09 mai 2016
L'angoisse du hanneton
Ce printemps hâtif convoque des nuées de hannetons. Les arbres des rues, le soir, crépitent au-dessus de la tête des passants. Des escadrilles entières rasent les fenêtres dans le crépuscule lourd de pollen avant d'aller brûler contre les ampoules de l'éclairage public.
Tout enfant, lors d'une de ces journées à hannetons, j'ai guetté leur vol au bord de la croisée et, muni d'une pelle à ménage, je suis parvenu sans peine à les stopper d'un seul revers, en pleine course, dans un bruit mat suivi d'une courte chute. A la suite de cet exploit cruel et dérisoire, j'ai éprouvé une sorte d'écoeurement mêlé de jubilation, une sensation pénible.
Longtemps après, lors d'une autre année à hannetons, toujours accoudé sur le rebord de la fenêtre, je n’ai pu m'empêcher de me remémorer cette sensation en observant l'épuisement d'un de ces insectes dans une encoignure. Il agonisait et, avec ses élytres faussées, ressemblait à un vieil avion de toile qui viendrait d'être abattu. Je ne pouvais pas détacher mes yeux de la détresse du hanneton. Propulsé dans l'ivresse de l'espace parfumé pour se régaler de folioles, s'accoupler avec frénésie, et pourtant, condamné à crever longuement dans un recoin à défaut d'être gobé par un merle ou une mésange ou martyrisé par un enfant.
Né pour l'orgie, né pour souffrir, ainsi va la courte vie du hanneton dont la larve s'est si minutieusement préparée à ces grands moments sous la terre, des années durant. Hanneton, mon frère d'angoisse éblouie ! pensai-je en regardant mourir le coléoptère.
Le Grand variable (extrait). Éditions Editinter (épuisé).
19 avril 2016
Magic Printemps Circus
La nature parle aux amoureux. Pour les autres, elle a quand même sa petite musique.
Les bourgeons déjà là comme si tout ce qui s’était passé avant n’avait jamais existé.
Le vieil amoureux reprend le teint frais mais il est toujours aussi moche à l’intérieur.
C’est un grand romantique, excepté aux heures de repas.
Elle est très tendre quand elle a bien mangé.
Pourquoi les marronniers roses peuvent-ils fendre le cœur?
Le bonheur va vite, le malheur prend son temps.
Au printemps, il entend pousser les fleurs et ça l’empêche d’agir.
Il y a des jours où l’on donnerait n’importe quoi pour avoir un cœur de pierre.
Pour éviter d’être amer, mieux vaut se sucrer le bec.
Rien ne vaut un bon sandwich pour soigner un chagrin d’amour (pendant cinq minutes).
Un coup d’œil à sa montre lui indiqua qu’elle avait dû être amoureuse de lui à peu près trois quarts d’heure.
Quand le printemps sent trop le fauve, il se parfume à la violette.
Où est passé le vieux merle ? Hop, remplacé par un œuf !
© Éditions Orage-Lagune-Express 2016
00:31 Publié dans Magic Printemps | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : magic printemps, christian cottet-emard, printemps triste, littérature, brefs, proses brèves, instantanés, carnets, croquis, droits réservés, amoureux, merle, printemps, saison, sandwich, cœur, marronnier rose, violette, fauve, bourgeon, chagrin d'amour, recueil, poésie, humour, traits, circus, magie, prestidigitation, prestidigitateur, magicien, mélancolie, désenchantement
13 février 2016
Liberté à perpétuité
Liberté quand on m’écrit ton nom je sors mon revolver rétorquerais-tu bien à ceux qui font commerce de ce mot
Va leur expliquer la signification de Liberté à la moindre panne d’électricité
Libertad est-il écrit sur la bague de cet excellent cigare echo en Honduras totalmente a mano
Mais notre cœur bat pour la liberté s’écrient les plus poètes à leurs heures
Et pourtant leur cœur a commencé de battre sans qu’ils s’en aperçoivent et s’arrêtera sans leur demander leur avis ô Liberté
Et si cette idée révolte les plus intelligents certains se croiront libres en se tirant une balle de ce revolver que tu as envie de sortir chaque fois qu’on te chante le refrain de la liberté
Mais ils n’auront pas été plus libres pour autant en s’étant tiré une balle dans la tête
À peine auront-ils été le jouet d’une chimie d’une colère captive comme une lave de leur nostalgie de liberté
Et si leur mort vécue par eux comme leur seul geste de liberté n’était même pas leur mort ?
Et que ce qu’ils croyaient être leur mort débouche sur autre chose sur un nouveau cœur qui démarre tout seul ?
Et qu’à nouveau grince à leurs oreilles comme un mauvais violon pour les siècles des siècles Liberté Liberté chérie !
© Éd. Orage-Lagune-Express 2015
16:35 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : recueil, estime-toi heureux, éditions orage-lagune-express ©, droits réservés, littérature, poésie, blog littéraire de christian cottet-emard, liberté, revolver, sens des mots, cigare libertad, cigare honduras, christian cottet-emard, électricité, courant, panne électrique