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28 décembre 2018

Carnet / Le toucan du tonton Louis

 

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J’étais seul avec ma mère lorsqu’une voix inconnue m’interrompit dans mes coloriages et dans l’écoute d’un de mes disques préférés, Casse-noisette de Tchaïkovski. Je levai les yeux sur un vieux monsieur vêtu de noir qui me parut très grand, chenu, plutôt réservé. Il me tendit un large et lourd rectangle emballé d’un papier cadeau et dit à ma mère sans s’adresser directement à moi « voilà pour le jeune homme » . J’étais flatté qu’un vieux monsieur m’appelle jeune homme. Le papier cadeau libéra la couverture d’un beau livre intitulé Les Animaux de la jungle. Ce devait être le lendemain de l’Épiphanie car j’avais eu un restant de brioche pour mon goûter.

Ma mère m’invita à dire merci et au revoir au tonton Louis. J’avais déjà entendu parler de lui dans les repas de famille mais encore aujourd’hui, le lien de parenté avec cet homme âgé est resté pour moi très flou. Je ne l’ai d’ailleurs jamais revu après cette visite qui est pourtant gravée dans ma mémoire à cause du livre Les animaux de la jungle, notamment après avoir découvert qu’il existait dans le monde un oiseau appelé le toucan, un oiseau flamboyant au bec orange vif et aux yeux goguenards. 

Ce livre aux illustrations somptueuses et aux textes imprimés en gros caractères m’apprit aussi qu’il existait une créature nommée iguane et que les indiens de la jungle surnommaient ce lézard poulet des forêts, ce qui, en dehors du fait que ma mère m'appelait parfois poulet, modifia mon regard non seulement sur le poulet rôti dominical mais encore sur ce monde étrange dans lequel je débutais au son de la Danse de la fée-dragée.

Illustration toucan prise ici

 

03 octobre 2018

Carnet / Chandernagor

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Puisque j’étais le choriste à la voix la plus aiguë, j’avais été désigné pour chanter aussi les couplets en soliste. Depuis cinquante ans, je suis hanté par cette musique, en particulier en automne, saison à laquelle mon esprit a associé ce souvenir musical.

Après de nombreuses recherches infructueuses auprès de quelques camarades de classe, j’ai fini par trouver aujourd’hui sur internet d’où venait cette chanson. Elle constituait la bande originale signée par le compositeur Georges Garvarentz d’un feuilleton télévisé de 1967 destiné aux enfants et intitulé Signé alouette.

N’ayant jamais vu un épisode de cette série, cette chanson que je chantais sans en comprendre les paroles (pas plus aujourd’hui d’ailleurs) me raconte une autre histoire, celle d’un de mes rares bons moments à l’école, l’heure de chant qui avait parfois lieu dans la cour de récréation sous le marronnier.

 

05 mai 2018

Mauvais esprits, nous m’dame ?

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Autour du lycée, les préfas poussent comme des verrues sur un visage obèse qui peut tout aussi bien être celui du proviseur. Convoqué dans le bureau de cet homme sans cou ni taille, en raison de mon absence permanente au cours de gymnastique, j’ai failli m’asseoir sur son chapeau déposé là par quelque haineux subalterne.

Vraiment fort le proviseur : Voltaire dans un sermon, il fallait oser. Le chapeau sur la chaise, à côté, c’est l’harmonie, la logique, l’équilibre... La grâce ? Tout de même, n’exagérons rien.

La grâce, c’est plutôt le rayon de la prof de français, joli brin de fille épanoui entre les lézardes des préfas aux quatre vents mutins des affectations. Une fleur de décombres en quelque sorte, une belle plante rudérale... Dans la bouche du proviseur, Voltaire cité en rafales automatiques siffle mépris et reproches et sent l’aigre des digestions approximatives. Entre les lèvres de la prof de français, Voltaire gazouille tel l’oiseau de la pluie dans l’effluve d’un Chanel au numéro inférieur ou égal à ma moyenne en maths.

Cette appétissante oiselle a ses pudeurs. Elle nous fait travailler Voltaire dans une édition de classiques à deux sous vierge de tout épisode égrillard, notamment expurgée d’une bonne partie du chapitre seizième de Candide. Voltaire y prend plaisir à relater les clameurs qui partaient de deux filles toutes nues qui couraient légèrement au bord de la prairie, tandis que deux singes les suivaient en leur mordant les fesses.

Nous sommes deux dans la classe à posséder les romans et les contes de Voltaire dans une édition de poche récente qui donne le texte intégral, selon la formule consacrée, ce qui nous conduit à demander l’autorisation de lire le passage manquant où Candide prend son fusil espagnol à deux coups, tire et tue les deux singes. Dieu soit loué, mon cher Cacambo ! J’ai délivré d’un grand péril ces deux pauvres créatures : si j’ai commis un péché en tuant un inquisiteur et un jésuite, je l’ai bien réparé en sauvant la vie à deux filles...

À la vue du rictus qui commence à tortiller le minois de la petite prof, nous comprenons que cette adepte de Voltaire allégé regrette aussitôt de nous avoir donné la parole. Pourtant, le plus dur est à venir. Candide continue de se féliciter de sa bonne action mais sa langue devint percluse quand il vit ces deux filles fondre en larmes sur leurs corps, et remplir l’air des cris les plus douloureux. Je ne m’attendais pas à tant de bonté d’âme dit-il enfin à Cacambo ; lequel lui répliqua : vous avez fait là un beau chef-d’œuvre, mon maître ; vous avez tué les deux amants de ces demoiselles.

Cette fois, le rictus libère une sorte de coassement. Le visage de notre juvénile enseignante vient de prendre quinze ans en deux secondes, et tout cela à cause de nous, adolescents vulgaires travaillés par nos hormones.

— Excusez-nous m’dame. Pour nous faire pardonner, on va vous lire un autre passage extrait de Micromegas et qui manque aussi à votre édition : son Excellence se coucha de tout son long car s’il se fût tenu debout, sa tête eût été trop haut au-dessus des nuages. Nos philosophes lui plantèrent un grand arbre dans un endroit que le docteur Swift nommerait, mais que je me garderai bien d’appeler par son nom, à cause de mon respect pour les dames...

— Mauvais esprits, nous m’dame ? Eh ben, si on peut même plus participer...

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Illustrations : détail de la statue de Voltaire installée à Oyonnax et 4ème de couverture de la revue Le Croquant n°16