13 juillet 2014
Carnet / De l'été pourri, des fêtes qui sonnent faux et d'un passereau qui s'en sort
Tout récemment lors d’une brève éclaircie, un passereau s’est cogné contre la fenêtre en voulant gober un insecte. Je suis sorti pour le retrouver probablement mort en bas des marches et j’ai fini par le localiser au milieu des herbes détrempées. J’ai vu ses yeux révulsés mais sa petite tête qui dodelinait faiblement m’a encouragé à l’envelopper dans un mouchoir en papier pour ne pas l’imprégner de mon odeur et à le déposer sur le bord de la fenêtre. Il est resté là sous cette couverture improvisée et, au bout d’un long moment, il s’est dressé sur ses pattes et s’est envolé dans les frênes. Je n’ai pas pu identifier son espèce. En tous cas, ce n’était pas un bouvreuil comme la dernière fois. J’ignore s’il s’en est sorti (son cœur n’a peut-être pas tenu le choc et il est peut-être allé mourir un peu plus loin) mais l’espoir est permis.
Photo : premiers brouillards d'automne ? Non. Début de soirée estivale devant ma maison vers 19h ces derniers jours ! Impressionnant non ?
Le jour suivant, un gros lièvre a tranquillement traversé la pelouse devant la baie vitrée pendant que je prenais mon petit déjeuner. J’ai aussi surpris le renard à deux reprises vers deux heures du matin pendant que je me tenais immobile dehors devant l’entrée de la maison. Un autre soir pluvieux, j’ai eu la surprise de repérer un ver luisant à quelques mètres de la porte d’entrée. J’ai cru qu’il s’agissait d’un reflet dans une goutte d’eau mais non, c’était bien un ver luisant qui maintenait allumé son minuscule lampion vert bleuté dans l’espoir têtu de vivre une idylle quelle que soit la météo.
Durant la semaine qui a précédé ce week-end j’ai retrouvé, dans la pénombre de ces jours qui devraient rayonner de lumière, les gestes de l’hiver. J’ai vidé les dernières cendres que j’avais oubliées dans la cheminée en pensant que la prochaine flambée serait pour un soir d’automne et, deux soirs de suite, j’ai allumé un feu tant les averses et le brouillard avaient enveloppé la maison d’une froide humidité. Il fait si mauvais que la chatte Linette a trouvé moyen de s'enrhumer à force de chasser dans les foins mouillés.
Ma seule (et maigre) consolation en ce ténébreux juillet est de voir (de loin) toutes les sinistres et minables kermesses organisées à grand renfort de banderoles et de sonorisations ineptes autour du vélo national emportées comme l’eau sale dans l’évier. Je ne vais pas me rendre sympathique en écrivant cela mais de toute façon, je n’ai jamais de ma vie écrit une ligne pour être bien vu (même quand j’étais payé pour « rendre hommage au dévouement des bénévoles » sans qui aucun bilan ne saurait être qualifié de « globalement positif » . Je ne vais pas commencer à cinquante-quatre ans !
19:22 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : été, été pourri, météo, prairie journal, carnet, note, écriture de soi, passereau, fête, kermesse, ballon, vélo, tour de france, pluie, brouillard, juillet, état d'âme, lièvre, renard, félin, blog littéraire de christian cottet-emard, ver luisant, lampion, idylle, goutte d'eau, évier, bilan, dévouement, bénévole, vie associative, association, automne, hiver, lumière, obscurité, ombre, ténèbres
23 juin 2014
Carnet / Comment j’ai vibré à la fête de la musique
Vous savez, ce célèbre animateur de télévision qui a toujours l’air de sortir d’une boîte de nuit provinciale des années 70 et qui glougloute comme un gros dindon chaque fois qu’il prononce le mot « fête » , eh bien si je vous lisais cette chronique à haute voix, je pourrais vous l’imiter. « Samedi c’était LA FÊTE ! »
Contraint de descendre à Oyonnax pour des raisons familiales et n’ayant pas assez de temps, entre deux rendez-vous, pour remonter tout de suite dans ma campagne, me voilà traînant sous les ombrages du parc Nicod en pleine fête de la musique.
Ça sent le tilleul et la frite, ce qui n’est pas pour me déplaire car j’aime autant l’un que l’autre et le parc Nicod est un très bel endroit. Je sais pourtant pertinemment que si mes yeux et mon nez sont agréablement sollicités, il n’en ira pas de même pour mes oreilles.
Depuis que Jack Lang a inventé la fête de la musique, on n’a pas mis longtemps à comprendre qu’elle était devenue — comment dire... ? Autre chose. Entre parenthèses, cela partait d’une bonne intention cette fête. Pourquoi faut-il que la gauche se fasse toujours une spécialité des utopies qui se transforment en cauchemars ?
