Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

05 février 2022

Carnet / Seize ans, l’âge éclairé.

carnet,note,journal,politique,opposition,élections,présidentielle 2022,démocratie en danger,dictature sanitaire,dictature hygiéniste,blog littéraire de christian cottet-emard,président,sans lui,pass de la honte,jim harrison,littérature,opinion,humeur

La plupart des politiciens défendent le même impératif moral qu’une cellule cancéreuse : il faut à tout prix continuer ce qu’on fait.

- Jim Harrison -

(Extrait de La recherche de l'authentique, éd. Flammarion)

 

On apprend tout le temps, est un de ces mantras qu’on entend tout au long de notre existence. Et si apprendre tout le temps ne se réduisait en réalité qu’à ajuster en permanence les savoirs fondamentaux ? (Je ne parle pas des savoirs techniques et culturels mais de l’expérience ontologique de la vie et de ce qu’on parvient parfois à en comprendre). Je me souviens avoir tiqué il y a très longtemps à la lecture de cette remarque d’un écrivain dont j’ai oublié le nom : à seize ans, un individu a fait le tour des expériences de la vie. Tout le reste n’est que répétition.
 
J’avais une trentaine d’années et une sorte de crise existentielle sur le dos lorsque je me suis arrêté sur cette idée qui m’a frappé parce que je la considérais comme juste. Trente-deux ans plus tard, j’aurais tendance à relativiser parce que j’ai atteint l’âge où l’on prend cette habitude. Je monterais un peu le curseur à dix-huit ou vingt ans pour les gens comme moi qui sont longs à la détente mais seize ans me semble une bonne moyenne pour comprendre qu’on a fait le tour et qu’après, on répète, ce qui ne dispense pas d’ajuster car si l’on n’ajuste pas, on s’embourgeoise, et cela dans tous les domaines du savoir et de l’expérience.
 
J’avoue piteusement que c’est en politique que je me suis le plus embourgeoisé dans ma vie, ce qui m’a conduit à croire que nos libertés individuelles fondamentales pouvaient être à peu près garanties par des systèmes politiques gouvernant au centre. Malheureusement, les centristes d'hier sont devenus les extrémistes d'aujourd'hui. Après de longs épisodes d’indifférence et d’abstention entrecoupés de rares coups de calcaires électoraux au gré des fluctuations de mon compte en banque, je suis devenu un centriste par conviction molle et paresse dure, les deux principaux ingrédients de la maturité qui est hélas parfois la sœur jumelle de la résignation.
 
Après avoir disparu d’à peu près tous les radars administratifs à partir de 2007 et m’être transformé en paisible fantôme social errant dans les nuées de ma campagne en 2009, je me suis vautré en de longues siestes dans ce que, politiquement, on appelle le centre, cette zone marécageuse où l’on vote comme les castors construisent leurs barrages, ce marigot qui peut parfois sentir un peu mauvais comme Venise en été mais ce n’est pas grave, on s’habitue car Venise est calme... Comme le centre... Le calme règne aussi au centre d’un cyclone. Le centre étant partout et nulle part, cela ne pouvait que convenir à mon esprit pas politisé pour deux sous.
 
Oui, je m’étais sacrément embourgeoisé depuis mes seize ans, déjà qu’à l’époque, au lycée, ma belle prof de français que j’aimais bien, elle-même de style et de maintien bourgeois de chez bourgeois, mécontente de me voir soutenir une grève, s’était vengée de ma trahison en déclarant non sans malice devant toute la classe que j’étais l’esprit le plus bourgeois de tous les élèves qu’elle avait connus dans sa carrière et que rien n’y changerait, encore moins une grève ou une manif ! Monsieur sèche les cours qui ne l’intéressent pas pour faire la grève et va défiler dans les rues mais la sonnerie du lycée n’a pas encore retenti qu’il saute sur son beau cyclomoteur tout neuf pour aller retrouver son petit confort domestique ! avait-elle persifflé, déclenchant évidemment l’hilarité de mes camarades de classe.
 
