27 octobre 2014
Carnet / Week-end en vrac
Samedi, j’ai goûté pour la première fois de la viande de bison (en pierrade) à l’auberge de la Combe aux bisons au-dessus de La Pesse dans le Haut-Jura.
La Combe aux bisons près de La Pesse (Haut-Jura)
Accueil charmant, jolie salle, cuisine simple et bien préparée. Pour les non carnivores, de savoureuses fondues aux fromages au menu. Après le repas, j’ai allumé un Partagas Corona Senior (eh oui, senior...) sur la grande et agréable terrasse en caillebotis donnant sur la lisière de la forêt d’épicéa. À ne pas manquer pour qui passe dans le coin (belles promenades aux alentours).
Pendant que j’attendais sur un parking au volant de l’auto, vitres ouvertes, le vent a déposé une petite feuille d’érable plane sur mes genoux.
Je l’ai gardée et collée sur la première page de mon nouveau carnet, comme cela, sans raison particulière. C’est ce que je fais sans raisons particulières qui me fait le plus plaisir. Le reste, l’utilitaire, c’est de l’épicerie.
Pour tenter de comprendre un problème, on peut essayer de le mettre en relation avec quelque chose qui n’a apparemment rien à voir avec lui. Il peut ainsi arriver qu’on tire un fil et que le nœud se dénoue.
Cette année 2014, la nature à laquelle je suis habituellement sensible ne m’a pas parlé. Elle m’est restée muette. Il en va parfois de même pour la poésie.
Week-end fini en écoutant cette nuit la troisième symphonie en ut majeur opus 32 de Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov, compositeur qui m’a toujours accompagné depuis mon plus jeune âge. Et puis j’ai une passion pour la musique russe.
Le même soir, un autre Partagas Corona Senior et un alcool sec qui contient peut-être de la prune (et sans doute d’autres choses) Mieux qu’un somnifère en tous cas !
18:44 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, écriture de soi, autobiographie, prairie journal, combe aux bisons, la pesse, jura, haut jura, campagne, montagne, pierrade de bison, fondue au fromage, cigare, partagas coronas senior, havane, cuba, tabac de cuba, rimski-korsakov, blog littéraire de christian cottet-emard, prune, eau de vie, alcool, digestif, week-end, feuille d'automne, feuille d'érable, érable plane, arbre
24 octobre 2014
Carnet / Du bord du monde
Pas d’été et déjà les premières gelées. La deuxième voiture couchant dehors, j’ai dû gratter le pare-brise ce jeudi matin à 6h30. Heureusement que j’ai eu le séjour à Lisbonne en septembre pour me souvenir du bonheur de se promener du matin au soir, jusqu’à tard dans la nuit, en t-shirt (je devrais écrire en maillot).
Devant chez moi, juste avant la tombée de la nuit
Désormais, malgré quelques journées ensoleillées dans ma campagne jurassienne, me voici en veste polaire jusqu’au mois de juin prochain, y compris pendant un rite annuel dont je me passerais bien : ranger le bois de chauffage. Le camion verse dix stères et il faut empiler tout cela, et pas n’importe comment encore ! L’air doit circuler dans la pyramide pour que le bois ne se gorge pas d’humidité. L’autre jour en me promenant, je suis passé près de maisons où les piles de bois de chauffage étaient assemblées au millimètre. Parfois, les jurassiens empilent en produisant des figures géométriques. Les auteurs de ces raffinements sont-ils des esthètes ou des malheureux harcelés par l’ennui ?
Je ne le saurai jamais car je vis dans un autre monde, un monde où les piles de bois sont biscornues, un monde où un après-midi passé à monter ces piles de bois est un après-midi absurde. « Tu dois être content de voir le travail accompli le soir, une fois que tu as fini ! » m’a dit un jour quelqu’un. C’est ça ! Et pourquoi pas la satisfaction du devoir accompli pendant qu’on y est ?
Finalement, je suis content que ma pile de bois soit moche à chaque fois : rien que pour le plaisir d’emmerder ceux qui me font ce genre de réflexion. Ça tient sans risquer de s’effondrer et ça finira dans la cheminée, point final. Tout le reste est littérature et pas la meilleure ! Dans le Jura, s’il y en a qui se prennent pour des trappeurs du Grand Nord ou qui se la jouent écrivains du Montana, ça les regarde ! Moi, je ne suis que ce que je suis, un type qui écrit ce qui lui passe par la tête et qui se chauffe au bois.
