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03 janvier 2008

Petite scène

L’insomniaque horloge bâilla péniblement, rêvant un jour de s’arrêter. Effleurée par la fuite de l’ombre, elle fit tressaillir un noctambule que le silence empêchait de dormir. Pressé d’être au diapason, le noctambule bouscula un hibou renfrogné auquel on sabotait quotidiennement le coucher. eb47e1237c928149e8e540bc1b0aed86.jpegSon aile muette dispersa les dernières voiles du vaisseau nocturne et la lune, dépouillée du scapulaire moucheté qu’elle affectionnait, en voulut au soleil qui la rendit scarieuse comme une corolle de Perce-neige éblouie.
Saisissant l’opportunité d’un tel spectacle, le noctambule qui se trouvait être un poète trempa cérémonieusement le croissant de la lune dans son café au lait, l’aube naissante.

© L’auteur, 1979.
(Ce texte, datant de 1977 ou 1978, a été publié dans mon premier recueil de poèmes sorti en 1979. Le fond est aussi léger que la forme alourdie d’adverbes mais j’avais envie de commencer l’année avec lui, tel qu’il fut écrit voici trois décennies. Après tout, on fait ce qu’on veut sur un blog !)

Bonne année 2008 !

01 septembre 2007

Prima la musica

Pour rebondir sur le commentaire de Marie-Josée Martin à la suite de ma note « Elgar à la rescousse » concernant les rapports entre écriture et musique, je me suis amusé à dresser un rapide inventaire des œuvres que j’écoutais ou que j’avais en tête en écrivant Le Club des pantouflards. Il s’agissait des trois sonates pour orgue de Paul Hindemith, compositions auxquelles je prête, en toute subjectivité, une atmosphère tour à tour ténébreuse, ironique et mélancolique. Mais pour le cinquième chapitre, en particulier la scène où Effron Nuvem découvre dans la neige les traces du blindé qui s’est installé sur la place, j’étais habité par le lento du premier concerto pour piano de Dimitri Chostakovitch, deuxième mouvement marqué, notamment dans le solo de trompette, par les accents d’accablement et de sarcasme qui traversent toute l’œuvre du compositeur.
Des années avant d’avoir le projet d’écrire Le Club des pantouflards, je voyais, en écoutant cette partie du concerto, cette scène d’un personnage mal réveillé qui sort de chez lui et qui suit les traces inquiétantes laissées par le char dans la neige. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai rédigé une esquisse de ce passage avant même d’avoir commencé le reste du livre.

Références des disques cités :
Paul Hindemith (1895 - 1963), trois sonates pour orgue interprétées par Kevin Bowyer à l’orgue de la cathédrale d’Odense, Danemark. Le disque comporte aussi des œuvres pour orgue d’Arnold Schoenberg et d’Ernst Pepping. Disque Nimbus Records NI 5411.

Dimitri Chostakovitch (1906 - 1975), concerto pour piano n°1, interprété par Eugene List (piano). Moscow Radio & TV Symphony Orchestra dirigé par Maxime Chostakovitch, fils du compositeur. Disque Melodiya 76822.

20 août 2007

Milena Agus, comme une funambule

aa3c10dfa3b63f26df07de8b36c22487.jpegÀ la librairie Zadig de Saint-Claude (Jura), j’ai trouvé ce court texte de Milena Agus, COMME UNE FUNAMBULE, édité en opuscule gratuit dans le cadre des opérations de promotion de l’éditrice Liana Levi. L’auteur de MAL DE PIERRES y décrit en toute simplicité son rapport à l’écriture.
J’ai lu Mal de pierres au printemps et, comme ce fut le cas pour une foule de lecteurs, la petite musique de ce livre s’est imposée doucement mais sûrement à mon esprit. La Sardaigne, qui me concerne pour des raisons d’ordre familial, a été le déclencheur de ma curiosité pour Mal de pierres. Mais les thèmes de ce livre sont universels. Comme souvent en littérature, j’ai une lecture distraite de l’histoire et de la psychologie. Ce qui me retient toujours, dans un livre qui me plaît, n’est autre que l’angle choisi par l’auteur, sa vision unique et irremplaçable s’il s’agit d’un écrivain au plein sens du terme.
Dans Comme une funambule, Milena Agus dit refuser, pour elle, le terme d’écrivain mais elle précise « pour le moment ». Ce « pour le moment » me fait sourire et, de toute façon, qu’on se considère ou non comme un écrivain, lorsqu’on écrit des livres, n’a aucune importance puisque, en définitive, ce sont toujours les autres, les lecteurs et eux seuls, qui décident qu’un auteur est un écrivain. À mon avis, ce n’est vraiment pas le problème de l’auteur de savoir s’il est ou non un écrivain. Le problème de l’auteur, Milena Agus le décrit très bien : « communiquer exactement ce que je sens, me comble ». C’est aussi simple et compliqué que cela.
En quatrième de couverture de Comme une funambule, on apprend que l’éditrice italienne de Milena Agus l’a présentée à son éditrice française, Liana Levi, comme « un auteur hors-normes ». Je pense que tout auteur capable de « communiquer exactement ce qu’il sent », comme Milena Agus, est hors-normes. D’ailleurs, je ne connais que des auteurs hors-normes. Les autres, s’ils existent, je ne suis pas sûr d’avoir envie de les lire.
Enfin, on trouve dans le plaisir qu’on prend à lire Milena Agus ce qu’on pourrait appeler un supplément d’âme, un indice de confiance (même impression dans les livres d’Antonio Tabucchi) et je la crois sincère lorsqu’elle écrit dans Comme une funambule : « Le succès m’est indifférent. Et l’argent aussi. Pour moi, voyager est une souffrance, j’angoisse et j’ai la nostalgie de chez moi. Je trouve cocasses les vêtements chers. Je trouve que les voitures, les yachts, vu l’état de notre planète, sont criminels. L’excès d’objets me donne une impression de pacotille. »