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30 juin 2009

Lune dans les frênes

Lune dans les frênes, doux crépuscule. Instant propice pour un point sur les moments d’écriture.
IMG_6150.JPGJ’ai repris une nouvelle abandonnée depuis quelques temps. Ce texte se dérobait, refusait d’aboutir. Je comprends peu à peu que cette nouvelle bloque parce que je veux la faire aboutir. Il ne faut pas vouloir.
Si, à l’approche de mes cinquante ans, je ne suis pas capable de laisser aller ce texte où il veut, je n’arriverai à aucun résultat. Je dois réussir à faire taire ma volonté dans l’écriture de cette nouvelle. On pourra dire alors « ce n’est pas une nouvelle, les règles ne sont pas respectées, la construction n’est pas bonne... » Quelle importance ? Je ne compte pas sur cette nouvelle pour obtenir de l’argent ou de la notoriété.
Cela me rappelle l’époque où mon livre Le Grand variable était candidat à l’édition. Maurice Nadeau m’avait écrit que les personnages manquaient d’épaisseur, remarque tout à fait pertinente puisque l’écriture de ce livre était focalisée sur les paysages et non sur les personnages. Je n’ai lu qu’une phrase de l’écrivain Thomas Savage mais elle me frappe : « J’ai toujours cru que le paysage formait les gens. » Depuis la publication du Grand variable, d’abord en feuilleton dans la revue Salmigondis puis en volume chez Editinter, sans compter une édition hors commerce par mon ami Bernard Deson, j’ai exploré pas mal de pistes qui se présentaient à moi. Mais j’aime revenir aux rapports entre personnages et paysages, quand bien même cela ne soit pas propice au roman et à la nouvelle. Pour aggraver mon cas, j’aime écrire et lire des romans courts et des longues nouvelles. Daniel Delort, de la revue Brèves (Atelier du Gué), m’a écrit un jour que j’étais un romancier. Lorsque les éditions Nykta ont publié mon bref roman Le Club des pantouflards, certains m’ont étiqueté nouvelliste...
Aujourd’hui, ce texte qui résiste, qui ne veut être ni une nouvelle ni un roman, il me faut l’écrire comme s’écoule cet instant du passage de la lune dans les frênes.

Image : Lune dans les frênes, chez moi. (Photo C.C-E)

22 mai 2009

Jours et nuits de grand vent.

Dans le chemin, les anémones pulsatilles ont étiré leurs corolles en petits plumeaux qui capturent la rosée. On pourrait croire qu’il s’agit d’autres plantes, mais non, ce sont bien toujours les anémones. Elles se transforment pour mieux revenir identiques à elles-mêmes, dans un an. Pendant que les lilas enveloppent la maison de parfum, les jonquilles IMG_6071.JPGfinissent leur brève saison sur les hauteurs. Les narcisses, moins nombreux mais plus odorants, leur succèdent. Le grand pré derrière la maison m’a pris de vitesse et je me retrouve avec trois mille mètres carrés de foin. Plus question de parler de tonte mais de fauchage... Tout autour, les frênes, qui sont les derniers à dérouler leurs feuilles et les premiers à les perdre, s’ébrouent dans les courants d’air chaud. Certaines nuits, la lune semble poussiéreuse entre les nuages d’orage. Le feuillage tout neuf du tilleul filtre le halo du dernier lampadaire du village. Dans la zone sombre du ciel, quelques lointains éclairs. Effet de fœhn. Au printemps, ma grand-mère appelait ce phénomène « le vent foliéru » (le vent des feuilles) et en automne « le vent défoliéru » (le vent qui les enlève). IMG_6055.JPGEn ces jours et ces nuits de vie intense, dans les bourrasques joyeuses et parfumées, je l’entends : « tiens, voilà le vent foliéru ! »

Photos : jonquilles dans le Haut-Jura (photos MCC, mai 2009).

13 juillet 2008

Dommage pour les moineaux !

Je lisais depuis un bon moment dans le jardin lorsqu’un fracas provenant des feuillages éparpilla une volée de moineaux et de merles. À peine avais-je levé les yeux qu’une ombre me frôla. Je n’eus même pas le temps de sursauter car mon regard se logea directement dans celui d’un jeune épervier à l’étrange comportement. Le rapace sautillait sur place, dans la pelouse, et semblait hésitant. Je le scrutai sans bouger d’un cil et je finis par distinguer sous ses serres le petit corps palpitant d’un moineau. D’un simple geste, j’aurais pu l’affoler au point de lui faire abandonner sa victime mais j’y renonçai sans savoir pourquoi. L’épervier me fixa pendant quelques secondes encore puis, constatant mon absence de réaction, agrippa sa proie et l’emporta dans les airs. Qu’est-ce qui m’aurait autorisé à le priver de son déjeuner, à contrarier la nature ?
La question me renvoya au souvenir d’une situation semblable dans laquelle j’eus la réaction inverse, ce qui me priva définitivement de la confiance d’un chat qui partagea plusieurs années de ma vie. Il avait réussi l’exploit de capturer un moineau sur le bord du balcon et jouait avec sur le parquet lorsque j’eus la mauvaise idée de lui confisquer l’oiseau encore intact en apparence et de le libérer. Il réussit à s’envoler mais son cœur minuscule ne résista probablement pas longtemps à cette agression. Quant au chat, il changea radicalement de comportement à mon égard. Le lien entre nous était brisé.
Cette petite chronique animalière me remet en mémoire un débat auquel je participais avec quelques auteurs voici plusieurs années. La plupart d’entre eux se réclamaient d’une « littérature urbaine » qui n’avait pas à s’encombrer des célébrations élégiaques d’une nature qu’ils jugeaient, à l’instar d’un Houellebecq, hostile et cruelle. J’eus du mal à expliquer que mes références constantes à la nature et à la campagne ne relevaient pas d’une « célébration élégiaque ». Dommage pour les moineaux !