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12 novembre 2021

La lune du temps

 
Ah ! la Lune, la Lune m’obsède...
Croyez-vous qu’il y ait un remède ?
 
- Jules Laforgue -
(L’imitation de Notre-Dame la Lune)
 

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Dessin : Frédéric Guénot

 
Une nuit d’automne comme une nuit de printemps et la lune à travers la vitre de la salle de bain.
 
 
Elle éclaire tout le ciel qui veut être en cette heure une prairie de coton.
 
 
Puisqu’il faut à l’homme trois jours pour y poser les pieds, voir la lune serait une manière de voir l’avenir.
 
 
La lune me fait toujours le même effet qu’à mes seize ans lors des soirs de cet âge quand on croit rêver alors qu’on vit.
 
 
Presque un demi-siècle a passé et je la vois comme à seize ans, comme si rien ou si peu n’avait bougé
 
 
dans ma vie semblable en son meilleur à cette nuit très claire
 
 
et vaste comme la jeunesse en vacances.
 
 
Voir ainsi la lune reviendrait à voir aussi le passé
 
 
et peut-être la lune est-elle une machine à voyager dans le temps.
 
 
Extrait de mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express.
 

25 octobre 2021

L’ami de la poésie

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Il va bien falloir que je pense à la poésie

ainsi que je l’ai certes fait toute ma vie.

Mais il me faut aussi penser à elle autrement.

Oh elle m’a donné de beaux moments en tant que lecteur

Comme poète ? Quoi ?

Une danseuse, la poésie,

qui a moins donné au poète qu’une cocotte.

Eh oui, c’est ainsi que je pense parfois à la poésie aujourd’hui.

Ah, la vache, la poésie !

Mais la poésie n’est pas une vache, hélas.

Au moins une vache donne du lait et si l’on se perd dans la campagne par une nuit froide

et qu’on trouve une étable où s’abriter

elle donne aussi de la chaleur si l’on se blottit contre elle.

Mais si l’on s’endort contre la poésie sous le gel sans pitié d’une nuit

on meurt non pas comme un chien mais pire encore

comme un foutu poète.

 

Extrait de mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express, 2021.

Photo © Christian Cottet-Emard

03 février 2021

Nocturne au vélomoteur

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Elles sont bien pâlottes cette nuit ces étoiles qui brillent par intermittence dans le ciel brouillé où se répercute l’écho sinistre du vrombissement d’un avion. Je vois ses feux clignoter très haut entre deux bandes d’espace encore dégagées. Parfois, ce grondement me tire de mon sommeil trop léger et je me retrouve dans la peau de l’enfant que j’étais à l’époque où j’habitais dans la ville provinciale des années soixante où la circulation automobile nocturne était presque inexistante.

En ce temps lointain qui était celui d’un autre monde, la fenêtre de ma chambre donnait sur une petite rue éclairée par un réverbère dont le halo filtrait à travers les persiennes. J’exigeais qu’elles fussent entrouvertes pour ne pas me sentir absorbé dans le noir complet.

À cette époque de mon très jeune âge, je ne dormais déjà que d’un œil. Il m’arrivait même de dormir les yeux ouverts, ce qui procura une nuit une belle frayeur à ma grand-mère venue discrètement vérifier si je ne m’étais pas découvert. Cela se produisait lorsque je me trouvais dans ce demi-sommeil qu’on appelle, je crois, la phase hypnagogique de l’endormissement.

Dans ces moments-là, le ronronnement lointain d’un vélomoteur m’arrivant aux oreilles que j’ai toujours eues extrêmement sensibles suffisait à ouvrir en moi un abîme de questions : comment quelqu’un pouvait-il avoir suffisamment d’audace pour rouler la nuit en vélomoteur ? Où se rendait-il à pareille heure ce motocycliste si téméraire ? Quelles ombres furtives balayait le faisceau de son phare perçant d’à peine quelques mètres l’énorme obscurité des routes de campagne encore si proches du centre ville chichement éclairé par de maigrichons lampadaires ? Quelle joie et quel tourment (mais la joie peut être aussi un tourment) jetaient-ils quelqu’un sur des routes inconnues et ténébreuses ?

 

Extrait de Prairie Journal (Carnets)

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