21 janvier 2013
Carnet / La crise ? Quelle crise ?
Pendant que les mésanges picorent derrière la fenêtre (c'est aussi la crise pour elles lorsque la neige et le gel recouvrent leur nourriture habituelle), bribes de cette info radoteuse que radio et télé servent en soupe chaque jour réchauffée.
Le mot « crise » revient sans cesse dans cette logorrhée. La crise, quelle crise ? Une crise ça s’annonce, ça commence, ça connaît un pic, ça se calme et ça s’arrête. C’est ce qui se passait lorsque, dans mon enfance, je souffrais de crises d’eczéma. Pour les gens de ma génération qui entendent parler de La Crise depuis le premier choc pétrolier sur les économies occidentales au début des années 1970, c’est-à-dire depuis leur adolescence, il est aujourd’hui logique de poser la question : quelle crise ? En réalité, ce dont on nous rebat les oreilles depuis si longtemps n’est pas une crise mais autre chose que personne ne sait nommer. Alors nous disons la crise, « c’est la crise » , en nous souhaitant le bonjour ou en interrompant un bavardage avec un voisin pour retourner vaquer à nos occupations. Cette chose que le commun des mortels ne sait pas nommer et qu’il appelle « crise » par convention, les savants, les scientifiques, les intellectuels pourraient nous aider à la nommer. Où sont passés les intellectuels qui pourraient nous aider à nommer la crise ? Ils pourraient venir à la radio et à la télévision s’acquitter de cette mission. Mais peut-être n’ont-ils pas envie de se faire interrompre par un animateur ou un présentateur au doigt levé chaque fois qu’ils parlent plus de dix secondes ? Essayer de nommer la crise n’est déjà pas facile, encore faut-il en avoir le temps. De plus, pardon de me risquer à cette vilaine remarque élitiste, encore faut-il que le plateau et le studio soient bien fréquentés. Je me souviens d’une émission de télé au cours de laquelle l’écrivain Salman Rushdie s’est fait grossièrement interrompre puis insulter par un acteur délinquant. Du coup, Salman Rushdie a déclaré à l’époque ne plus vouloir remettre les pieds sur un plateau de télévision en France, ce qu’on peut aisément comprendre. Heureusement, il a fait au moins une exception pour François Busnel et sa Grande librairie. Qu’il essaye aussi chez Frédéric Taddeï (Ce soir ou jamais) ou chez Philippe Lefait (Des mots de minuit). Voilà au moins trois émissions où quelqu’un peut terminer une phrase. Hélas, ces programmes rescapés des derniers fastes du système EPM (*) sont diffusés à des heures tardives pendant lesquelles notre vigilance est inversement proportionnelle à notre désir d’écouter des intellectuels tenter de nommer la crise. Finalement, dans les grands médias, il ne reste ni temps ni espace à accorder à des savants et des intellectuels qui pourraient débattre pour définir cette crise qui n’en est pas une. Alors, comment venir à bout de quelque chose que nous ne savons même pas encore nommer ?
(*) Le système EPM (Et Puis Merde) consiste à diffuser des programmes de haut niveau sans se préoccuper de leur faible audience. Je ne sais plus si quelqu’un se souvient encore de cette dénomination ironique qui avait cours dans les médias il y a une trentaine d’année.
02:20 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, carnet, information, presse, radio, télévision, médias, radotage, intellectuel, savant, salman rushdie, françois busnel, la grande librairie, frédéric taddeï, ce soir ou jamais, philippe lefait, des mots de minuit, blog littéraire de christian cottet-emard, mésange, oiseau, passereau, hiver, neige, gel, froidure, nourriture
27 avril 2012
Tu écris toujours ? (70)
Conseils aux écrivains tentés par la politique
(Cet épisode de Tu écris toujours ? est paru dans le trimestriel le Magazine des livres n°34, février-mars-avril 2012).
Vous savez ce qu’on dit : le journalisme mène à tout à condition d’en sortir. Vous en êtes donc sorti très vite, enchanté par la perspective de ce grand tout qui se révéla finalement peu de chose en raison de votre choix hasardeux au moment de votre reconversion. Le petit jeune que vous étiez préféra la littérature à la politique, ce qui est bien compréhensible, mais le petit vieux que vous êtes en train de devenir se prend parfois à douter voire à regretter, ce qui peut tout aussi bien se comprendre.