Ce qui a provoqué l’afflux de ces souvenirs est une autre phrase, parfaitement d’actualité, que je viens de lire et souligner à la fin du dernier livre de Jim Harrison, un ouvrage composé par l’éditeur puisque Harrison est mort en 2016.
 
La plupart des politiciens défendent le même impératif moral qu’une cellule cancéreuse : il faut à tout prix continuer ce qu’on fait.
 
J’aurais applaudi cette saillie à seize ans et j’applaudis à soixante-deux. Entre temps, je réalise que j’ai fait une sieste un peu longue...  Je suis loin d'être le seul mais je vois bien hélas dans mon entourage d'amis et de connaissances qu'ils ne semblent aujourd'hui pas nombreux à vouloir ouvrir un œil.

#christiancottetemard #politique #nopass #PassDeLaHonte #litterature #Presidentielle2022 #jeunesse

23 janvier 2022

Carnet / De l’honneur de déplaire

carnet,note,journal,humeur,chronique,christian cottet-emard,facebook,réseau social,poète,poésie,déplaire,honneur,blog littéraire de christian cottet-emard,auteur,littérature,politique,contestation,protestation,passe de la honte,discrimination,injustice,société,lecture publique,réunion,masque,palabre,bavardage,fausse parole,liberté,enfance,jeunesse,lorenzo lippi,femme au masque,peinture

Voir ces poètes avec leur masque sur la tronche continuer de lire leurs œuvres en public comme si de rien n’était après avoir dûment présenté leur passe de la honte à l’entrée me laisse perplexe. Sans doute abordent-ils d’une manière ou d’une autre l’un des grands thèmes de la poésie, la liberté...
 
Je ne sais plus qui a dit tout poème est un poème d’amour (mais tout poème n’est-il pas aussi un poème de liberté ?), cette liberté dont beaucoup de poètes s’inquiètent à juste titre lorsqu’en sont privés les peuples des contrées lointaines mais qu’ils ne semblent pas voir fondre comme neige au soleil à leur porte, chez eux, dans leur propre pays.
 
Je peux encore comprendre ceux qui sont payés car jamais il ne me viendrait à l’idée de reprocher à quelqu’un de gagner sa croûte comme il peut mais les autres, les bénévoles, j’avoue, j’ai du mal.
 
Sur le réseau social que je fréquente et où j’interviens, j’ai beaucoup de poètes dans ma liste de contact. La plupart d’entre eux sont muets sur le passe de la honte et sur toutes les mesures non plus sanitaires mais désormais exclusivement politiques dont le pouvoir en place accable les citoyens et pire encore les plus jeunes à qui ce gouvernement vole leur enfance et leur jeunesse.
 
Parmi les nombreux poètes de mon réseau, je n’en connais que deux qui protestent au grand jour et avec véhémence sur leurs pages Facebook, un qui s’exprime à demi-mot et quatre ou cinq qui interviennent dans les commentaires. Les plus silencieux sont ceux qui sont fortement liés à des groupements plus ou moins idéologiques, à de petits éditeurs, ou impliqués dans des maisons d’édition d’envergure ; eh oui, les (petites) affaires continuent, il faut veiller à ne pas trop déplaire.
 
Est-il donc si terrible que cela de déplaire ? Je croyais qu’en certaines circonstances graves, déplaire était un peu le métier des poètes et aussi leur force car à part quelques-uns d’entre eux qui sont de petits rentiers de situations gérant au plus juste le livret d’épargne d’une carrière durant laquelle ils se servent plus de la poésie qu’ils ne la servent, la plupart n’ont rien à perdre. Les poètes sont les sous-prolétaires de la littérature et comme tous les sous-prolétaires, que peuvent-ils gagner à se taire ?
 
