleurs, désormais, chaque fois que je publierai un nouveau livre, je mentionnerai à la fin du volume les œuvres musicales écoutées pendant la période de rédaction, même si le lien entre elles et ce que j’écris peut sembler ténu. C’est ce que j’ai fait à la fin de mes Poèmes du bois de chauffage.

 

Note / L'enregistrement du concerto pour piano de Francis Poulenc auquel je fais référence est celui du pianiste Éric Le Sage avec Stéphane Denève à la direction de l'orchestre philharmonique de Liège (RCA red seal), cf. image ci-dessus.

 

11 mai 2019

Carnet / Littérature et patates frites à la graisse de bacon

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Lorsque je travaille (très lentement) à un roman, je suis toujours perplexe quand il me faut céder à ce bricolage, c’est-à-dire veiller à la cohérence du récit, à l’épaisseur des personnages et autres ficelles attendues par une majorité de lecteurs comme on attend les pommes de terre avec la choucroute. Je voudrais bazarder toute cette horlogerie. C’est ce que j’avais fait dans mon Grand variable mais jamais ce livre ne fut considéré comme un roman.

 

C’est pourquoi j’admire Jim Harrison. On dirait qu’il n’a écrit tous ses gros bouquins que pour le plaisir de nous décrire ce qu’il mange, ce qu’il boit et où il marche. Plus les romans sont épais, plus les intrigues sont ténues ou bâclées. Les nouvelles tirent en longueur (ce sont d’ailleurs des novellas) et s’arrêtent comme elles ont commencé. Les chutes sont absentes ou prévisibles, notamment lorsqu’il y a suicide. Les scènes de sexe sont rapides, furtives et convenues. Le narrateur, omniscient ou non, est écrasant et désinvolte avec les autres personnages décrits à gros traits. La prose s’égare vers le poème et le poème s’épaissit dans la prose.

 

Lors d’une discussion avec un poète de ma connaissance, à l’écriture assez caractéristique de cette tendance que je déplore et qui consiste à intellectualiser la sensation, l’envie de provoquer un peu mon interlocuteur me fit évoquer un poème de Jim Harrison où il est question (entre autres) de patates frites dans la graisse de bacon. Le résultat ne se fit pas attendre. Mon visiteur poète me déclara : je ne lis pas de la poésie pour entendre parler de fricassées de patates.

 

Je lui répondis que je comprenais et respectais son point de vue mais que je ne le partageais pas. Du coup, la conversation tomba comme une cuillerée d’huile dans le gosier et nous eûmes bien du mal à la relancer tant elle avait été flinguée par les patates frites à la graisse de bacon de Jim Harrison.

 

05 février 2019

Carnet / Magique !

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L’hiver est décidément une bonne saison pour travailler à mes deux chantiers de roman. Pour oublier la neige, rien de mieux que de rédiger les scènes d’été. La pratique du roman a ses avantages quand on fait partie de la morne confrérie des météo-dépendants, poètes et boulimiques à leurs heures. C'est aussi une forme de narration qui peut souvent marcher toute seule comme si tous les matins, la cafetière venait d'elle-même remplir le bol par la seule grâce d'une rêverie routinière.

 

Le roman, c’est vraiment la double vie, une de ces petites libertés qui font oublier que ce mot tant galvaudé n’a de sens réel qu’au pluriel. Dans ce cas-là comme dans d’autres, (amour, bonheur, désir) il est amusant de constater que le pluriel n’est pas augmentatif mais diminutif. Les libertés ne sont pas la liberté, les amours ne sont pas l’amour, les bonheurs ne sont pas le bonheur, les désirs ne sont pas le désir.

 

Il arrive que les amis qui ne lisent pas et qui, de ce fait, ont une excellente raison de ne pas me lire, s’aventurent quand même parfois à me questionner sur ma perversion (l’écriture). La question qui revient le plus souvent est d’ordre technique : as-tu un plan ? Je recommande à l’auteur qui a encore l’âge, le statut social ou l’obligation professionnelle de se prendre au sérieux (ou de faire semblant) de répondre oui, ce qui rassurera la majorité du public dont les valeurs seront toujours l’effort, la peine, le boulot, le turbin, la tâche, le défi, le challenge, enfin bref, tout le saint-frusquin.

 

N’ayant plus aucune de ces obligations, j’ai le plaisir d’affirmer que lorsque j’écris un roman, je ne veux surtout pas établir un plan. Cela m'arrive pour la nouvelle dont le format requiert éventuellement plus de rigueur alors que dans le roman, on peut à mon avis se permettre de se vautrer avec autant d’aisance qu’un sanglier dans une belle ornière pleine de boue bien épaisse.

 

Par exemple, intégrer à la scène romantique le menu du restaurant où dînent les amoureux m’enchante, ce qui présentera d’ailleurs peut-être plus d’intérêt que ce qu’ils ont à se dire dans un tel moment avec le risque élevé d'un fragment de salade coincé entre les incisives.

 

Ah ! La magie de la littérature !

 

Image : ma cafetière volante photographiée par Marie