J’habite la campagne mais je ne suis pas un homme de la campagne. J’ai habité en ville mais je ne suis pas un homme des villes. Je suis content de savoir que je peux me replier à la campagne quand je m’aventure en ville et je suis tout aussi content de pouvoir m’échapper en ville quand je suis à la campagne. Je ne suis de nulle part. Je ne suis que de l’endroit où je rêve.
Je suis l’homme des bords, des seuils, des lisières, des berges, des rives, des quais, des fenêtres. Lorsque j’ouvre ma fenêtre le matin sur ma campagne, j’ai vécu l’essentiel de ma journée. Ma place dans le monde est là : au bord. Jamais au milieu du monde, jamais au cœur de l’action, jamais au cœur du sujet.
Je suis arrivé sur Terre comme à l’opéra. Je me suis installé pour assister à la représentation et pour écouter la musique. Cette posture n’a rien de triste ou d’affligeant, c’est juste la place qui m’est destinée. Je comprends que cela soit parfois pénible, décourageant pour mes congénères, que cela les dissuade de me connaître plus. Pour la plupart d’entre eux, le bord, le seuil, la rive, la lisière, c’est la marge, et la marge est inconfortable. Même pour moi, ce n’est pas toujours confortable, mais c’est là que je parviens à me tenir à peu près en équilibre, à peu près à l’abri de tristesses et de chagrins déjà vieux qui essaient de s’accrocher, à peu près à l’abri du dégoût, de la désillusion et de l’amertume.
Le bord du monde, le lieu où il n’existe nulle obligation de réussir, pas même une pile de bois de chauffage ! Le lieu où l’on peut enfin se permettre de n’être rien.
01:37 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, journal, écriture de soi, note, autobiographie, prairie journal, jura, lisbonne, portugal, france, christian cottet-emard, campagne, ville, bois de chauffage, pile de bois, hiver, été, blog littéraire de christian cottet-emard, vie quotidienne, fenêtre, seuil, lisière, berge, rive, quais, marge, rêve, mélancolie, chagrin, grand nord, montana
10 septembre 2014
Carnet / Du verre à moitié plein ou à moitié vide
Après le deuxième concerto pour piano de Brahms, couché très tard dans la nuit de lundi soir pour profiter du clair de lune exceptionnel.
Lundi soir chez moi sous les frênes qui perdent déjà leurs feuilles
Les murets de pierres sèches et les grands frênes qui entourent la propriété sont visibles comme en plein jour. Les moins robustes de ces arbres qui n’ont bourgeonné que fin mai cette année ont déjà perdu leurs feuilles en cette étrange fin d’un été sans soleil.
Les autres qui portent bien leur nom de frênes élevés s’en délestent en frôlements qui inquiètent la chatte Linette tout étonnée de me voir dehors avec elle dans son royaume de la nuit d’habitude épaisse et noire mais baignée ces temps-ci d’une clarté laiteuse.
Cette opalescence inhabituelle est due aux lambeaux d’un immense nuage d’orage avorté qui s’effiloche dans le ciel tel un tissu élimé. Le rayonnement de la pleine lune rebondit sur le nuage qui s’éclaire alors comme la corolle d’une fleur géante ou comme une lampe de verre englobant tout le paysage en son halo.
Plus haut et plus loin sur le flanc de la montagne dont on distingue chaque épicéa, quelques éclairs suivis de grondements assourdis envoient encore de faibles flashes dans le ciel mouvant. L’air sent la mousse et la pluie, « un régal d’herbes mouillées » dirais-je par emprunt du beau titre d’un recueil de poèmes d’Anna de Sandre (éditions Les Carnets du Dessert de Lune).
En d’autres temps, je ne songeais qu’à savourer ces moments. Maintenant, je ne pense qu’à les écrire.
L’éternelle histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide...
02:01 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : paysage nocturne, nuit, lune, halo, campagne, frêne, muret, pierre sèche, johannes brahms, concerto piano n°2, daniel barenboim, sir john barbirolli, emi classics, un régal d'herbes mouillées, anna de sandre, les carnets du dessert de lune, blog littéraire de christian cottet-emard, littérature, musique, classique, romantique, romantisme, 19ème siècle, verre à moitié vide, verre à moitié plein, mélancolie, christian cottet-emard, carnet, écriture de soi, journal, note, billet, autobiographie