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30 juin 2020

De la protection des textes mis en ligne sur les blogs

christian cottet-emard,blog littéraire de christian cottet-emard,dépôt,protection,notaire,huissier de justice,société d'auteur,plagiat,littérature,antériorité,preuve d'antériorité,archives,tags,bnf,issn,protection des œuvresEncore une question aujourd’hui dans mon courrier sur la protection des textes littéraires mis en ligne sur les blogs. Je ne répondrai bien sûr qu’à l’aune de ma pratique personnelle.

Sans être excessivement inquiet des risques de plagiat mais prêt à toute action en justice en cas de besoin, j’ai toujours pris toutes les dispositions nécessaires pour protéger mes écrits, bien avant la possibilité de les mettre en ligne.

Je ne reviendrai pas sur les différentes solutions de dépôt à la disposition des auteurs. On trouve toutes ces informations très facilement sur internet, par exemple sur le site de la Société des gens de lettres (SGDL). Il existe aussi d’autres solutions de dépôt, notamment chez le notaire, ce que je conseille également.

Quelles que soient les solutions choisies, c’est principalement la preuve d’antériorité qui sera prise en compte en cas de litige. Si un plagiat est avéré, celui qui en subit le préjudice doit prouver que son œuvre existait déjà avant les faits. En France, certaines affaires de plagiat assez évident n’ont pas toujours permis aux victimes de faire valoir leurs droits, contrairement aux États-Unis beaucoup moins laxistes en ce domaine.

Après ce bref rappel d’ordre général, je reviens sur la protection des écrits mis en ligne, notamment par le biais des blogs qui sont à cet égard des outils très pratiques.

Pour quelqu’un d’aussi peu logique et peu méthodique que moi, les archives du blog permettent d’établir cette fameuse antériorité puisque tout y est daté et enregistré. Il faut juste veiller à employer de nombreux mots-clefs (tags) en rapport avec les textes, ce qui permettra de les retrouver facilement, même sans moteur de recherche spécifique installé sur le blog. Il suffira de se rendre à la rubrique Archives par tags. Sans cette précaution, il sera très difficile voire impossible de retrouver les textes archivés. Évidemment, plus le blog est ancien, plus la difficulté augmente.

Il arrive que la Bibliothèque nationale de France (BNF) attribue un numéro ISSN à certains blogs. Lorsque la BNF m’a attribué le mien sans démarches particulières de ma part voici quelques années, j’ai mesuré l’utilité de cette attribution quand j’ai compris qu’elle faisait du blog et de son contenu une œuvre à part entière officiellement identifiée et enregistrée, donc en capacité de faire l’objet d’une protection.

 

25 avril 2020

Carnet / Du cauchemar de l’homme nouveau

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(Photo C. C-E)

Les grandes peurs nées des grandes crises font toujours réapparaître la sinistre figure de l’homme nouveau.

Notons d’abord que l’homme nouveau ne peut exister que dans l’imaginaire et la mythologie des sociétés totalitaires, ainsi qu’on le voit avec les différentes formes de fascismes lorsqu’elles accèdent au pouvoir avant de provoquer des catastrophes et des destructions qui prouvent hélas toujours trop tard que ces systèmes ne sont pas viables.

L’homme nouveau est la figure de l’après, celui qui a survécu et qui est censé repartir à zéro. Pur fantasme bien sûr, mais récurrent en période troublée comme celle que nous traversons.

Comme les fantômes, ce n’est pas parce que l’homme nouveau n’existe pas qu’il ne hante pas les consciences. Ce spectre capable de se concentrer en un seul individu tout en se dispersant dans la foule des autres peut fanatiser les populations, lever des armées et porter la guerre totale comme on l’a vu au vingtième siècle. Plus sournoisement, il peut réveiller en plein cauchemar des sociétés assoupies.

J’aurais dû écrire cauchemar au pluriel mais je ne veux évoquer maintenant qu’un seul d’entre eux, le cauchemar hygiéniste parce que celui-ci trouve inévitablement un terreau fertile dans la crise sanitaire pour rencontrer des opportunités d’éclore dans la réalité.

L’obsession hygiéniste ne date pas d’aujourd’hui, elle peut même varier à travers les époques et les modes. Au temps de l’aristocratie triomphante, plus on était gras, plus on était séduisant parce que ce gras indiquait prospérité et statut social élevé. De nos jours, c’est l’inverse. Il faut non seulement être svelte pour satisfaire aux critères esthétiques mais encore sportif pour satisfaire aux critères de performance, d'adaptabilité et surtout de productivité.

Nous l’avons compris, le pouvoir moderne veut des populations actives heureuses d’être dures à la tâche ! Honte aux enveloppés, aux épais, aux lourds et autres bons vivants sujets aux petites somnolences d’après repas ! Haro sur les jeunes retraités qui ont l’insolence de s’envisager centenaires ! Place aux jeunes qui, une fois pressés comme des citrons, sont priés d’avoir la politesse de mourir juste avant de commencer à vieillir ! Cela évitera le conflit de générations.

