29 mars 2014
Carnet / D’une ravissante et sauvage petite velue
Ne vous réjouissez pas, obsédés de tous poils (puisqu’il sera ici question de poils) passez tout de même votre chemin car ce titre n’est choisi que pour émoustiller quelques robots sur la toile.
La ravissante petite velue n’est qu’une fleur sauvage de chez moi, l’anémone pulsatille, aussi nommée, paraît-il, coquerelle, fleur des dames, fleur du vent et fleur de Pâques. Elle s’épanouit au printemps dans les prés sur calcaire et couvre des versants entiers des petits monts qui ondulent derrière ma maison.
Si vous passez la voir, inutile d’en faire un bouquet car le séjour dans un vase lui ôte très rapidement ses couleurs. De plus, le temps de l’amener chez vous, elle vous fera payer d’une sensation désagréable de mains endolories l’erreur de l’avoir coupée de son sol natal.
Pulsatilla vulgaris est comme certains humains, elle ne peut vivre ailleurs que là où elle est née, même si son chez elle n’est qu’un versant d’herbe et de roche tourmenté par les vents, brossé aux gelées tardives et noirci aux écobuages.
Parfois, aux premières journées sèches, celles des écobuages, quand les flammes ont à peine léché les maigres pâturages et les genévriers en laissant sur leur passage une fine cendre noire, les cocons encore enfouis qui ont eu la sagesse d’attendre la fin du coup de feu émergent en une nuit de ces ténèbres en poudre pour, les crépuscules suivants, se la jouer étoiles inversées du seul fait de leurs petits cœurs jaunes. Puis, quand viennent la nuit et le gel, la pulsatille toute neuve sait qu’elle a juste à refermer sa fourrure pour dormir tranquille au chaud jusqu’à l’aube. Elle n’a eu besoin de personne pour lui expliquer. C’est magique, ce n’est pas comme nous.
L’anémone pulsatille me fait penser aux oreilles de ma chatte Linette. Elles ont toutes les deux cette fourrure élégante, à la fois très commune et très aristocratique. C’est une fleur animale, un chaton végétal quand elle dort, une fée en robe violette lorsqu’elle est en lumière, en représentation.
Pendant quelques semaines, s’il ne neige pas, elle va encore jouer dans les herbes à la princesse, à la minette, à l’étoile et à l’œuf de Pâques. Ensuite, après la neige du coucou, elle fera croire qu’elle est partie mais en réalité, elle sera encore là grâce à une manière originale de vieillir.
Elle va se lancer en une longue tige coiffée d’un plumeau en direction du ciel pour prendre encore tout le vent, toute la lune, toute la pluie et tout le soleil qu’elle pourra. Après, elle se roulera dans les foins ou sous les feuilles mortes, jusqu’à ce que ça reparte, un beau jour évidemment.
Photos : anémones pulsatilles sauvages photographiées hier après-midi dans les monts au-dessus de chez moi par Marie.
00:51 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fleur, printemps, anémone pulsatille, pulsatilla vulgaris, jura, france, blog littéraire de christian cottet-emard, écobuage, prés, calcaire, roche, genévriers, botanique, christian cottet-emard, nature, environnement, fleurs protégées, bio-diversité, étoile, ciel, pluie, nuit, flamme, feu, lune, soleil, bric-à-brac de marie, photo
17 décembre 2013
Autoportrait
Ma vraie place dans le monde :
Sur le crêt, au-dessus de chez moi, fin d'été 2013.
13:05 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : christian cottet-emard, autoportrait, destin, contemplation, blog littéraire de christian cottet-emard, pavese contemplation inquiète, lucidité, destinée, photo, jura, nature, viry, crêt du long, crédulon, place dans le monde, vie, existence, vanité, fatum
14 juin 2013
La deuxième personne du singulier
Toi qu’on fit débarquer sur Terre sans te demander ton avis sous le nom de Christian Claude Louis Cottet-Emard tu t’aimes un peu beaucoup à la folie mais pas passionnément
Tu t’adresses à toi à la deuxième personne du singulier pour te sentir moins seul lorsque tu es obligé d’emmener ton ombre dans des lieux absurdes
Tu ne te remets pas du déclassement économique qui frappa bien avant ta naissance tes familles paternelles et maternelles et te déposséda d’un agréable destin d’oisif petit bourgeois formé aux seules bonnes manières
Tu es un occidental de culture catholique baptisé agnostique non militant ordinaire d’une intelligence moyenne à tendance médiocre
Tu n’es pas et ne souhaites pas être un héros parce que la vie est courte et incompréhensible
Tu penses qu’une vie qui ne serait faite que d’obligations et de devoirs ne vaudrait pas la peine d’être vécue
Tu n’as rien à faire d’un chef-d'œuvre qui ne t’apporte aucun plaisir
Tu n’as pas un rapport solennel à l’écriture
L’aventure du poème n’a rien à voir avec une sortie entre copains d’ailleurs tu ne pratiques pas la sortie entre copains
Tu t’étonnes toujours quand quelque chose fonctionne
Être convaincu n’est pas dans ta nature
Tu l’as compris rien n’est sérieux tout est tragique
Tu as peur du loup
Le loup peut avoir peur de toi car tu as peur de lui
Il ne faut pas te déranger quand tu manges il ne faut pas te manger quand tu déranges
Tu as un petit côté fleur bleue quand tu as bien mangé
Tu aimes avoir les oreilles froides
Tu détestes lacer tes chaussures
Tu n'es pas sûr d'être vivant avant dix heures
Tu t'intéresseras à la politique le jour où plus personne ne couchera dehors sans en avoir envie
Tu aimes être propre et sentir bon même si ton âme est grise
Tu ne comprends pas grand-chose aux femmes mais elles t’inspirent plus confiance que les hommes parce qu’elles t’ont fait
Tu aimes rire boire manger fumer des cigares aller au concert à l’opéra être amoureux parce que la tristesse durera toujours
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2013
02:05 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : autoportrait, estime-toi heureux, récit des lisières, blog littéraire de christian cottet-emard, note, carnet, journal, tristesse, cigare, opéra, boire, manger, amoureux, rire, humour, occidental, agnostique, culture catholique, loup, fleur bleue, baptisé, écriture, copains, sortie, nature, femmes, âme