10 juillet 2014
Comme les types en imperméables dans les films des années 70
Mon chagrin est monté dans la voiture comme un auto-stoppeur d’habitude je ne prends jamais d’auto-stoppeur mais celui-ci avait l’air inoffensif et dans les ennuis
Il s’est d’abord assis sur la banquette arrière mais je sens bien qu’il préférerait s’installer à l’avant «laisse-moi donc le volant» me dit-il
Je le vois m’observer dans le rétroviseur et attendre que je lui donne du « Mon chagrin » comme on donne du « Monsieur ou Madame »
Il n’est pourtant pas mon chagrin car en réalité je lui appartiens et c’est pour cela qu’il veut conduire la voiture
Je ne comprends pas grand-chose au fonctionnement de la voiture cela ne m’empêche pas de la piloter mais lui mon chagrin a vite compris comment je fonctionnais pour me conduire
Il pue je me méfie de lui il ruse un jour il s’est transformé en fauteuil soi-disant pour m’être agréable
Certes un fauteuil bancal mais on finit toujours par réussir à s’asseoir à peu près confortablement dans un fauteuil bancal
Je ne suis pas dupe des tours de mon chagrin qui est tenace et malin comme le diable
Je continue de conduire la voiture et je repère des petites routes puis des chemins dans la forêt « où on va ? » s’inquiète-t-il « quelle idée de quitter la nationale ? »
L’idée c’est de rouler vers une clairière noyée de pluie d’immobiliser la voiture de lui dire de descendre se dégourdir un peu les jambes d’arriver derrière lui et de lui flanquer une balle dans la nuque comme le font les types en imperméables dans les films policiers des années 70
(Extrait de mon recueil Poèmes de Preben Mhorn) © Éditions Orage-Lagune-Express
14:52 Publié dans Poèmes de Preben Mhorn | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : chagrin, poème, littérature, poésie, imperméable, balle dans la nuque, arme à feu, voiture, film policier, années 70, cinéma, christian cottet-emard, blog littéraire de christian cottet-emard, poèmes de preben mhorn, droits réservés, copyright, éditions orage lagune express, lézard, auto-stop, auto-stoppeur
28 juin 2014
Wilhelmine : C’est pas une heure pour quitter une femme
Service de presse
C’est pas une heure pour quitter une femme, de Wilhelmine, éditions de l’Onde, 100 p.15 €.
Le sentiment amoureux, sa brève plénitude, ses désordres, ses affres, son chaos, les poètes d’aujourd’hui usent souvent des artifices d’une feinte modernité (ironie amère, cynisme affiché, focalisation sur la mécanique des corps, cryptage du vécu personnel) pour continuer de le décliner sans se faire prendre en flagrant délit de lyrisme.
Or, qu’est-ce qui nous fait (au moins intérieurement) chanter tout en exerçant sur nous un chantage permanent ? Quelle est la clef du chant ? Rien d’autre que cet amour-là, quels que soient ses habits de lumière ou ses haillons. Tout le reste n’est que compensation, consolation ou au mieux littérature. Wilhelmine sait tout cela.
Son recueil de poème, c’est du vécu, le plus universellement partagé. Aussi ne s’embarrasse-t-elle pas, dans cet exercice délicat et périlleux qu’est la poésie amoureuse, des codes désormais en vigueur dans l’expression du sentiment, de ce nouveau conformisme qui rend de nos jours la révélation de l’affect plus dérangeante que celle du désir. Le risque est bien sûr élevé de trébucher sur quelques facilités voire quelques clichés, ce recueil n’en est pas exempt.
Cependant, en y réfléchissant bien et en se remémorant les poèmes d’amour célèbres, on se rend compte que leurs auteurs (es), au moment de l’urgence de s’exprimer sans détours lorsqu’ils sont sous l’emprise de cette intranquillité fondamentale, ne se soucient plus guère de littérature et, de ce fait, en produisent une d’autant plus forte. L’intimidant et parfois hermétique René Char nous donne alors sa Sorgue, limpide chanson pour Yvonne, et nous découvrons non sans surprise que le cérébral José Luis Borges a écrit assez de poèmes d’amour pour qu’en soit récemment publiée une anthologie.
Wilhelmine se garde bien de se placer dans le sillage de ces géants : « L’écriture est mon refuge, mon havre de clarté, mais aussi mon indispensable, ultime lien avec les humains, mon appel aux sensibilités en résonance » précise-t-elle en toute simplicité en ajoutant à propos de la composition de son recueil : « L’ensemble est voulu non pas comme une suite aléatoire ou quelconque de poèmes sans lien, mais construit presque comme un récit dont le fil conducteur se révèle seulement après coup plutôt que d’apparaître à la lecture immédiate.»
Ce récit, on peut le lire comme on regarde une vague dont on sait qu’elle est, à l’instar de l’expérience humaine, toujours la même et toujours une autre.
Christian Cottet-Emard
02:56 Publié dans Service de presse | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : wilhelmine, c'est pas une heure pour quitter une femme, éditions de l'onde, poésie, récit, littérature, poésie amoureuse, amour, sentiment, poème d'amour, émotion, affres, chaos, plénitude, lyrisme, désordre, tourment, affect, écriture, blog littéraire de christian cottet-emard, édition, chant, vague, expérience humaine, humanité
05 juin 2014
Soutien au poète Yvon Le Men
S'informer ici :
fin de droits, de quel droit ?
00:39 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (75) | Tags : yvon le men, poète, bretagne, poésie, fin de droit, littérature, précarité, éditions bruno doucey, pôle emploi, société, nouvelles du front, scandale, blog littéraire de christian cottet-emard