01 février 2015
Je craque.
14:58 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : assez, neige, hiver, ras-le-bol, blog littéraire de christian cottet-emard, photo, humeur, climat, météo, climat pourri, je craque
05 novembre 2014
Centenaire de la Grande Guerre et 11 novembre à Oyonnax :
Pourquoi l’exposition Jours de Guerre 1914-1918 ne sert à rien
« Le colonel n’a plus b’soin d’brosse à dents
il a laissé sa gueule à la bataille »
- Géo Norge -
D’où sort-elle cette exposition Jours de Guerre 1914-1918 installée au parc René Nicod à Oyonnax?
Dans un texte introduit par une phrase boiteuse (*) qui aurait valu une heure de colle à un élève de l’école primaire de ma génération, on nous explique sur le site internet de la Ville d’Oyonnax (paragraphe « Exposition jusqu'à fin novembre ») que ces images proviennent des archives photographiques du journal Excelsior tout en précisant de manière pour le moins laconique l’existence d’un livre « dont s’inspire l’exposition » . Une recherche rapide me permet de constater qu’il s’agit certainement de Jours de guerre : 1914-1918, Les trésors des archives photographiques du journal Excelsior, de Jean-Noël Jeanneney, paru en octobre 2013 aux éditions des Arènes. Cela coûtait-il plus cher de le mentionner ? Si le livre en lui-même semble très intéressant, l’exposition constituée d’une sélection de cinquante vues sur les huit cents que contient l’ouvrage me paraît poser problème.
Alors c’est donc cela la Grande Guerre ? pourrait se demander un jeune devant les panneaux du parc Nicod. Des soldats qui font « salon de lecture » dans une campagne bucolique (la légende de la photo vaut son pesant de bourrage de crâne:
« Le salon de lecture : on ne lit peut-être jamais tant qu'au front. Et peut-être jamais mieux ! Dans la forêt, tandis que gazouillent les oiseaux, il fait si bon avoir des nouvelles des civils et apprendre "qu'ils tiennent toujours" ! - Forêt de Laigue (Oise). Photographie publiée le dimanche 30 mai 1915. Photo Caudrilliers Excelsior ».)
N’est-ce donc que cela cette guerre, l’image insolite, presque poétique façon collage surréaliste, d’un aéroplane planté à la verticale sur un boulevard, des scènes de ferveur populaire, un peu de matériel malmené, de la popote, des manœuvres, des mains qui agitent des petits drapeaux, des visages de civils souriant bêtement face au décret de mobilisation générale ?
Non bien sûr, la guerre ce n’est pas cette guerre-là, esthétisée en photos bien léchées, bien propres. La guerre, la vraie, ce n’est pas cela, parce que, en vérité, la guerre c’est toujours la même chose : les ventres ouverts, les tripes à l’air, les entrailles qui libèrent leur contenu, les têtes et les membres arrachés, les cervelles qui s’écoulent sur les nuques, la boue de cadavres où s’enfoncent les bottes, les fontaines de sang (relisons Ernst Junger, Maurice Genevoix, Jean Giono, Blaise Cendrars). Un seul vers grinçant du poète Géo Norge résume mieux la guerre à lui seul que l’exposition présentée à Oyonnax : « Le colonel n’a plus b’soin d’brosse à dents, il a laissé sa gueule à la bataille » .
Cette horreur, on ne s’étonne pas que l’exposition ne la montre pas et qu’elle soit tout juste capable de la suggérer presque à son insu. La guerre a toujours intérêt à ce qu’on la minimise, sinon, on trouverait beaucoup moins de monde pour y aller. Le pouvoir, tous les pouvoirs, ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui, le savent très bien.
La cinquantaine de photos sélectionnées (je n’ai pas vu les autres et il serait intéressant de savoir à quel niveau et sur quels critères cette sélection a été établie) sont pensées, cadrées et fixées pour éviter le sujet, pour ne pas parler de l’épouvantable ampleur du massacre qui scella le premier effondrement de la civilisation au début du vingtième siècle, suivi du second vingt ans plus tard, pour le plus grand profit des barons et capitaines d’industrie de tous bords. Si cette exposition est inutile, ce n’est pas tant parce qu’elle est composée de photos d’une presse désuète (le journal Excelsior déjà disparu en 1940) mais parce que ces photos sont livrées dans l’espace public au regard des passants sans analyse et sans autres commentaires que les légendes lénifiantes de l’époque.
Il s’agit là d’un problème qui concerne le contexte dans lequel est placée l’exposition, celui du centenaire de la Grande Guerre qui ne donne lieu à Oyonnax qu’à des célébrations aussi pompeuses que vides de réel contenu didactique. Nous ne sommes une fois de plus que dans la communication et le folklore. L’exposition est dénuée de toute ambition pédagogique pouvant déboucher sur une vraie dénonciation de l’esprit guerrier alors qu’on voit hélas de nos jours revenir les vieilles lunes du nationalisme et du militarisme, deux maladies mortelles toujours prêtes à envahir de nouveau les esprits et qui, notons-le au passage, sont déjà à l’œuvre dans l’hystérie sportive contemporaine.
