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31 juillet 2014

Carnet / Truphémus à Saint-Claude et, toujours, le dîner au lac Genin.

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Je n’ai jamais été un grand amateur de l’œuvre de Jacques Truphémus mais il eût été dommage de ne pas profiter de la proximité de l’exposition à vingt kilomètres de chez moi pour essayer, sinon de changer complètement d’opinion, au moins de porter un regard différent sur le flou et les tonalités blafardes qui caractérisent une part de sa manière.

Il est vrai que j’étais resté sur mon impression désagréable des années 80 et sur le souvenir d’une couverture de la revue littéraire Grandes Largeurs reproduisant un intérieur de ces cafés enfumés et chichement éclairés qui constituent l’un des thèmes récurrents de Truphémus.

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Bizarrement, ce sont deux de ces intérieurs de cafés, l’un avec la silhouette d’un homme en pardessus au comptoir et l’autre avec la silhouette de la serveuse, qui ont retenu mon attention à Saint-Claude. Mais j’ai surtout apprécié le regain de la couleur dans les toiles récentes de cet artiste qui porte avec une robuste prestance et une incroyable sérénité ses quatre-vingt-douze printemps !

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J’ai eu aussi la bonne idée de regarder le film dans lequel il parle longuement de sa vie et de son rapport à la fois simple et presque ingénu à l’art en partageant ma visite en deux séquences distinctes, la première d’après ma seule approche, la seconde après avoir vu et écouté cet homme dont je ne connaissais ni la voix ni le visage. L’exposition présente d’ailleurs un autoportrait de 2002 qui a retenu un assez long moment mon regard.

Ma perception de la peinture de Truphémus a certes évolué grâce à cette exposition mais mon aversion pour sa vision « cartonnée » des plages de la mer du nord demeure. Peut-être est-ce dû au fait que mon premier éblouissement maritime d’enfant fut, un jour de grand soleil, celui de la lumière d’Ostende ou de Coccyde.

Mardi soir, dîner à l’auberge du lac Genin, le seul endroit de la région où, depuis plus de quarante ans que je m’y attable, je trouve encore de la poésie au mauvais temps. Comme d’habitude, accueil adorable et moment chaleureux d’une délicieuse simplicité.

Je n’ai pas vu un tel mois de juillet depuis les années 80, sous l’eau et dans le brouillard excepté le jour où je me suis enfermé chez moi pour ne pas assister au lancer de Cochonou *. Mon épouse et moi avons la possibilité de partir en vacances hors saison mais je plains ceux qui comptaient sur deux ou trois courtes semaines pour vivre un peu et qui sont déjà obligés de reprendre le collier. Cette année, nous risquons fort de réaliser sans été la jonction entre le temps des crocus et celui des colchiques.

* Passage du tour de France cycliste à côté de ma maison.

29 juillet 2014

Presse culturelle de grande diffusion : nous en rêvons, ils ne le font pas.

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Dans le numéro courant du 26 juillet au 1er août, une malheureuse page dont un quart est mangée par un graphisme noir et blanc n’affiche que trois critiques d’ouvrages, comme si l’édition avait du jour au lendemain suspendu toute activité, comme s’il n’existait plus un seul livre récent voire malencontreusement négligé durant l’année qui soit jugé digne d’être promu.

Le pire est que cette pénurie qui va durer toutes les vacances (au moment où le lectorat est éventuellement plus disponible, plus attentif à la lecture) va se terminer brutalement dès la rentrée avec l’avalanche des centaines de nouveautés qui vont de nouveau ensevelir les tables de libraires et de chroniqueurs débordés. La fin des restrictions de pagination ne changera rien à ce gâchis qui se traduira comme d’habitude par des centaines de livres morts nés et d’auteurs disqualifiés dès leur première publication sous prétexte qu’ils n’auront pas eu de presse.

