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27 mai 2022

À propos de mon livre AUX GRANDS JOURS

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À gauche, l'édition de 2020. À droite, la nouvelle édition de 2022 (reliée et grand format).

 

La composition de ce recueil en neuf sections forme un récit. Je peux donc lui adjoindre un épilogue (la neuvième partie). J’en ai choisi un qui est lié à une petite mésaventure mais qui, d’une certaine manière, entre en cohérence avec le projet initial de réécriture d’anciens textes.

En 1979, l’éditeur de ma première brassée de poèmes me demanda quatre textes supplémentaires. Je les écrivis et les envoyai aussitôt mais ils furent perdus. L’ensemble s’intitulait Quatre songeries du ciel ouvert. N’ayant conservé aucun double, j’ai fouillé dans ma mémoire pour les réécrire. Quarante ans après, l’initiative était d’autant plus hasardeuse qu’elle m’obligeait à me remettre dans l’esprit de qui j’étais à l’époque, un jeune homme de vingt ans qui vivait encore dans sa chambre d’adolescent et qui passait de longues heures à écouter l’œuvre pour piano d’Érik Satie enregistrée par Aldo Ciccolini. Je n’eus qu’à me replonger dans Avant-dernières pensées, Heures séculaires et instantanées, Gnossiennes, Trois morceaux en forme de poire et Nocturnes pour remonter ces quatre songeries à la surface de mon esprit, non pas au mot près mais au plus proche possible du texte d’origine. Voilà aussi une manière de conclure ce volume par ce qui le précéda de longue date. Comme disait Knut Hamsun, Le cercle s’est refermé. Mais, pourrais-je ajouter, l’été revient en boucle (une des principales thématiques de cet ouvrage est l'été).

Note : le titre d’origine était Quatre songeries à ciel ouvert. En tapant le texte à la machine, je commis une faute de frappe qui donna Quatre songeries du ciel ouvert, ce qui correspondait mieux à ce que je voulais dire. L’erreur est parfois salutaire.

 

Le dernier texte de cette série :

Ciel étoilé sur le boulevard endormi

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Le long du boulevard, les vieux platanes crépitent de hannetons.

 

Sur le trottoir soulevé par les racines, dans l’ombre des haies de buis, les effluves de pivoine et d’iris débordent des jardins et des grands parcs silencieux sous les cèdres.

 

Les talons aiguilles d’inaccessibles et jeunes passantes embaumant les parfums anciens ont marqué le goudron frais dont on a recouvert les nids de poules. 

 

Un train peut en cacher un autre est-il écrit et dessiné au passage à niveau, au-dessus des rails luisants dans le clair-obscur.

 

La pendule de la petite gare déserte brille comme une deuxième lune et l’autorail est au repos pour le bonheur de ceux qui n’aiment pas les départs.

 

Extrait de Quatre songeries du ciel ouvert, ensemble intégré à mon recueil Aux grands jours © Club, Orage-Lagune-Express et Blog littéraire de Christian Cottet-Emard, ISSN 2266-3959.

 

Tableau : Paul Delvaux. Petite gare la nuit (1959)

Commandes et renseignements ici et .

Critique du livre ici.

20 janvier 2022

Carnet / Au bord du monde

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Dimanche dans la nuit, dehors au seuil de la maison, au moment d’allumer le dernier cigare de la journée (ou le premier puisqu’il était deux heures et demie), j’entends des crissements légers et saccadés sur les nappes de neige gelée. Je distingue à peine une silhouette si rapide et apparemment si légère que j’ai à peine le temps de la voir traverser en trois bonds d’au moins cinquante centimètres de haut à quelques mètres de moi avant de disparaître dans la haie. Dans le silence nocturne de la campagne, un froissement, une ombre, et l’esprit a vite fait de gamberger en un réflexe d’alerte assez naturel. Finalement, je rentre au chaud et le cigare rejoint l’humidor.
 
Je suis habitué à voir des yeux briller dans les buissons (parfois ceux de ma Linette ou d’autres félins en patrouille), il m’arrive aussi d’entendre grogner des sangliers, à quelques pas derrière le petit bosquet où j’aime parfois de manière puérile marquer mon territoire, ce qui me fait assez vite remballer le matériel car ces animaux n’ont pas forcément envie d’être dérangés et s’ils le sont, ils peuvent en concevoir une certaine nervosité. Pour en revenir à mon visiteur furtif et bondissant, je pense à un gros lièvre. Le lendemain matin, l’inspection des traces sur la neige le confirme. Les empreintes du lièvre sont parmi les plus faciles à identifier, même pour un amateur comme moi.
 
Mardi, j’ai réussi à fumer mon cigare de la nuit en toute quiétude car le clair de lune sur les plaques de neige révélait les moindres détails du ciel, des arbres, des bosquets et des buissons jusqu’aux lisières de la forêt au loin des prairies d’une blancheur phosphorescente. Aucune chance pour une créature de la nuit, à part un fantôme, de se soustraire à ma vue immédiate. Et que pourrais-je craindre d’un fantôme s’il errait en ces lieux dont mes chers défunts ont fait un petit paradis pour moi si précieux en cette époque où les villes deviennent des pièges du fait d’un roitelet blafard et de sa domesticité scélérate ?
 
De retour dans mon bureau baigné par la clarté de la lune, je vois l’éclairage automatique se déclencher dehors et la chatte Linette qui dresse les oreilles alors qu’elle dormait sur le canapé. Sans allumer, j’approche discrètement de la fenêtre. Le renard flaire du côté de la chatière et baguenaude bien tranquille le long de la haie, nullement inquiet de se retrouver sous les feux de la rampe. Bien que je sois si proche de lui derrière cette fenêtre au bord de son monde, pour lui, je n’existe pas, du moins tant qu’une vitre nous sépare et qu’il ne me sent pas. Je vais bientôt publier le deuxième tome de mes carnets (après Prairie Journal) et je pense l’intituler La vie au bord. J’avais donné le même titre à un de mes recueils de poèmes repris dans mes Poèmes du bois de chauffage mais ce n’est pas grave car qui peut s’en souvenir ?

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Photos : vu de chez moi, le même paysage à différents moments (avec mon petit appareil Lumix)

 

12 novembre 2021

La lune du temps

 
Ah ! la Lune, la Lune m’obsède...
Croyez-vous qu’il y ait un remède ?
 
- Jules Laforgue -
(L’imitation de Notre-Dame la Lune)
 

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Dessin : Frédéric Guénot

 
Une nuit d’automne comme une nuit de printemps et la lune à travers la vitre de la salle de bain.
 
 
Elle éclaire tout le ciel qui veut être en cette heure une prairie de coton.
 
 
Puisqu’il faut à l’homme trois jours pour y poser les pieds, voir la lune serait une manière de voir l’avenir.
 
 
La lune me fait toujours le même effet qu’à mes seize ans lors des soirs de cet âge quand on croit rêver alors qu’on vit.
 
 
Presque un demi-siècle a passé et je la vois comme à seize ans, comme si rien ou si peu n’avait bougé
 
 
dans ma vie semblable en son meilleur à cette nuit très claire
 
 
et vaste comme la jeunesse en vacances.
 
 
Voir ainsi la lune reviendrait à voir aussi le passé
 
 
et peut-être la lune est-elle une machine à voyager dans le temps.
 
 
Extrait de mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express.