27 mars 2017
De la paix civile en France (lectures croisées de la presse)
Le 8 mars, dans un entretien à l’AFP, Emmanuel Macron a déclaré : « La vraie rupture, ce que je propose pour les quartiers, c’est une vraie politique de discrimination positive et de mobilité » .
Dans un excellent article du Figaro du jeudi 16 mars (pages débats), Anne-Marie Le Pourhiet, vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel et professeur à l’université de Rennes-I, écrit tout le mal qu’elle pense de la discrimination positive qu’Emmanuel Macron veut promouvoir et qui constitue un danger pour la paix civile en France :
« Inutile de jouer les tartuffes devant la " montée des extrêmes " lorsque, à longueur d’actes et de discours démagogiques et clientélistes, certaines élites dirigeantes ne font que semer les ferments de l’amertume sociale » conclut-elle très justement.
Je ne peux m’empêcher de croiser cette lecture avec celle du dossier de l’ineffable et bien pensant Télérama n° 3506 (semaine du 25 au 31 mars) comiquement intitulé « Pourquoi tant de haines ? » dans lequel Richard Rechtman, psychiatre, anthropologue et directeur d’études à l’EHESS déclare :
« La haine n’est pas encore au pouvoir. Pour qu’elle l’imprègne vraiment, il faudrait que des lois discriminantes soient votées, qu’un corps de magistrats les applique et que la police veille. » CQFD !
En ce qui me concerne, la première fois que j’ai entendu l’expression « discrimination positive » , je n’en ai pas cru mes oreilles. Je savais certes que les politiques ont l’art de faire dire n’importe quoi aux chiffres et aux lettres mais, désolé, pour un esprit rustique comme le mien qui s’appuie sur la clarté de la langue française, « discrimination positive » signifie tout simplement « passe-droit » ainsi que l’explique Anne-Marie Pourhiet dans le Figaro.
03:09 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : passe-droit, discrimination positive, presse, le figaro, télérama, blog littéraire de christian cottet-emard, lectures croisées, opinions, idées, humeur, langue française, sens des mots, politique, paix civile, france
01 décembre 2016
Quand les rêvent volent bas
S’il est un mot que j’ai plus de peine à voir galvaudé que d’autres par les illusionnistes de la communication institutionnelle ou d’entreprise, c’est bien le mot rêve auquel ma nature sentimentale n’attache pas de prix. Or en ce monde où tout est marchandise, le rêve n’échappe plus à l’étiquetage du produit de consommation qu’il est depuis longtemps devenu.
À Oyonnax, par exemple, les étiquettes du produit rêve ont pris la forme de fanions qui flottent au vent au bord des bretelles d’accès à l’autoroute. Il est écrit sur ces chiffons disposés à l’entrée d’une bourgade précisément peu propice aux rêveurs qu’il faut rêver + haut, rêver + fort, rêver + beau, rêver + loin. Cette façon de rêver vendue par la pub et la com m’évoque les rêves français de grande cuisine : moins on a les moyens de se la payer, plus on en cause.
On aurait presque pu croire à une petite poussée de fièvre poétique de la part des prestidigitateurs de la com qui nous ont sorti ces pochettes-surprises de leurs chapeaux s’ils n’avaient pas inséré dans la mièvrerie calculée de leur slogan le signe + en remplacement de l’adverbe écrit en toutes lettres, rappelant ainsi probablement à leur insu qu’à Oyonnax comme ailleurs, les affaires sont les affaires.
Si la poésie du rêve est ici conviée, c’est tout au mieux dans une défroque de représentante de commerce.
Ne rêvons donc pas trop, surtout au cas où cette invitation à rêver + nous amènerait par une association d’idée naturelle à considérer le contenu de la saison de spectacles oyonnaxienne.
Encore une fois, le rêve se fait ici bien pâle, notamment là où il devrait reprendre des couleurs, ce qui hélas n’étonne guère dans un contexte culturel où l’on frisa cette année en début de saison des pratiques de république bananière.
Dans ce morne et chétif alignement de productions interchangeables et démagogiques (qui commença par un curieux mélange des genres avec deux spectacles d’une formation dont le responsable est aussi partie prenante dans l’élaboration de la saison, ce qui n’a semble-t-il choqué personne) je ne vois que deux concerts classiques.
Même en se résignant à l’argument selon lequel une telle sous-représentation du genre suffirait à une bourgade comme Oyonnax, comment ne pas se désespérer de constater que le choix se soit porté non pas sur un simple concert mais sur une soirée de vulgarisation ? Et encore s’agit-il ici du plus mauvais vulgarisateur dans le domaine de la musique dite savante, Jean-François Zygel, le Drucker du classique, l’animateur un peu pianiste de boîte à musique affichant ce sourire télévisuel plus communément appelé rictus qui se croit obligé de présenter le répertoire classique en s’adressant à ses auditeurs comme à des demeurés.