Ce que je viens de décrire à gros traits l’a été mieux que je ne saurais le faire par la littérature de science-fiction, laquelle est désormais de beaucoup dépassée par la réalité ainsi qu’on peut le voir dans l’évolution de notre société qu’on pourra bientôt qualifier de post-démocratique si on continue d’en confier le destin aux seuls technocrates et gestionnaires. La pandémie n’a pas mis longtemps à nous en esquisser la démonstration si nous ne veillons pas au grain lorsque la parenthèse se refermera.

Je n’aime pas le présent que nous fait le virus mais l’avenir qu’il peut nous léguer m’effraie. En quelques semaines de mesures d’exception que seule la situation sanitaire peut provisoirement justifier, les technocrates et les gestionnaires de ce gouvernement élu de peu et qui n’a que l’économie pour politique peuvent prendre goût à des réflexes rapidement et assez facilement acquis. À cet égard, la pandémie leur a ouvert un vaste espace d’expérimentation sociale inquiétante en de telles mains.

J’ai peur d’un monde où la liberté de déplacement et l’accès à l’aide, aux soins et aux prestations économiques et sociales dépendront de l’âge, du mode de vie, des bonnes ou mauvaises habitudes de consommation, du régime  alimentaire, de la masse corporelle et de tout ce qui fait de nous des individus différents, uniques et irremplaçables et non une masse indifférenciée de créatures calibrées et embrigadées sous l’étendard de l’homme nouveau.

Ce monde de la dictature hygiéniste ne relève hélas plus de la fiction. L’oppression d’hier procédait par la terreur et l’élimination physique consécutives à l’agression et à l’abandon à la misère, celle de demain procédera par l’obligation de santé ou de ce qui en tiendra lieu : performance, mouvement et tempérance. Plus besoin de contraindre par la violence physique, l’injonction à la normalité assortie à la mise sous pression financière suffira. 

Je vois venir le jour où nous serons tenus de présenter à tout contrôle une licence de club sportif permettant de prouver notre allégeance au dogme de performance, de mouvement et de tempérance. Pour celles et ceux qui s’y montreraient rétifs, restriction des droits à l’assurance maladie, augmentation des tarifs de mutuelles et autres mesures de rétorsion et de contrainte.

Moins extrêmes, de telles initiatives commencent à apparaître (présentées sous l’angle positif) dans certains contrats d’assurance sous forme d’avantages financiers en faveur de l’assuré sportif. Quant à votre éventuel tabagisme, cela fait désormais des lustres qu’il fait partie du questionnaire santé sans que cela ne fasse tousser quiconque.

Triste et inquiétante figure que celle de l'homme nouveau, celui ou celle qui mange peu, ne boit pas, ne fume pas, n'est pas sédentaire, n'a pas de racines, pas de passé et à peine un présent, se déplaçant sans cesse en groupe au gré des ressources disponibles comme le font les bancs de poissons en quête de simple subsistance... L'homme nouveau : confinable et déconfinable à volonté.

(À suivre)

 

Note : ce texte est la version actualisée mais encore incomplète d’un article conservé en archive sur ce blog.

 

09 novembre 2014

L’auteur

(Extrait de mon recueil de trois nouvelles fantastiques Trois figures du Malin, © éditions Orage-Lagune-Express, 2004. Droits réservés.

Écouter une autre nouvelle du recueil sur Bonne nouvelles, le site de Nicole Amann.)

Pour ne pas ralentir mon allure, je ne me retournerai plus. C’est un peu comme suspendu dans le vide : mieux vaut ne pas regarder en bas pour continuer l’escalade. Je voudrais quitter plus vite ces quartiers trop animés où se condense en lourds panaches le souffle de centaines de bouches aux lèvres gercées par le froid. Je sais maintenant que la peur a un visage, celui, multiple, des foules anonymes noyées dans leur rumeur.

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Photo extraite d'une vidéo de Marie-Christine Caredda, gare d'Oyonnax, soir, novembre 2014.

Derrière ces faces, des intelligences étrangères en savent long sur moi, croisent des fichiers et poursuivent leurs enquêtes. Je sais aujourd’hui ce que signifie être atteint et ce n’est guère mieux qu’être atteint d’une maladie. Oui, des gens que je ne connais pas savent qui je suis, d’où je viens et comment je vis alors que je l’ignore moi-même. Pour eux, mon passé, mon présent et peut-être mon futur sont déjà écrits. Ils n’ont plus qu’à lire ces conjugaisons auxquelles se résume, pour eux, mon existence et à en tirer les conclusions. Ils peuvent même se payer le luxe, à travers moi, d’une autre vie, plus aventureuse, plus palpitante que la leur, moins insignifiante que celle qu’ils mènent dans une banalité et un confort à jamais inaccessibles à ma condition.

