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11 mai 2019

Carnet / Littérature et patates frites à la graisse de bacon

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Lorsque je travaille (très lentement) à un roman, je suis toujours perplexe quand il me faut céder à ce bricolage, c’est-à-dire veiller à la cohérence du récit, à l’épaisseur des personnages et autres ficelles attendues par une majorité de lecteurs comme on attend les pommes de terre avec la choucroute. Je voudrais bazarder toute cette horlogerie. C’est ce que j’avais fait dans mon Grand variable mais jamais ce livre ne fut considéré comme un roman.

 

C’est pourquoi j’admire Jim Harrison. On dirait qu’il n’a écrit tous ses gros bouquins que pour le plaisir de nous décrire ce qu’il mange, ce qu’il boit et où il marche. Plus les romans sont épais, plus les intrigues sont ténues ou bâclées. Les nouvelles tirent en longueur (ce sont d’ailleurs des novellas) et s’arrêtent comme elles ont commencé. Les chutes sont absentes ou prévisibles, notamment lorsqu’il y a suicide. Les scènes de sexe sont rapides, furtives et convenues. Le narrateur, omniscient ou non, est écrasant et désinvolte avec les autres personnages décrits à gros traits. La prose s’égare vers le poème et le poème s’épaissit dans la prose.

 

Lors d’une discussion avec un poète de ma connaissance, à l’écriture assez caractéristique de cette tendance que je déplore et qui consiste à intellectualiser la sensation, l’envie de provoquer un peu mon interlocuteur me fit évoquer un poème de Jim Harrison où il est question (entre autres) de patates frites dans la graisse de bacon. Le résultat ne se fit pas attendre. Mon visiteur poète me déclara : je ne lis pas de la poésie pour entendre parler de fricassées de patates.

 

Je lui répondis que je comprenais et respectais son point de vue mais que je ne le partageais pas. Du coup, la conversation tomba comme une cuillerée d’huile dans le gosier et nous eûmes bien du mal à la relancer tant elle avait été flinguée par les patates frites à la graisse de bacon de Jim Harrison.

 

30 avril 2019

Carnet / Aides et récompenses littéraires : coups tordus et foire d’empoigne.

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Cette pétition part d'une bonne intention et d'un constat exact. Les petites maisons d’éditions indépendantes et leurs auteurs sont effectivement ignorés par les médias de grande diffusion mais cela relève un peu de la découverte de la lune !

Nous sommes là dans un circuit industriel dans lequel tout n'est d'ailleurs pas à jeter mais qui, en toute logique, défend âprement son monopole. Il s’agit de temps d’antenne, rare et cher, et de concurrence féroce entre grands groupes. Dans une telle foire d’empoigne, difficile de croire qu’un animateur aussi bien intentionné soit-il puisse avoir la liberté de réserver quelques minutes voire quelques secondes de plateau à un auteur inconnu publié par un éditeur discret ! Voila qui est bien dommage mais il y a plus préoccupant.

Lorsque j’ai commencé à publier tant bien que mal dans les années 80, deux dispositifs pouvaient encore donner une chance infime à des inconnus, méconnus et débutants non recommandés car sans réseau d’accéder à un début de visibilité : quelques prix littéraires décernés sur manuscrits et des bourses d’écriture. Tout cela n’était déjà certes pas parfait et affecté de fréquentes dérives voire parfois de magouilles mais avait au moins le mérite d’exister.

Quelques auteurs et quelques œuvres ont pu ainsi bénéficier d’un petit tremplin vers la notoriété. Beaucoup n’ont pu transformer l’essai, comme on dit dans le ballon, et quelques-uns, devenus de vrais professionnels de la constitution de dossiers de candidature à ces aides et à ces prix, en ont habilement vivoté.

Il suffisait en ces temps de début d’assistanat littéraire de pouvoir faire état d’une première publication, même confidentielle et en principe à compte d’éditeur, pour être déclaré éligible.