Tableau / La femme au masque, Lorenzo Lippi (1606-1665)
 

18 janvier 2022

Carnet / Des hauts et des bas

carnet,note,journal,nouvelle année,fêtes,politique,opposition,élections,vote,scrutin,présidentielles,blog littéraire de Christian Cottet-Emard,humeur,chronique,christian cottet-emard,rituel,concert,musique,arte,télévision,chaîne arte,zubin mehta,daniel barenboim,beethoven,piano concerto 4,masque,staatsoper berlin,allemagne,berlin,roitelet,freluquet,domestiqueJ’ai fini 2021 et commencé 2022 dans un esprit offensif et vindicatif propice à la dureté des affrontements politiques à venir mais je reconnais avoir été si perturbé par le naufrage de nos libertés fondamentales que je n’ai guère eu l’idée de présenter mes vœux.
 
Même l’Épiphanie, moment tout aussi important pour moi que l’ensemble des temps forts du calendrier chrétien, est passée un peu au second plan dans le déroulement habituel de ma manière de vivre Noël et la Saint-Sylvestre (je ne parle pas des réveillons et des autres aspects profanes de ces fêtes qui se sont comme toujours agréablement déroulés en famille).
 
Mon autre petit rituel, le concert du nouvel an que suis d’ordinaire à la télévision, est aussi passé à la trappe parce que je ne trouve rien de plus déprimant à voir que ce public masqué (quand les musiciens ne le sont pas aussi). Je suis pourtant un admirateur de l’immense Daniel Barenboim qui était cette année au pupitre.
 
Avant-hier dimanche, profitant d’un vrai concert intégral c’est-à-dire non interrompu, non saucissonné dirais-je, par d’insupportables bavardages d’interprètes dont la chaîne Arte est hélas devenue coutumière, j’ai quand même pu me régaler du quatrième concerto pour piano de Beethoven, mon préféré, avec Daniel Barenboim au piano (il est aussi chef d’orchestre) et Zubin Mehta à la direction ; mais cette belle salle du Staatsoper de Berlin sans public, quelle tristesse de ces années Covid...
 
Je sais que pour longtemps encore, je devrai me contenter de mes écrans pour accéder à la magie des concerts puisqu’ainsi en a décidé le roitelet freluquet à l’encontre d’un nombre inévitablement croissant de celles et ceux qu’il ne considère plus comme des citoyens, se positionnant désormais de lui-même comme un ennemi. Au moins grâce à lui, tout électeur qui n’aura pas envie de tendre l’autre joue après la gifle se verra enfin délivré du piège du vote castor.
 
Durant toute ma jeunesse, en ces décennies d’un autre monde où les élections se limitaient à blanc bonnet et bonnet blanc, on m’a reproché de me tenir à distance de la politique. Maintenant que je suis vieux, on me reproche de me soucier de politique, même si ce n’est du reste que sur les réseaux sociaux, de temps à autre sur ce blog et parfois dans mes livres.
 
Je ne suis guère motivé par d’autres formes d’engagement. Aucune manifestation ne me tente car celles que je soutiens sur le principe comme celles des opposants aux passes sanitaire et vaccinal sont remplies de gens qui nuisent à la cause par leurs expressions et positionnements fantasques ou purement illuminés ainsi que j’en trouve parfois jusque dans mon entourage amical.
 
Les plus navrants sont ceux qui veulent créer des communautés sans chef pour se tenir hors de la politique, comme ils disent, démarche par ailleurs hautement politique qui évoluera inéluctablement en un temps record vers l’émergence de petits chefs auto-proclamés encore pires que ceux qui sévissent dans la collectivité nationale dont ces naïfs prétendent s’extraire en rejouant de manière pathétique la scène hippie des années soixante-dix, époque de leur fossilisation intellectuelle. Même pas sûr qu’ils soient capables de faire de bons fromages de chèvre. À seize ans, c’est mignon ce genre d’illusion mais à soixante, c’est moche et rance comme un catogan de vieux baba.
 
De tels alliés (qui n’iront même pas voter) ne nous aideront pas à sortir le roitelet et ses domestiques. Ce n’est pourtant pas le moment de flancher.