Quelle est ma condition ? Marcher. Marcher sans relâche dans les rues sans joies d’une petite ville industrielle dont j’ignore tout et qui est pourtant la mienne. Arpenter des quartiers de fabriques familiales abandonnées, imprimer mon ombre sur de vieilles enseignes peintes à même les murs d’anciens troquets où ont fini d’échouer mille destins détruits par le travail d’usine, traverser au crépuscule un parc au kiosque à musique silencieux, longer un vieux boulevard sacrifié au stationnement, marcher, toujours marcher sans même courir car cela relèverait du plus inutile affolement.

Mon instinct me le dicte, le rythme rapide mais surtout régulier de mon pas peut me soustraire à la diabolique emprise à laquelle je tente d’échapper, cette force qui m’empoigne et qui, de jour comme de nuit, m’enlève ou me pose où elle veut sans que je comprenne pourquoi. Mais le plus effrayant ne réside pas dans l’ignorance où je me trouve de mon propre destin. Qui a jamais su ce qui l’attendait ? Toute l’horreur de ma condition se construit dans la toile d’araignée qui se tisse autour de moi sous la forme d’informations qui me concernent mais dont j’ignore jusqu’à la plus anecdotique. Voilà pourquoi je n’ai pas trouvé d’autre solution que ces absurdes pérégrinations pour essayer de me soustraire à cette menace que je ne peux même pas nommer.

Qui est contre moi ? Qui est dans mon camp ? Je ne saurais le dire. Malgré le caractère méfiant dont m’a doté mon créateur, je suis dans une telle impasse que je dois accepter sans réserve toute aide qu’on pourrait m’apporter. 

Que dois-je attendre de ce rendez-vous au café du chemin de fer ? En effleurant la vitrine déjà poussiéreuse d’une agence de voyage en faillite, j’ai sursauté quand l’éclairage public s’est déclenché. Mon reflet m’est apparu, presque sans contours, moins net que l’ombre massive de mon lourd manteau d’hiver. Dans la poche, ma main ne se décrispe pas autour de la crosse de ce malheureux 6,35 qui peut toujours m’être utile à bout portant, tout à l’heure au café, assis en face de cet homme, un dénommé Preben Mhorn. Je ne sais pas à quoi il ressemble et aucun signe de reconnaissance n’a été prévu. Je n’ai qu’à entrer par la porte vitrée et m’asseoir, et peut-être me jeter dans les mâchoires du piège. De toute façon, je dois m’en remettre à lui.

Me voilà devant un vin chaud. Cette fois, les miroirs du café me renvoient l’image de mon visage. Dehors, le halo d’une enseigne ébréchée me révèle une bruine qui a déjà détrempé les rares autos garées en ces parages. L’horloge de la gare s’allume, blafarde comme une lune de papier mâché. Un homme engoncé dans un caban s’est assis à ma table. Il fume un cigare puant. Je fixe son regard avec terreur, le doigt sur la détente dans la poche de mon manteau. Il se présente: « Mhorn. Voici les papiers. » De mon autre main, je prends l’enveloppe d’où surgira ma nouvelle identité. Cet homme est là pour m’aider mais comment m’a-t-il identifié ?

Rien à faire, je suis toujours sous l’emprise, le cauchemar continue. Mhorn se lève brusquement. Sous la table, d’une impulsion de mon bras, le canon du 6,35 suit aussitôt son mouvement. Le vin chaud se répand autour du verre brisé. « Pas la peine de s’énerver. L’autorail part dans cinq minutes. Il y a un billet dans l’enveloppe, avec le reste. Ne traînez pas et n’oubliez pas de composter.»

L’autorail gronde dans le crachin, sous les lueurs vert-de-grisées du quai. Une fois blotti derrière la vitre grasse au milieu des sièges vides, je pourrai découvrir mon nouveau nom dans l’enveloppe. J’ai tant rêvé à cet instant sans y croire, à cette nouvelle naissance... Le composteur claque sur mon billet. Bientôt un coup de sifflet sur le quai et puis, peut-être, la chance d’un nouveau départ vers de vierges horizons... 

Mais dans cette ville étroite, un seul nuage suffit à ramener la nuit.  Des ombres se mêlent autour du marchepied de l’autorail. Dans quelques secondes, la rame qui assure la correspondance viendra s’immobiliser juste à côté, le temps d’un échange de voyageurs. La voici, dans ses grincements de ferraille, déserte à cette heure tardive. Mais non. Cet homme en imperméable qui en descend, l’oeil fouineur et menaçant... Son parapluie noir s’ouvre d’un claquement mat sur sa tête et je vois la puissance maléfique de son regard dans le mien.

C’est lui, encore lui dans la nuit, dans mes ténèbres éternelles, dans mon enfer d’incertitudes sans fin, lui, l’ordure, le pervers, le maître démoniaque de ma vie, l’auteur.