La rapide dégénérescence de l’idée de départ de la fête de la musique, à savoir partager la musique, ce qui sous-entend partager l’espace public sonore, est liée depuis longtemps à la détérioration du lien social, du « vivre ensemble » pour parler comme ceux qui sont fiers de ne pas savoir parler.
Parler, se parler, voilà ce qui devient de plus en plus difficile lors de la fête de la musique en particulier et dans la société en général.
Ce 21 juin au parc Nicod, à quelques mètres de distance, pas moins de trois emplacements diffusaient chacun leur propre son, souvent en même temps, produisaient décibels et cacophonie à volonté et obligeaient quiconque souhaitant échanger un brin de causette de le faire brièvement et en poussant la voix au risque de s’en trouver dépourvu le lendemain.
Quant au groupe vedette de la soirée, si pathétique dans le style rock garage que c'en était hilarant, il a fonctionné d’un point de vue musical tel le bouquet final d’un feu d’artifice, à la différence près que ce n’étaient pas des bombes multicolores qui sautaient mais un type avec une guitare trop grande pour lui sautillant sur place comme un cabri excité d'avoir tondu un champ entier de plantes médicinales.
M’étant renseigné sur ces festifs électriciens (je sais, je suis ignare, que voulez-vous, je n’écoute que de la musique) j’ai appris que cette phalange avait eu son petit moment de gloire dans les années 80 du siècle précédent, la décennie de mes vingt ans. N’en avais-je pas ouï dire ? Peut-être m’avaient-ils momentanément grillé les tympans à l’époque... Ou bien il y avait grève (pardon prise d’otages, c’est comme ça qu’on dit maintenant) à l’EDF... Je ne pouvais pas avoir de boules Quies, ils n’en fournissaient pas encore à l’entrée des « concerts » en ces temps lointains, contrairement à aujourd’hui.
Dans ma grande naïveté, je croyais qu’il s'agissait d’une blague cette histoire de boules Quies. Pas du tout. « Chérie, passe-moi les boules Quies, je vais au concert.» Version arts plastiques : « Chérie, où sont mes lunettes noires ? Je vais à l’expo Soulages. » Ce monde est fou : « Chérie, je sors. Tu n’as pas vu mon entonnoir ? »
Suis-je bête, elle ne peut pas m’entendre et encore moins me répondre ! Elle était avec moi à la fête de la musique et aujourd’hui, nous sommes tous les deux sourds et aphones. En tous cas, on ne pourra pas dire qu’on n’aura pas vibré, comme les vitres des riverains !
17:48 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : carnet, note, journal, prairie journal, fête de la musique, oyonnax, ain, rhône-alpes, france, parc nicod, jack lang, gauche, utopie, cauchemar, rock, rock garage, bruit, décibel, vitre, sourd, aphone, communication, frite, tilleul, merguez, saucisse, entonnoir, lunettes noires, boules quies, blog littéraire de christian cottet-emard, humeur, humour, grève, edf, électricien, animateur, télévision, boîte de nuit, dindon, oreille, nez, phalange, riverain, vibration, 21 juin, animation, populisme, démagogie, nivellement par le bas, naufrage de la culture
17 juin 2014
Carnet / Avant de mettre la table du petit déjeuner
J’en suis encore à me demander, lorsque je trouve certains coins de ma région vraiment trop moches dans des bourgades du Haut-Bugey et du Haut-Jura, entre Oyonnax, Nantua et Saint-Claude, pourquoi je n’ai pas saisi quelques occasions de partir m’installer sous des climats et dans des lieux plus adaptés à mes goûts et à ma personnalité. L’Italie et le Portugal m’auraient beaucoup plu mais il n’est hélas pas dans mes moyens intellectuels d’apprendre une langue étrangère. Cette incapacité définitive a au moins un avantage :
Photo : à Lisbonne
lorsque je me trouve dans un pays étranger que j’aime, j’apprécie de ne rien comprendre de ce qui se dit autour de moi. C’est comme si je me trouvais en vacances de toute actualité avec l’illusion de jouir ainsi d’une sorte d’immunité diplomatique. Manque de courage, de maturité, de réactivité, lenteur, difficultés d’adaptation, esprit petit bourgeois souvent réactionnaire sur certains sujets (je n’en ai pas honte) peur de manquer (je suis adepte du « mieux vaut un tiens que deux tu l’auras »), je n’en finirais pas de chercher les vraies raisons de mon enracinement et cela ne servirait plus à grand-chose désormais. Quant aux « promotions » , du reste très foireuses, qu’on a tenté de me refiler à l’époque où j’étais dans la presse puis dans d’autres métiers, elles n’étaient que des manœuvres destinées à me mettre en situation d’incompétence et à me faire démissionner. Je ne suis évidemment pas tombé dans ce piège et quand bien même aurais-je accepté les mutations, ici comme ailleurs, j’aurais toujours eu la même nausée à me coltiner la merdouille locale qui pue partout d’identique façon, même sous des cieux plus cléments d’un point de vue météorologique. Au moins ici et maintenant, je vis dans une bulle de nature et d’espace à peu près préservés sur ma terre et celle de mes aïeux, à l’écart de ce qui a plombé ma jeunesse, c’est-à-dire des boulots débiles, des sots métiers, entre autres celui de journaliste qu’il me déplaît d’avoir exercé (mais c’était cela qui s’était présenté).