Sur la cinquantaine de photos reproduites, à peine trois ou quatre parviennent à évoquer timidement l’horreur de la guerre, la plus explicite étant celle du mariage d’un soldat qui n’a plus de mains et dont la légende nous informe qu’il a aussi perdu la vue. Soulignons-le, cette image est la plus violente de toutes, à condition toutefois de ne pas passer trop vite devant car la scène est si bien composée qu’on ne remarque pas tout de suite la mutilation.
Dans la majorité des autres images, la guerre est présentée comme un désordre pittoresque, parfois comme une sortie entre copains, une sorte de colonie de vacances pour maris englués dans la routine civile et familiale. Ces photos d’une presse de l’époque déjà confrontée à ses vieux démons (la mise en scène de la réalité, la langue de bois, l’inféodation à l’idéologie dominante) illustrent au moins une chose : cette volonté manifeste de ne pas décrire l’atroce réalité de la guerre ou alors, quand c’est inévitable, de manière biaisée et tendancieuse.
Espérons au moins que cette exposition sera vue par des élèves accompagnés de leurs enseignants. S’ils font leur métier, ils pourront apprendre aux jeunes à déchiffrer ces images qui édulcorent, mentent par omission, servent la soupe patriotique. Sans ce déchiffrage, ce décodage, cette exposition restera purement anecdotique, inutile, comme le furent les kermesses commémoratives du mois de novembre de l’an dernier qui ne donnèrent lieu à aucun recul historique, à aucune mise en perspective des enjeux économiques et idéologiques guerriers avec leurs prolongements de nos jours, à aucune réflexion sur l’abjection des guerres et sur l’impérieuse nécessité d’expliquer leur ignominie à la jeunesse.
Sans cet ultime recours, ce sera une exposition pour rien, une gesticulation parmi d’autres, tout au plus du spectacle, de l’illustration, de l’emballage sans contenu, en un mot, de l’esbroufe dont la ville d’Oyonnax, dans sa frénésie d’affichage tous azimuts et à tous propos, abuse un peu trop souvent là où l’on se contenterait de plus de mesure, de plus de profondeur et de moins de clinquant.
Christian Cottet-Emard
(*) Erreur corrigée tout récemment sur le site d'Oyonnax. Il n'en reste plus que deux : on écrit « Les images témoignent de l'omniprésence du conflit » et créé en 1910, ce quotidien... (Note ajoutée sur ce blog le 6 novembre 2014).
17:19 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : centenaire de la grande guerre, centenaire 1418, commémoration, 11 novembre, humeur, exposition jours de guerre 1914-1918, mairie d'oyonnax, oyonnax, ain, rhône-alpes, france, europe, parc rené nicod, photo, photographie, excelsior, journal excelsior, fonds photographique journal excelsior, presse, reportage photo, blog littéraire de christian cottet-emard, billet d'humeur, critique, propagande, communication, histoire, première guerre mondiale, poilus, éditions des arènes, jean-noël jeanneney, historien, librairies, drapeau, cadavre, champ de bataille, massacre, témoignage, récits de guerre, ernst junger, maurice genevoix, jean giono, blaise cendrars, orages d'acier, ceux de 14, j'ai tué, géo norge, nationalisme, militarisme, sport, bourrage de crâne
30 août 2014
Fournitures de rentrée littéraire (ou l'overdose Carrère)
À part une nouvelle, une petite chose gluante qui se voulait érotique inexplicablement publiée par le quotidien Le Monde il y a longtemps et qui eut pour effet de semer un bazar noir dans la vie sentimentale de l’auteur, je n’ai lu aucun livre d’Emmanuel Carrère.
J’en ai aujourd’hui d’autant moins l’intention qu’il est impossible d’échapper à sa figure étalée sur toutes les couvertures de la presse industrielle, le Monde emportant la surenchère en nous placardant son sourire mou à deux reprises dans la même édition, en première page et en Une du supplément que nous continuerons par commodité, ces temps-ci, de qualifier de littéraire.
Je n’affirmerai pas que les livres d’Emmanuel Carrère sont bons ou mauvais, intéressants ou non, puisque je ne les connais pas. Je me demande juste si un aussi grotesque matraquage médiatique rend vraiment service à un auteur. Moi, lecteur, cela me fait fuir, et je ne pense pas être tout seul dans cette indisposition.
Il faut dire que quelques jours avant Carrère nombril du Monde, il y eut Carrère en look fripé-moite du dernier chic Télérama. Pour échapper à cette couverture glauque, j’ai pris soin de stocker à l’envers ce qui n’est tout de même qu’un programme télé dont j’ai trouvé tout aussi déprimante la fausse lycéenne en jupette assise sur un lave-linge Whirlpool de la pub Darty où il était aussi question de fournitures de rentrée en quatrième de couv.
D’un côté le kitsch des petits mocassins et du chemisier tout propre et repassé du mannequin, de l’autre la guenille auréolée et les nu-pieds pathétiques de l’homme qui, paraît-il, « domine la rentrée littéraire » (le Monde) et « nous livre les clés du “Royaume” » (Télérama).
Décidément, la rentrée, il est temps d’en sortir !
02:00 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : emmanuel carrère, le monde, télérama, presse, matraquage, média, livre, rentrée littéraire, quotidien, hebdomadaire, overdose, blog littéraire de christian cottet-emard, et à part ça, humeur, billet, chronique, mauvaise humeur, mauvaise foi, fournitures de rentrée