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Bien sûr, la grossièreté que vous venez de sortir à la surprise générale indique que vous avez probablement pété un câble. Avec un brin de pensée complexe, vous pouvez toujours vous rattraper en laissant croire à ceux qui se veulent malins, ceux à qui on ne la fait pas, que vous l’avez fait exprès, que c’était tout à fait calculé.
Puisque l’exemple vient d’en haut, je peux aussi me permettre des gros mots. J’affirme donc qu’en tant qu’électeur, je suis dans la merdre (je préfère employer cette ubuesque épenthèse pour ne pas réveiller les robots modérateurs de Facebook qui pourraient m’emmerdrer).
Je disais donc que me voilà bien emmerdré ainsi que le souhaite notre Ubu roitelet. Moi et bien d’autres, nous tournions certes en rond depuis longtemps dans la nasse électorale astucieusement disposée par le président Mitterrand qui nous fit ainsi enchaîner de son vivant et bien après sa mort les votes cordons sanitaires appelés aussi fronts républicains ou votes castors pour faire barrage. Hélas, ce qui est normal et sain pour ces rongeurs ne l’est point pour les électeurs qui ne sont pas des castors.
Aujourd’hui, la nasse s’est tellement rétrécie à l’approche de l’élection présidentielle qu’elle en est devenue, disons-le tout net, un vrai piège de merdre parce que pour moi qui désire comme d’autres sortir le roitelet ou tout au moins lui infliger un camouflet s’il vient à se maintenir (ce qui est hélas probable) il n’y a guère d’options au second tour.
Première option : je m’abstiens et je contemple du haut de ma noble retraite mes mains aussi propres que ma conscience mais après, je ne viens pas pleurer. Deuxième option : je vote pour l’adversaire du roitelet, quel qu’il soit, même si je ne l’aurais pas fait en temps normal ; mais nous ne sommes pas en temps normal. Nous sommes dans le temps du passe vaccinal, autant dire dans la merdre pour les gens comme moi.
Le type de société dans laquelle nous venons de basculer est celle du « pass » pour tout si l’on veut passer partout. D’autres plus compétents que moi l’annoncent déjà dans leurs analyses, notamment en ce qui concerne par exemple un éventuel pass écologique qui comptabilisera le crédit de déplacements en voiture dont on nous permettra ou non de disposer. Et je vois bien arriver un pass-santé qui gèrera le crédit de soins médicaux auxquels nous aurons droit (ou non) à l’aune de notre mode de vie ou d’alimentation et bien sûr en fonction de notre discipline vaccinale ainsi qu’après examen de notre bonne volonté dûment prouvée pour la pratique régulière d’un sport, tout cela évidemment pour notre bien.
Moi, j’appelle cela le « passisme » , ce variant du fascisme mou qui finira par devenir dur. Le temps que nous mettrons à prendre pleinement conscience de ce danger allongera celui que nous mettrons à le stopper. Là, juste devant, voici l'élection présidentielle. Qu'est-ce qu'on fait quand on veut virer le roitelet même si son adversaire ne nous plaît pas plus que cela ? Question de merdre, je vous l'accorde.
J’ai fini 2021 et commencé 2022 dans un esprit offensif et vindicatif propice à la dureté des affrontements politiques à venir mais je reconnais avoir été si perturbé par le naufrage de nos libertés fondamentales que je n’ai guère eu l’idée de présenter mes vœux.
Même l’Épiphanie, moment tout aussi important pour moi que l’ensemble des temps forts du calendrier chrétien, est passée un peu au second plan dans le déroulement habituel de ma manière de vivre Noël et la Saint-Sylvestre (je ne parle pas des réveillons et des autres aspects profanes de ces fêtes qui se sont comme toujours agréablement déroulés en famille).
Mon autre petit rituel, le concert du nouvel an que suis d’ordinaire à la télévision, est aussi passé à la trappe parce que je ne trouve rien de plus déprimant à voir que ce public masqué (quand les musiciens ne le sont pas aussi). Je suis pourtant un admirateur de l’immense Daniel Barenboim qui était cette année au pupitre.
Avant-hier dimanche, profitant d’un vrai concert intégral c’est-à-dire non interrompu, non saucissonné dirais-je, par d’insupportables bavardages d’interprètes dont la chaîne Arte est hélas devenue coutumière, j’ai quand même pu me régaler du quatrième concerto pour piano de Beethoven, mon préféré, avec Daniel Barenboim au piano (il est aussi chef d’orchestre) et Zubin Mehta à la direction ; mais cette belle salle du Staatsoper de Berlin sans public, quelle tristesse de ces années Covid...
Je sais que pour longtemps encore, je devrai me contenter de mes écrans pour accéder à la magie des concerts puisqu’ainsi en a décidé le roitelet freluquet à l’encontre d’un nombre inévitablement croissant de celles et ceux qu’il ne considère plus comme des citoyens, se positionnant désormais de lui-même comme un ennemi. Au moins grâce à lui, tout électeur qui n’aura pas envie de tendre l’autre joue après la gifle se verra enfin délivré du piège du vote castor.
Durant toute ma jeunesse, en ces décennies d’un autre monde où les élections se limitaient à blanc bonnet et bonnet blanc, on m’a reproché de me tenir à distance de la politique. Maintenant que je suis vieux, on me reproche de me soucier de politique, même si ce n’est du reste que sur les réseaux sociaux, de temps à autre sur ce blog et parfois dans mes livres.
Je ne suis guère motivé par d’autres formes d’engagement. Aucune manifestation ne me tente car celles que je soutiens sur le principe comme celles des opposants aux passes sanitaire et vaccinal sont remplies de gens qui nuisent à la cause par leurs expressions et positionnements fantasques ou purement illuminés ainsi que j’en trouve parfois jusque dans mon entourage amical.
Les plus navrants sont ceux qui veulent créer des communautés sans chef pour se tenir hors de la politique, comme ils disent, démarche par ailleurs hautement politique qui évoluera inéluctablement en un temps record vers l’émergence de petits chefs auto-proclamés encore pires que ceux qui sévissent dans la collectivité nationale dont ces naïfs prétendent s’extraire en rejouant de manière pathétique la scène hippie des années soixante-dix, époque de leur fossilisation intellectuelle. Même pas sûr qu’ils soient capables de faire de bons fromages de chèvre. À seize ans, c’est mignon ce genre d’illusion mais à soixante, c’est moche et rance comme un catogan de vieux baba.
De tels alliés (qui n’iront même pas voter) ne nous aideront pas à sortir le roitelet et ses domestiques. Ce n’est pourtant pas le moment de flancher.