Ces trois derniers soirs, j’ai vu passer le renard qui a emprunté le même itinéraire à la même heure. J’étais dehors immobile au clair de lune sur trois marches près de ma porte d’entrée. L’autre soir, il a tourné la tête vers moi et s’est immobilisé sous l’effet de surprise. Jusqu’à maintenant, je n’en avais vu que de d’assez fluets mais ce spécimen-là était vraiment d’une taille impressionnante. Il m’a fixé intensément pendant une bonne minute puis, voyant que je ne bougeais pas, il m’a sans doute oublié et a repris tranquillement sa route en produisant de petits sons aigus et étranges, assez désagréables à l’oreille. La nuit suivante (pour une fois je dormais un peu mieux), ce sont les sangliers qui sont venus dévaster les rangées de pommes de terre dans le jardin. Nous ne couperons pas à la construction d’une clôture.
Pourquoi ai-je attendu si longtemps pour lire Charles Bukowski alors que mon ami et éditeur Jean-Jacques Nuel m’en a fait l’éloge depuis belle lurette ? Sans doute parce qu’il me fallait commencer par ce qu’on appelle des écrits périphériques ou secondaires comme peuvent l’être des carnets ou un journal. Il s’agit en l’occurence d’une sorte de carnet de route d’une tournée promotionnelle en Europe intitulé Shakespeare n’a jamais fait ça (éditions Points) que j’ai trouvé chez Gibert à Lyon. Bukowski y relate le souvenir (très embrumé par les vapeurs de vin blanc) qu’il eut de son passage à l’émission littéraire Apostrophes mais le plus intéressant réside évidemment dans de brèves notations qui révèlent sa vision du monde et surtout son irréductible allergie au bric-à-brac qui intéresse le commun des mortels ! Le texte (qui donnera des flatulences et des boutons aux bobos de la nouvelle bien-pensance contemporaine) voisine avec 80 photos de Michael Montfort où l’on voit l’auteur de L’Amour est un chien de l’enfer trinquer, faire du tourisme, fumer des cigarillos, essayer un imperméable, craquer des photos... Extrait page 53 : « Je devais faire une lecture de poésie à Hambourg. Ce qui ne m’empêchait pas de détester les lectures de poésie ; je me bourrais toujours la gueule et je me battais avec le public. Je n’ai jamais écrit de la poésie dans le but de la lire en public, mais c’est sûr que ça payait le loyer. »
Pendant que j’y étais (à Lyon) j’en ai profité pour ramener une version de A Ceremony of Carols de Benjamin Britten, un CD Naxos où l’on trouve aussi Friday Afternoons et un ensemble de trois mélodies, Three Two-part Songs. J’ai bien besoin d’écouter ce genre de musique en ce moment pour calmer les vagues de chagrin et d’anxiété contre lesquelles je lutte à armes inégales bien sûr.
À part ça, comme d’habitude dans le Jura, la saison à peu près chaude a succédé du jour au lendemain à la saison froide. Du coup, les pivoines qui ont trop hésité et on battu leur record de retard en attendant jusqu’à maintenant se sont ouvertes en catastrophe et ont vite cédé sous un soleil trop piquant. Certaines se sont étiolées et d’autres ont séché en boutons ; en cela les pivoines sont comme les œuvres littéraires que nous portons et qu’il faut sortir au bon moment. Sinon c’est fichu.
J’arrête là car il est 2h du matin et je me lève à 6h. En plus, j’ai besoin d’un petit cigare et d’un carré de chocolat noir. Je dois aussi mettre la table du petit-déjeuner.
02:13 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, écriture de soi, prairie journal, oyonnax, nantua, saint-claude, haut jura, haut bugey, france, franche-comté, rhône-alpes, renard, charles bukowski, michael montfort, éditions points, benjamin britten, a ceremony of carols, friday afternoons, naxos, cd naxos, blog littéraire de christian cottet-emard, petit déjeuner, cigare, chocolat noir, chagrin, anxiété, langue étrangère, italie, portugal, lisbonne, lisboa, pivoine, christian cottet-emard, jean-jacques nuel, amitié