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02 mars 2022

Carnet / Mésanges

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Tous les jours en hiver, j’admire les belles couleurs jaune et bleu des mésanges qui viennent se nourrir sur mes bords de fenêtres. Heureusement pour elles, elles ignorent qu’elles viennent d’être enrôlées sous l’uniforme du politiquement correct et de l’indignation sélective qui viennent de trouver une fois de plus l’occasion de dégouliner sur le fil d’actualité du réseau social. Ces mésanges, c'est bien simple, je me demande si je n'en vois pas plus sur Facebook que derrière mes vitres. 
 
Si des civils de tous bords n’étaient pas dans le malheur de cette guerre (dont certains ont l’air d’oublier qu’elle est déjà ancienne), on pourrait une fois de plus ironiser sur les habituels gogos qui s'emballent virtuellement le portrait dans des drapeaux, toujours aussi prompts aux postures offusquées dont l’intensité est inversement proportionnelle à la distance de l’événement. La France est menacée et attaquée chez elle par l’islamisme, snobée par son propre président, fracturée par le passe vaccinal et sa démocratie traitée par-dessus la jambe par l’autorité européenne relayée par un quarteron de technocrates mais dans ce cas, ses couleurs sont moins portées parce que le bleu blanc rouge, ça fait un peu vieux beauf réac aux yeux des ravis du nouveau monde.
 
Manifestement, c’est le cas de le dire, les drapeaux reviennent quand même flotter dans le ciel radieux des bons sentiments progressistes mais voilà, ce sont plutôt des étendards étrangers, bien sûr brandis au nom de la paix, de la solidarité et de la tolérance (à sens unique). Le progressisme bobo français aime bien agiter le drapeau, du moment que ce n’est pas le sien. Aujourd’hui, ce sont les couleurs de l’Ukraine, certes en pleine tragédie, nul ne le conteste ; et voici donc nos innocentes petites mésanges mises à contribution par le camp du bien, transformées en autant de fanions très seyants pour profils Facebook. Ce printemps, le bleu et jaune, très « tendance » feront chics dans les défilés de la bonne conscience bon marché.
 
Pendant ce temps, chez nous, rien à signaler. La campagne électorale ? Le président n’y participe pas. On s’en fiche mais ceux qui veulent voter pour lui ont-ils seulement conscience qu’ils reconduiront au pouvoir quelqu’un qui ne veut même pas leur parler (sauf pour du théâtre amateur mal joué à la télé quand ça lui prend) alors que la campagne électorale est le moment fort où le sortant et les autres candidats s’adressent un peu plus directement que d'habitude à la population ? Mais c’est qu’il a bien mieux à faire : les gros yeux au méchant Russe ! Ce président sait bien que le ridicule ne tue pas, surtout en politique, car son but est d’en finir avec la dramaturgie de l’élection.
 
Cette élection, il veut la rendre insignifiante, à l’image de sa vision de la France et de sa populace de gaulois réfractaires. Tout ce qu’il veut, c’est regarder ailleurs, vers l’Europe de ses rêves (celle de mes cauchemars), et qu’on l’imite pour être aussi dans le camp du bien. Mais ce sera sans ceux qu’il veut emmerder car eux, toujours citoyens de seconde zone à l’heure du « zapping covid », ils ont de la mémoire et elle n’est pas près de flancher, même après l’élection présidentielle car celle-ci sera suivie par les législatives avec à la clé, s’il est encore là, une petite cohabitation de derrière les fagots ; qui sait ?
 

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16 mai 2019

Carnet / Mémoire de piaf ?

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Question : Mais pourquoi ne pas avoir reconnu tout de suite que vous aviez été candidate sur une liste étudiante d’extrême droite ?

Réponse de Nathalie Loiseau : On m’a demandé si j’avais été d’extrême droite, je ne l’ai jamais été. Pour ce qui est de la liste, je ne m’en souvenais pas. Qui se souvient de chaque journée passée il y a trente-cinq ans ?

Voici donc une dame qui fait de la politique, ce qui laisse supposer qu’elle accorde de l’importance à cet engagement, et qui veut nous faire croire qu’elle a oublié cet épisode ? Si c’est vraiment le cas, sa mémoire semble commencer à lui jouer des tours. Pas terrible pour exercer un mandat.

Trente-cinq ans après, on peut certes oublier pas mal de péripéties de la vie courante mais s’inscrire sur une liste électorale, quelle que soit son orientation, n’est pas anodin. C'est quand même autre chose que signer une pétition.

Lors de mon passage dans la presse locale dans les années 80 et même après mon départ au début des années 90, j’ai été approché à mon grand étonnement pour figurer sur des listes. Si j’avais accepté, ce qui ne risquait pas d’arriver, je m’en souviendrais encore parfaitement aujourd’hui en 2019.

Je n’ai pourtant pas une mémoire d’éléphant, excepté pour la rancune, je l’avoue, mais je ne peux pas croire qu’on puisse oublier d’avoir inscrit son nom sur une liste électorale, à moins que cette dame ait une cervelle en rapport avec son patronyme, ce que je ne peux évidemment pas croire non plus.

Voilà qui peut paraître secondaire mais comme on dit, le diable est dans les détails, surtout lorsqu'il s'agit d'accorder un minimum de confiance en politique, ce qui m'est impossible envers cette candidate et bien sûr le parti qu'elle représente.   

 

02 avril 2016

Carnet / De la route qui s’éloigne dans le reflet d'une vitre

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Avant hier, premier pissenlit. Content de le voir. Hier, la maison qui semblait flotter au milieu des frênes dans le silence du brouillard. Mésanges et moineaux perplexes.

Je lis beaucoup de réactions au grand départ de Jim Harrison. J’aime ses poèmes (Une heure de jour en moins, éd. Flammarion) très narratifs, généreux, sinueux, tour à tour fragiles et puissants, capricieux comme le cours des rivières où il traînait ses bottes dans le clapotis des berges froides. Moins concerné par ses romans. Le livre en prose que je préfère est son autobiographie En marge (éd. 10/18). J’avais aussi relevé cette remarque dans sa nouvelle La bête que dieu oublia d’inventer extraite du recueil En route vers l’ouest (éd. 10/18) : « Rien ne tourmente davantage un vieux chnoque que la pensée de la vie non vécue. »

Il est normal que ce constat m’assaille parfois à cinquante-sept ans mais curieusement, j’éprouvais cette angoisse dès mon adolescence. Peut-être étais-je déjà un vieux chnoque à cette époque ? Je suis souvent tenaillé par ce sentiment de vie non vécue.

J’ai certes fait le choix de la sécurité en bien des domaines mais au fond, que signifie une vie vécue ? Un engagement intense dans la société, dans la politique, dans le travail, dans l’humanitaire, au Sou des écoles ? Ce n’est pas dans mon tempérament et de plus, je n’ai aucune des compétences techniques et relationnelles requises pour être efficace dans les tâches que cela implique. Quant à la seule vague compétence dont je peux me hasarder à témoigner en prenant le risque de me faire moquer (écrire), elle court les rues et la société n’en a nul besoin.

Aussi puis-je m’estimer heureux, bien installé, de voir tranquillement s’éloigner, comme dans le reflet d'une vitre de train ou dans le rétroviseur d’une auto silencieuse et confortable, la route et le paysage où je n’ai marqué d’autre empreinte que celle, inutile et fugace, de mon regard distrait.

Photo : Porto, métro (photo CC-E)