30 octobre 2021
Le premier jour du premier été
Je sortis du Palais des eaux comme tout le monde.
La différence était le vieux balcon où les petits lézards pouvaient offrir leurs gorges flamboyantes au soleil.
Il surplombait des massifs de roses anciennes aux teintes et aux parfums aujourd’hui perdus qu’une très vieille fée aspergeait de marc de café. La famille s'en offusquait.
Bien plus tard on pouvait croire que j’avais quitté le balcon comme je pouvais aussi moi-même le croire
mais cette illusion, le mirage de la prochaine porte, n’est qu’une des croyances fréquentes en ces contrées incompréhensibles mais pleines de promesses.
Qu’elles ne fussent pas toutes tenues n’importait guère au milieu des roses, sous les regards attentifs de la vieille fée et des lézards.
Extrait de mon recueil Estime-toi heureux. © Éd. Orage-Lagune-Express.
Une rose de chez moi (Photo MCC)
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31 mars 2020
Nouvelle / La déroute des uhlans
Cette fois, la terreur, la désolation, le chaos et la mort étaient à nos portes. On avait signalé les uhlans à quelques encablures. C’était la fin. On ne sortirait plus des ténèbres. On entendait des clameurs, des cris, les galops et les hennissements de leurs chevaux. Le vacarme emplissait la nuit.
Une ombre envahit d’un seul coup le mur en face de moi, un cheval qui se cabrait, et son cavalier avec sa lance. Puis une longue plainte, déchirante, les sanglots, les gémissements de qui a perdu tout espoir et puis, subitement, plus rien. Le silence.
Je me redressai et je vis le château encore debout. De nombreux combattants encombrés de leurs cuirasses gisaient comme des tortues qu’on aurait retournées sur leurs carapaces. Le seul rescapé était le grand cavalier noir.
La longue plainte reprit, plus désespérée, plus lugubre, comme si les voix des victimes des uhlans se joignaient en un choeur funèbre ultime.
Malgré leur férocité, les uhlans n’avaient pas pu venir à bout du cavalier noir qui les avait tous mis en pièces.
J'avais fini par l'obtenir après les devoirs de vacances du jour, l’arrosage du jardin, le balayage des feuilles mortes dans la cour, le rangement de la vaisselle et pas une seule défaillance dans le lavage des mains avant et après le repas (petit déjeuner compris), avant d’aller aux toilettes et avant d’en sortir, moyennant quoi j’avais enfin pu incorporer le cavalier noir en renfort à mon armée de fantassins en plastique.
© Éditions Orage-Lagune-Express
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