26 octobre 2017
Douzième poème du bois de chauffage
Voilà une belle journée pour le petit bois car cette nuit le grand vent a secoué les frênes et tout ce qu’il pouvait
Il faudrait remplir des brouettes avant la pluie le temps pourrait manquer
Mais j’ai compris que le temps a toujours été le luxe de ma vie étrange et je reste assis au milieu de la ronde des feuilles d’automne qui ressemblent à des papillons
Je me comporte donc avec le temps comme quelqu’un qui a gagné au jeu de hasard
Je le dépense je le perds je le gaspille autant que j’en ai envie
Un jour j’en aurai peut-être assez de gaspiller le temps sous les frênes devant ma brouette vide mais ce jour n’est pas encore venu
© Éditions Orage-Lagune-Express 2017
Photo : ma vieille brouette
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25 octobre 2017
Onzième poème du bois de chauffage
Ils retournent à l’état sauvage mes arbres fruitiers je n’ai ni le temps ni les compétences pour les en empêcher
J’ignore si l’on peut encore les rattraper ils me prennent de vitesse et Dieu sait que moi aussi je m’ensauvage alors pourquoi pas eux
Le pommier le poirier le cerisier et le prunier sont tout barbus il paraît que ce lichen qu’on appelle tabac de sorcière est signe de bon air
Le cerisier monte au ciel dans le vent il ressemble à un grand adolescent disproportionné qui fait le fou sous les nuages
Mais tous fleurissent avec insolence quand les frênes qui les encerclent et les affament sont encore nus
Bien que les arbres paraissent plus sympathiques que les humains je ne jurerais pas qu’ils soient moins avides
J’ai l’impression que mes arbres fruitiers sont en colère et qu’ils le disent avec leurs basses branches tordues noires et pointues juste au-dessus de ma tête
Je casse ces ramures et je les brûle comme bois d’allumage dans la cheminée pour que les petites flammes soient à mes yeux leurs fleurs ultimes
© Éditions Orage-Lagune-Express 2017
Photo : derrière ma maison
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10 octobre 2017
Dixième poème du bois de chauffage
C’est difficile de communiquer avec le type qui livre le bois de chauffage sous les gros nuages violets du petit matin
Non pas que je souhaite vraiment communiquer mais juste avoir l’air à peu près affable même si je n’ai pas encore bu mon premier café
Il a l’habitude de parler bref et fort à cause du bruit du camion et de la benne qui verse les onze stères mais moi j’ai été éduqué à articuler et à ne pas parler trop fort
On ne peut pas s’entendre
Lui il se lève tôt pour le travail moi je me lève tôt parce que je pense au temps qu'il reste et pour glander plus longtemps
On ne peut pas se comprendre
Une vague gêne comme un brouillard finalement ça nous arrange le fracas des bûches qui s’entassent
Et le malaise se dissipe quand je donne le chèque tout redevient normal jusqu’à l’automne prochain
© Éditions Orage-Lagune-Express 2017
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