Il n’en va plus de même aujourd’hui. Les prix littéraires conséquents et médiatisés décernés sur manuscrits se sont considérablement raréfiés, notamment dans le secteur de la poésie. Pire, certains de ces prix débouchant jadis sur une publication sérieuse profitant donc à un lauréat inconnu ou débutant ont inversé leur fonctionnement et gratifient désormais des auteurs confirmés. C’est ce qui s’appelle passer des couronnes de laurier aux couronnes mortuaires. Il ne s’agit plus d’un jury qui sort le lauréat de l’ombre mais d’un lauréat qui éclaire le jury. Le mieux est d’en rire car ce n’est que pathétique mais il y a plus vicieux.

L’attribution des bourses littéraires relevant de ce qu’on appelle les aides à l’écriture a glissé sur la même pente.

Ces bourses ne sont pas distribuées comme des petits pains. Pour être admis à présenter un dossier de candidature dont on se demande si l’argumentaire et la forme ne sont pas plus importants que le fond du projet littéraire, il faut non seulement faire état d’au moins un livre publié à compte d’éditeur, ainsi que cela était toujours requis, mais encore établir désormais que ce livre fait l’objet d’un contrat d’édition classique assorti d’une diffusion et d’une distribution suffisantes en librairie.

Il est même fréquent qu’un tirage minimum soit exigé (500 exemplaires pour le roman et 300 pour la poésie, ce qui, en France, est déjà considérable pour un premier livre d’un auteur en devenir). Or, celles et ceux qui ont besoin d’être aidés, en particulier les jeunes, sont justement les moins à même de satisfaire à ces critères, notamment à cette exigence supplémentaire de diffusion et de distribution. Cela signifie en résumé que plus que jamais, on ne prête qu’aux riches.

Le résultat de ces conditions de plus en plus restrictives à la possibilité de présenter une candidature à ces dispositifs d’attribution de bourses ne s’est pas fait attendre. Seuls les auteurs déjà lancés dans le circuit et, répétons-le au passage, les virtuoses du dossier bien ficelé, bénéficient du système. Les autres resteront à la porte et ceux qui décideront de s’aider eux-mêmes dans une démarche qualitative et raisonnée d’auto-édition se verront traités avec le même dédain que s’ils publiaient à compte d’auteur chez n’importe quel prestataire douteux, ce qui est pourtant radicalement différent.

Dans un tel contexte d’exclusion, difficile de ne pas en conclure que les seuls critères qui devraient pourtant prévaloir, l’intérêt et la qualité du texte, semblent passer au second plan.

 

Note : à qui verrait éventuellement dans mon analyse l’expression d’une plainte ou d’une frustration personnelle, je tiens à préciser que j’ai bénéficié d’une bourse du CNL (Centre National du Livre). J’aborde donc ces sujets sans passions tristes.

 

26 avril 2019

Carnet / Édition : des sujets qui fâchent

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Si je peux facilement comprendre les griefs des libraires à l’encontre d’Amazon, j’ai un peu plus de mal avec l’hostilité affichée des éditeurs envers ce spécialiste de l’auto-édition.

J’entends toujours les éditeurs (petits et grands) se plaindre d’être ensevelis sous des piles de manuscrits non sollicités qu’ils reçoivent par la poste.

Ne devraient-ils pas plutôt se réjouir d’être progressivement délestés de tous ces textes indésirables dont une grande part peut désormais converger vers les plateformes d’auto-édition telles qu’Amazon ?

En outre, je me demande bien en quoi les relations entre écrivains et éditeurs travaillant dans le circuit classique de l’édition peuvent être compromises par la possibilité offerte à des auteurs qu’ils ne publieront jamais de s’éditer eux-mêmes.

Le patron de la librairie Ombre blanches emploie le mot autorité, certes plus noble, mais c’est en réalité de pouvoir qu’il s’agit. Ce que je lis dans cette hostilité générale envers l’auto-édition relève à mon avis de l’angoisse de la perte d’un pouvoir demeuré longtemps sans partage.

Pour qui s’intéresse à ces questions, je renvoie à un article que j’ai publié dans le troisième numéro de la revue Instinct nomade consacré à l’écrivain Joseph Delteil et sur ce blog ici et .

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