13 juillet 2008
Dommage pour les moineaux !
Je lisais depuis un bon moment dans le jardin lorsqu’un fracas provenant des feuillages éparpilla une volée de moineaux et de merles. À peine avais-je levé les yeux qu’une ombre me frôla. Je n’eus même pas le temps de sursauter car mon regard se logea directement dans celui d’un jeune épervier à l’étrange comportement. Le rapace sautillait sur place, dans la pelouse, et semblait hésitant. Je le scrutai sans bouger d’un cil et je finis par distinguer sous ses serres le petit corps palpitant d’un moineau. D’un simple geste, j’aurais pu l’affoler au point de lui faire abandonner sa victime mais j’y renonçai sans savoir pourquoi. L’épervier me fixa pendant quelques secondes encore puis, constatant mon absence de réaction, agrippa sa proie et l’emporta dans les airs. Qu’est-ce qui m’aurait autorisé à le priver de son déjeuner, à contrarier la nature ?
La question me renvoya au souvenir d’une situation semblable dans laquelle j’eus la réaction inverse, ce qui me priva définitivement de la confiance d’un chat qui partagea plusieurs années de ma vie. Il avait réussi l’exploit de capturer un moineau sur le bord du balcon et jouait avec sur le parquet lorsque j’eus la mauvaise idée de lui confisquer l’oiseau encore intact en apparence et de le libérer. Il réussit à s’envoler mais son cœur minuscule ne résista probablement pas longtemps à cette agression. Quant au chat, il changea radicalement de comportement à mon égard. Le lien entre nous était brisé.
Cette petite chronique animalière me remet en mémoire un débat auquel je participais avec quelques auteurs voici plusieurs années. La plupart d’entre eux se réclamaient d’une « littérature urbaine » qui n’avait pas à s’encombrer des célébrations élégiaques d’une nature qu’ils jugeaient, à l’instar d’un Houellebecq, hostile et cruelle. J’eus du mal à expliquer que mes références constantes à la nature et à la campagne ne relevaient pas d’une « célébration élégiaque ». Dommage pour les moineaux !
01:54 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : moineau, chat, épervier, nature, carnet
09 juillet 2008
Nuitamment
Je sais depuis longtemps que la musique me répare mais je me plais à me le répéter chaque fois que je reviens d’un concert marquant. En ce début juillet, je suis gâté.
En quelques jours, j’ai pu écouter des amis organistes, Véronique Rougier à Saint-Lupicin (Jura) révélant toute la délicatesse et les nuances de l’instrument de quatre jeux construit par Philippe Hartmann, puis Olivier Leguay hier soir à la co-cathédrale Notre-Dame de Bourg-en-Bresse dans sa superbe interprétation des Chorals du Dogme de J-S Bach. Savoir qu’il joue cette musique par cœur rend tout commentaire superflu. Risquons tout de même trois adjectifs : clair, recueilli, puissant. Des mots bien faibles pour exprimer l’art de ces deux musiciens. De retour avec eux dans la nuit par la route surplombant les méandres de la rivière d’Ain, j’ai vu un hibou frôler le pare-brise.
Ainsi que j’en ai l’habitude en rentrant de concert, j’ai croqué quelques sandwiches, trinqué à la santé du canari mécontent de mes médianoches à répétition et je suis sorti fumer un cigare sur le pas de la porte. Une brise de fin d’orage dispersait mes volutes tandis que perçaient quelques étoiles au-dessus des grands tilleuls odorants. La tête pleine de musique, je songeais aussi à un autre concert, celui de dimanche, en plein orage, où je me trouvais à l’abbatiale Saint-Michel de Nantua (Ain) pour profiter d’un programme Boëly interprété par Marie-Ange Leurent et Éric Lebrun qui ont enregistré l’intégrale des œuvres pour orgue de ce compositeur.
En me remémorant toute cette beauté, je me suis figé dans une telle immobilité qu’une fouine est venue allonger son pas de petite danseuse à quelques mètres de moi. La voir s’éloigner du halo des derniers lampadaires m’a rappelé qu’il était temps, à trois heures du matin, d’aller dormir après la rédaction de ces quelques lignes totalement inutiles...
03:39 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : concert, véronique rougier, olivier leguay, bach, ain, co-cathédrale de bourg, saint-lupicin
16 juin 2008
Avoir peur de Virginia Woolf
Samedi matin, 14 juin, je furète dans les étagères de la librairie Zadig de Saint-Claude (Jura) où je finis par trouver un recueil de trente nouvelles de Virginia Woolf. Le lendemain soir, avant d’ouvrir ce volume, je vais faire mon petit tour sur le site internet d’Hubert Nyssen où, dans ses carnets datés du 15 juin, je tombe sur deux citations de Virginia Woolf extraites du Journal intégral :
« Les pauvres n'ont aucune chance ; pas de bonnes manières ni de maîtrise de soi pour se protéger. Nous avons le monopole de tous les sentiments généreux. » et « Sur le chemin de halage nous avons croisé une longue file d'idiots. (…) C'était parfaitement horrible. Il est bien évident qu'on devrait les supprimer. »
Moi qui voulais aborder ces nouvelles sans préjugés, je sens que ces deux notes sinistres ne vont pas me quitter durant ma lecture. À moins que je ne parvienne à m’imprégner de ce que disait Jorge Luis Borges à propos des opinions : « l’aspect le moins important d’un écrivain » ...
00:53 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : virginia woolf, hubert nyssen, borges, librairie zadig, saint-claude, jura, blog littéraire christian cottet-emard