Eh bien rassurez-vous, il n’est pas trop tard pour démarrer une carrière d’élu car si la gloire littéraire est une affaire de vieux messieurs, il en va de même de la politique. Certes, devrez-vous renoncer à votre superbe isolement et renouer avec le contact humain qui est une bonne chose à condition de ne pas en abuser. Après ce premier pas franchi, vous devrez retrouver d’anciennes connaissances, vous savez, tous ces gens qui semblaient ne plus vous reconnaître dans la rue, non pas parce que vous aviez changé de visage après une opération de chirurgie esthétique mais à cause de la disparition de votre signature dans les colonnes du Républicain Populaire Libéré du Centre. Attention, une démarche pénible est indispensable à ces retrouvailles : réintégrer la rédaction du Républicain Populaire Libéré du Centre, par la petite porte s’il le faut, même en acceptant de courir la pige locale. Au bout de quelques jours, le réseau social reprendra aussi vite qu’une mayonnaise remontée à l’huile. Les notables et les élus du peuple qui semblaient tous atteints d’une épidémie de myopie au lendemain de votre départ de la presse recouvreront subitement une excellente vue en vous croisant de nouveau au goûter des anciens, aux conseil municipal et aux vœux de la société crématiste Les Feux follets. Miraculeux ! Et je ne vous parle pas de la brochette des directeurs de la communication qui vous dispenseront à nouveau leur onctueuse politesse traduite en ces molles poignées de mains qui firent écrire à un auteur célèbre « Il avait la main froide comme un serpent ».
Ainsi réinvesti au centre de la vie locale, vous prendrez la présidence d’une association, de préférence pas trop active et modérément utile qui ne risquera point de vous distraire de votre vrai but, engloutir une portion ou quelques miettes du gâteau du pouvoir politique. L’idéal est la présidence honoraire qui consiste à jouir du titre sans l’obligation d’exercer le mandat. Dans ce cas, allez-y gaiement, cumulez les présidences honoraires. Après ces petites corvées, vous passerez vite aux choses sérieuses. À ce stade, vous devrez vous montrer attentif à quelques signes tels que des accolades marquées de la part d’élus influents lors d’un vin d’honneur ou de quelque cacahuète partie, ou encore d’ostensibles apartés auxquels vous convieront des personnalités à la fin d’une inauguration ou lors d’un entracte. Quelques mois avant le début d’une élection, un élu populaire vous invitera à un petit-déjeuner au cours duquel vous aurez l’impression de passer un examen. C’est désagréable mais tout de même préférable aux petits-déjeuners auxquels les entreprises, sous prétexte de convivialité et de décontraction au travail, « invitent » leurs collaborateurs terrorisés à grignoter des viennoiseries en se regardant en chiens de faïence pour tenter de détecter les voyageurs au départ du prochain wagon à destination de Pôle Emploi. Ah oui, vous êtes désormais loin de la littérature et vous devrez peut-être envisager de discrètes expéditions chez le libraire et à la maison de la presse pour purger ces points de vente des rares exemplaires encore en rayon de votre dernier roman dans lequel vous brossiez à gros traits quelques portraits satiriques désormais compromettants.
Vous voilà maintenant sur orbite.
Pourquoi n’ai-je quant à moi pas suivi le même chemin ? Parce que je n’ai jamais eu de goût pour la politique. Dès l’enfance, durant les réunions de famille, j’ai constaté comme beaucoup que la politique gâchait le dessert et parfois le repas entier. La politique vaut-elle qu’on avale de travers un gâteau cuisiné avec amour par le maître ou la maîtresse de maison ? Évidemment non, ce qui est d’autant plus vrai que la politique n’existe plus. L’économie l’a remplacée. Ceci dit, pour en revenir à votre tentation de nouveau départ en politique, je peux comprendre qu’en irréductible littéraire que vous êtes, vous soyez séduit par l’idée de vous lancer dans une activité qui n’existe plus.
Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE). Précédents épisodes parus en volume aux éditions Le Pont du Change à Lyon (Un recueil de 96 pages, format 11 x 18 cm. 13 € port compris. ISBN 978-2-9534259-1-8). En vente aux éditions Le Pont du Change, 161 rue Paul Bert, 69003 Lyon. BON DE COMMANDE
01:40 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : magazine des livres, lafont presse, tu écris toujours ?, feuilleton, christian cottet-emard, blog littéraire, conseils aux écrivains, éditions le pont du change, lyon, paris, humour, littérature, presse, chronique, édition, vie littéraire, politique, écrivain, auteur
16 avril 2012
Politique
21:53 Publié dans Dessin | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : million dessinateur, presse, actualité, conseil national de la résistance, politique, égalité, solidarité, justice, école, sécurité sociale, million cartoons





























