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30 novembre 2017

Carnet / Nostalgie d'un pays stable

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Abonné à un site internet qui publie des informations destinées aux candidats à l’expatriation au Portugal, je suis particulièrement troublé par l’argumentaire d’un rédacteur.

Dans son énumération des avantages d’une retraite sereine au Portugal (le climat, l’ambiance, la fiscalité, la qualité de vie, la gastronomie, etc...) l’auteur de l’article insiste sur la stabilité du pays, suggérant à l’évidence qu’il y a bénéfice à quitter la France désormais de moins en moins considérée comme un pays stable en raison de l’aggravation de ses tensions intercommunautaires.

Qui pouvait prévoir que la France, parangon des nations occidentales stables depuis la fin de la seconde guerre mondiale malgré le bref coup de fièvre de mai 68 serait considérée autrement aujourd’hui ? Cela fait froid dans le dos.

Photo : À Lisbonne (photo © Christian Cottet-Emard)

 

03 novembre 2017

Carnet / De l’impossibilité de ronchonner

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J’aime beaucoup ronchonner parce que c’est bon pour la santé. Je ne m’en prive ni sur ce blog ni dans mon quotidien mais parfois, cela devient difficile voire impossible lorsque la vie fait des cadeaux.

Comment ronchonner quand l’arrière-saison est douce, quand le spectacle de la nature où se trouve nichée ma maison est un enchantement, quand l’aube et le crépuscule rivalisent dans des mauves qui défient la palette du plus fou des peintres et quand je n’ai qu’à lever les yeux vers ma fenêtre pour en profiter à ma guise car, cerise sur le gâteau, j’ai tout mon temps pour moi ?

Alexander Paley, Froberger, Roland Furieux : quand l’initiative culturelle privée vient à la rescousse.

L’offre culturelle locale publique en concerts classiques s’est effondrée ? Qu’à cela ne tienne, le privé prend la relève : après le récital du grand pianiste Alexander Paley invité à Nantua à l'initiative de Mireille Sourieau-Ecoiffier et de son époux Robert voici quelques semaines, deux concerts oyonnaxiens rien que ces derniers jours et non des moindres : l’avant-dernière partie de l’intégrale des suites pour clavecin de Froberger donnée par Olivier Leguay chez mon ami le peintre et auteur Jacki Maréchal dans son atelier et une mémorable soirée proposée la veille de la Toussaint chez mes amis Marie et Bernard Grasset dans leur maison avec l’ensemble Le Ridotto qui offrait au public un épisode du poème épique Le Roland Furieux de l’Arioste avec Florence Grasset (soprano), Dana Howe (luth) et Nicolas Hémard (récitant).

Ces trois artistes ont une telle connaissance de leur répertoire et une telle maîtrise de leurs spécialités respectives qu’ils parviennent en une heure à nous transporter dans cet univers à la fois si lointain et si proche de la Renaissance italienne. L’ouvrage était présenté dans la traduction de Mellin de Saint-Gelais et de Jean-Antoine De Baïf, ce qui permettait au public de mesurer l’art du récitant Nicolas Hémard, notamment dans la diction du vieux français.

L’ensemble Le Ridotto, sous la direction de Nicolas Hémard, revisite la littérature italienne. Grâce à son effectif adapté à l’intervention dans un petit espace, on peut le solliciter pour organiser des concerts à domicile, ce qui permet de renouer avec la tradition ancienne des salons de musique et de littérature, une aubaine si l’on réside comme moi dans une province où les saisons officielles de spectacles n’en finissent plus de décliner.

Par les temps qui courent, aussi bien en musique qu’en littérature, en spectacle vivant ou dans mon domaine, l’édition, je suis persuadé que l’initiative privée à destination de publics restreints peut offrir d’intéressants débouchés aux artistes et aux auteurs attachés à l’exigence et à la qualité.

