30 juillet 2019
Carnet / Prisonnier du roman (2)
En donnant un petit coup de main à une amie propriétaire de chevaux pour planter des piquets de bois, je pensais aux premiers travaux que requiert le roman.
On délimite un espace géographique, temporel, et on attend ce qui va se passer à l’intérieur. Ce n’est que bien après qu’on écrit. Avant, il faut taper fort pour enfoncer les piquets, sinon, la clôture ne tient pas et la « scène » du roman disparaît dans la nature avec tout ce qu’elle devait contenir.
C’est ce qui me faisait affirmer dans un texte plus ancien que le roman, à l’inverse de la nouvelle réclamant spontanéité, rapidité et précision, demande un labeur rustique, une forme de boulot, de lourd turbin certes nécessaire mais qui n’est pas dans ma principale conception de l’écriture.
Le plus intéressant ne vient qu’après, lorsque l’auteur peut enfin apporter sa petite musique, celle qui donnera peut-être à son histoire mille fois racontée par d’autres la sensation d’une voix sinon unique, au moins particulière, comme celle gravée sur un vieux disque retrouvé dans un grenier de la toute relative éternité humaine.
Photo 2 : Musée du Fado à Lisbonne (photo Christian Cottet-Emard)
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29 mai 2019
Carnet / Prisonnier du roman
Tout devrait me dissuader de travailler le roman, notamment cette part déplaisante de bricolage dont j’ai déjà parlé. Et pourtant je m’y colle presque tous les jours ou plutôt toutes les nuits car ce genre littéraire ne souffre pas les baisses de rythme qui peuvent conduire à la panne. Pour l’éviter, je trouve commode d’écrire plusieurs romans en même temps.
Ce sont vraiment des chantiers avec leurs retards et leurs problèmes techniques. L’avantage de passer d’un chantier à l’autre est de mettre les difficultés entre parenthèses. Si je suis dans une impasse dans l’un, je suis mon chemin dans l’autre. Le problème de l’un est parfois la solution de l’autre.
À l’inverse des chroniques paresseuses que j’affectionne, souvent écrites d’un trait au gré de l’humeur et de la fantaisie et dont je vois tout de suite le résultat, le roman est une forme absurde d’artisanat, une activité vaguement perverse qui permet de faire dire tout haut à des personnages ce que l’auteur pense tout bas.
Et si l’on va jusqu’à la publication, tout ce travail finira devant l’œil distrait d’un type qui s’arrête quelques secondes devant une vitrine rescapée d’un autre monde. Tout ça pour ça ! Il faudrait cesser ces enfantillages, grandir un peu !
Mais voilà que quelques mètres plus loin, apparaît cette femme peinte sur une porte de garage. De quelle joie ou de quel chagrin vient-elle ? De quel espace-temps surgit-elle ? Qui a-t-elle emprisonné dans la peinture de son portrait au hasard des rues ? Seul le roman peut donner des pistes. Misère, voilà que ça me reprend !
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20 janvier 2019
Carnet / Un conseil de Ian Fleming et une promenade au lac Genin gelé
En ce moment, je travaille beaucoup plus vite que d’habitude sur un chantier de deux romans dont l’un me pose des problèmes techniques. Par chance, cette accélération survient en cette période de l’année moins propice à la vie à l’extérieur. Alors j’avance parce que je suis moins distrait par le monde. Le roman me procure cependant moins de satisfaction que le récit, la nouvelle et les genres aujourd’hui apparentés à la poésie. La narration romanesque relève un peu du bricolage, du bidouillage disait Raymond Carver, ce qui me paraît parfois assez vain mais il n’en demeure pas moins que j’éprouve un réel plaisir à m’immerger dans un monde et des personnages que je crée de toutes pièces. L’un des problèmes techniques que j’évoquais à l’instant est l’exactitude et il se trouve qu’en feuilletant un de mes anciens carnets, je suis tombé sur cette citation de Ian Fleming que j’avais recopiée : « Ne laissez jamais trop d’exactitude s’interposer entre vous et une bonne histoire. »
Après ce sage conseil, quelques images de ma promenade au lac Genin gelé hier samedi :
Photos (je dirais plutôt images) © Christian Cottet-Emard
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