Quant à la petite édition au milieu de ce maelström, n’en parlons même pas (ce à quoi s’appliquent d’ailleurs avec constance les médias et journalistes de la presse culturelle industrielle) dont Télérama et Le Monde font partie. Au Monde, puisque nous en parlons, le supplément Livres disparaît carrément pendant les vacances, laissant place à quelques colonnes de notes de lecture faméliques. En revanche, notons-le au passage, le cahier Économie / Entreprise arrive toujours à l’heure, les affaires continuent.

Si ce n’était pécher par naïveté, il serait utile de se demander pourquoi un magazine tel que Télérama et un quotidien tel que Le Monde ne pourraient pas profiter de la pause estivale pour ouvrir leurs pages à la petite édition, quitte à confier à des stagiaires la mission de présenter et de critiquer les ouvrages d’auteurs condamnés la plupart du temps à une visibilité nulle ou réduite parce qu’ils sont publiés en dehors des grands circuits de diffusion.

« Vous rêvez » m’a un jour répondu une sous-chef de service d’un grand magazine littéraire avec qui je discutais de ce sujet au téléphone. À cet argument définitif, je répondrai toujours de la même manière : c’est justement parce que nous rêvons en permanence de découvertes, nous autres lecteurs de littérature, que nous renouvelons nos abonnements à la presse culturelle et littéraire.

Si cette presse n’a plus ou ne se donne plus les moyens de contribuer à nourrir ce rêve sous prétexte qu’elle est tout entière occupée à servir la soupe (la soupe étant ce petit groupe d’auteurs hypermédiatisés qui reviennent à chaque rentrée avec la régularité du liseron après avoir laborieusement honoré leurs contrats), la tentation serait alors de plus en plus grande d’aller chercher — avec un non négligeable profit économique — sur internet ce que nous avons de plus en plus de mal à trouver dans la « presse papier » .

Rêver n’empêche nullement de faire parfois preuve de pragmatisme.

Photo : rubrique Livres de Télérama n° 3367 : trois ouvrages sélectionnés ! Pour mémoire, tirage du précédent n°: 611609. Parfois, les chiffres parlent !

26 juillet 2014

Robots rédacteurs : l'économie et le sport en première ligne ?

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J’ai en effet lu dans Le Monde que l’agence de presse américaine Associated Press utilise désormais le logiciel Automated Insights pour fournir des articles d’information économique. L’article du Monde nous apprend que la production automatisée de contenus est poétiquement appelée Science narrative et que, selon Kris Hammond, chercheur à l’université de Northwestern, d’ici à 2025, 90% des contenus accessibles au grand public seront produits par des robots écrivants. Je découvre aussi avec ravissement que l’agence Associated Press s’apprête à utiliser le logiciel Automated Insights pour ses articles de sport universitaire !

Je note au passage que les premiers contenus concernés par cette évolution technologique sont l’économie et le sport, ce qui n’a rien d’étonnant puisque, dans ces deux rubriques, le chiffre comptant plus que le sens, des algorithmes suffiront largement pour contribuer à l’élaboration d’un article automatique. 

Les occasions de rire étant rares en ce moment, je n’ai évidemment pas loupé celle-là, d’autant que, nous précise l’article du Monde, toujours selon le chercheur Kriss Hammond, ce phénomène se traduira par un accroissement gigantesque des contenus sur le Web. (!) On rejoint ici, toute proportion gardée, la situation de la poésie: de plus en plus de contenus, de moins en moins de lecteurs!

Blague à part, on constate aisément depuis longtemps, à la lecture des quotidiens régionaux, que des robots feraient tout aussi bien l’affaire que des journalistes pour se charger de distiller l’incessant radotage des locales avec leurs comptes-rendus d’assemblées générales qui arrivent pile aux mêmes dates chaque année, leurs inaugurations de chrysanthèmes, leur logorrhée sportive, bref, tout ce lamentable bavardage au service duquel une monstrueuse logistique est mobilisée au seul profit des épluchures et du feu dans la cheminée.

Reste à savoir, face à l’inflation prévisible de ces contenus automatiques, qui les lira. Des robots lecteurs ?