Photo : hier devant chez moi (photo prise par Marie)

 

19 septembre 2017

Carnet / Au temps des préfabriqués

Au hasard des journées du patrimoine, je me suis retrouvé ce dimanche en fin d’après-midi devant le lycée où j’ai péniblement végété à la fin des années soixante-dix. J’ai préféré attendre dehors sous mon parapluie les personnes que j’accompagnais. Aucune nostalgie.

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Les professeurs de cette époque étaient souvent très politisés et ceci dès le collège. Je me souviens d’une jeune prof d’espagnol au collège Saint-Joseph de ma ville qui nous parlait en classe de quatrième du Christ révolutionnaire (!), ce qui m’avait inspiré une totale indifférence à l’inverse de mon père et de mon grand-père qui avaient quant à eux très modérément apprécié.

Du collège privé au lycée public, l’engagement politique à gauche et à l’extrême gauche était à la mode chez les enseignants. Bon nombre d’entre eux étaient marxistes et tentaient sans grand succès de saupoudrer leur enseignement d’un peu d’idéologie. J’avais des rapports tendus avec beaucoup d’entre eux. Mon échec scolaire dont j’étais seul responsable les renvoyait à ce qu’ils croyaient à tort être leur échec, ce qui les rendait parfois amers et condescendants et ce qui me poussait d’autant plus à rejeter le modèle qu’ils proposaient bien sûr en toute bonne foi.

J’avais été sévèrement sermonné par quelques profs d’extrême gauche qui connaissaient ma décision de ne pas faire mon service militaire, non par antimilitarisme ou par objection de conscience mais par simple convenance personnelle liée à mon incapacité à supporter toute vie en collectivité. Ces révolutionnaires d'opérette m’encourageaient à profiter de la conscription pour apprendre à manier les armes en prévision du Grand Soir. Il va sans dire que je n’ai tenu aucun compte de leurs arguments, que je n’ai jamais cru au Grand soir et que j’ai été réformé. 

Qu’aurait été ma vie si je m’étais laissé influencer par leurs fadaises politiques, y compris celles, plus modérées, des cathos de gauche ? Oh, le risque était faible car à la fin de l’adolescence, j’avais l’esprit beaucoup plus réactionnaire et petit bourgeois que maintenant, ce qui est plus souvent qu’on ne le croit le cas chez les jeunes. Aujourd’hui j’ai gardé intact l’individualisme qui horripilait mes profs mais je suis désormais plus conservateur que réactionnaire.

J’en ai longtemps voulu à cette frange d’enseignants plus ou moins militants qui me reprochaient d’afficher mon indifférence politique, mon allergie à toute forme de bénévolat et d’engagement collectif jusqu’au jour où j’ai compris qu’ils évoluaient comme il pouvaient dans un système dont ils étaient eux aussi les victimes. Il ne leur restait peut-être rien d’autre que leurs illusions malmenées et leurs crispations idéologiques pour trouver encore un peu de sens à leur vie professionnelle. Ni eux ni leurs élèves ne pouvaient savoir, un quart de siècle avant, qu’ils étaient déjà sous la menace de la vulgarité régressive et oppressive du nouveau millénaire.

À part un ou deux psychopathes, en sport évidemment, discipline dont je me suis de toute façon moi-même dispensé avant même mon entrée au lycée, la majorité des enseignants qui se sont succédé dans ma scolarité faisaient ce qu’ils pouvaient pour exercer au mieux leur métier pas toujours facile.

En cette pluvieuse journée du patrimoine, devant ce bahut ouvert pour l’occasion, j’ai pensé à ce que je ne devais pas à cet établissement et que seule ma famille m’a offert : du confort et du temps. (J’aime la famille car c’est la seule organisation sociale qui peut à la fois ouvrir l’individu au groupe et, le cas échéant, l’en protéger. La plupart des sociétés qui ne sont pas structurées en cellules familiales sont proches de la fourmilière.)

Ce dimanche devant les hauts murs ternes, j’ai senti les petites rancunes qui me restaient s’écouler prestement comme la pluie dans le caniveau, à l’image de tout ce qui a si peu de sens et d’importance mais à quoi tant d’heures neuves et fraîches ont été perdues.

Photo : souvenir de l'époque des préfabriqués.