Finalement, le petit étendard arborant le message le plus fiable imprimé par les services de la communication oyonnaxienne est en effet celui qui invite à rêver + loin, un excellent conseil !
01:49 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : culture, saison culturelle d'oyonnax, spectacle, nouvelles du front, humeur, opinion, billet d'humeur, oyonnax, centre culturel aragon d'oyonnax, blog littéraire de christian cottet-emard, jean-françois zygel, vulgarisation, classique, musique classique, communication, publicité, langue de bois, démagogie, consensus mou, médiocrité, rêve, rêve galvaudé, mot vidé de sons sens, france, ain, haut bugey, rhône-alpes auvergne
14 mars 2016
Carnet / De l’imposture du rap
J’ignore par quelle aberration, erreur d’aiguillage ou plaisanterie j’ai reçu une proposition de service de presse concernant un disque de rap.
Certes, la poésie et la musique sont-elles souvent évoquées dans mon blog, ce qui me conduit d’autant plus à enjoindre les responsables de cet envoi à m’effacer de leur fichier d’adresses puisque pour moi, le rap ne relève ni de l’une ni de l’autre.
Cette expression grotesque et prétentieuse (les deux vont de paire) d’une prétendue contestation sociale n’est en réalité que la revendication du machisme, de la violence et de l’affairisme assumés jusqu’à la caricature. Quand le rap tente de sortir de cette caricature, il verse dans la recommandation édifiante rappelant la bonne parole des « grands frères des cités » à destination de leurs cadets en perdition et qui a fait illusion quelques temps mais dont on sait désormais vers quelle propagande elle s’est orientée.
Quand les textes des rappeurs ne relèvent pas des tribunaux en raison de l’appel au meurtre de policiers et de l’exaltation de la violence sexiste, leur indigence exprimée sur le ton du plus morne esprit de sérieux et par une gestuelle outrageusement solennelle ne fait que maintenir dans leur condition d’exclusion des publics dont ils se présentent comme les porte-parole. À cet égard, le rap, sous son masque subversif, défend efficacement l’ordre établi du business et de ses symboles les plus clinquants (marques commerciales, grosses voitures, accessoires de mode, bijoux voyants exhibés tels des gris-gris), ce qui explique le zèle de promotion médiatique dont il fait l’objet de la part des producteurs de sous-culture industrielle.
Même si certains rappeurs déclarent utiliser le rap pour diffuser d’éventuels contenus politiques ou de revendication sociale, la pénurie musicale et le radotage lexical de leur mode d’expression les réduisent à la production répétitive de stéréotypes stériles constitutifs d’une impuissance créatrice condamnée à se maintenir dans le champ culturel déjà sinistré du spectacle de variété par la surenchère dans la provocation et l’auto-victimisation.
L’imposture artistique du rap ne porterait pas plus à conséquences que celle du reste de la variété cantonnée à son insignifiance (rock, chanson, bande musicale destinée au fond sonore et autres musiques d’ascenseur) si elle n’était pas sciemment relayée comme vecteur de courants idéologiques mortifères relevant parfois de la propagande anti-occidentale et extrémiste religieuse. Aussi est-il important, dans le contexte actuel, de se souvenir que de tous temps, la diffusion massive d’un langage pauvre délivrant un message sommaire s’est toujours révélée comme le meilleur instrument de la destruction de la pensée pouvant conduire à l’oppression et au chaos politiques.
Si le rap est encore loin d’avoir atteint cette capacité de nuisance, il pose cependant problème au point de défrayer de plus en plus souvent la chronique judiciaire en raison de son apologie de la violence à l’encontre des femmes, du terrorisme et parfois du racisme antiblancs. Si ces procès augurent favorablement d’une prise de conscience salutaire des débordements du rap dans un contexte socio-politique tendu, leur issue avec des peines légères ou des relaxes est hélas encore loin d’avoir valeur d’exemple.
On a beau savoir que ces procès ne sont pas la panacée pour dénoncer l’imposture sociale et culturelle du rap, ils auraient au moins le mérite d’atteindre le point sensible des rappeurs véhiculant les messages les plus nocifs (leur compte en banque) si les peines se traduisaient par des amendes proportionnelles aux chiffres de leurs ventes.
Au-delà, il faut surtout se demander pourquoi et sous l’influence de qui un sous-produit comme le rap parvient à trouver des relais jusque dans les milieux de la culture et de l’enseignement pourtant en première ligne pour combattre le retour du vieil obscurantisme relooké façon Hip-hop.
16:04 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : rap, hip-hop, imposture, capuche, casquette, machisme, sexisme, violence, obscurantisme, indigence culturelle, variété, blog littéraire de christian cottet-emard, point de vue, humeur, carnet, note, journal, christian cottet-emard, prairie journal, tribune, opinion