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09 février 2015

Carnet / Du voyage nocturne

Je me suis toujours considéré comme quelqu’un qui n’a aucun sens de l’orientation.

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Entre dix-sept et trente ans, les années où j’ai été le plus contraint de me déplacer pour des raisons professionnelles, j’en étais même arrivé à la conclusion que je souffrais de débilité spatiale. En réalité, je me perdais partout où j’allais parce que je n’avais pas envie d’y aller ! J’ai commencé à m’en rendre compte lors de mes séjours à Venise, ville où je me repère assez bien parce que je n’ai aucune urgence à le faire lorsque je m’y promène. Mais s’il est une ville dont l’organisation spatiale s’est très rapidement installée dans mon esprit, c’est bien Lisbonne. Pour oublier la neige, j’y flâne ce soir en rêve éveillé puisque j’ai l’impression de ne plus rêver en dormant. Je dors d’un sommeil léger et fatigant déserté par les grands rêves baroques desquels il m’arrivait d’émerger tout ébloui il y a très longtemps. Ce soir, j’essaie de me conditionner pour une balade en songe à Lisbonne, pourquoi pas dans le grand parc du Principe Real que j’affectionne tout particulièrement ? J’y trouverai bien un banc pour rêvasser au son d’une Gnossienne de Satie (en hommage au grand Aldo Ciccolini tout récemment disparu) extraite de ma discothèque portative, celle que j’ai dans la tête et qui me rend distrait de tout ce qui me fatigue en ce moment d’être français. Sur le soir, je pourrais descendre direction Restauradores puis remonter vers mon magasin de cigares, juste derrière la statue de Pessoa attablé au très touristique café A Brasileira.

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J’aurais d’ailleurs croisé le poète quelques mètres plus bas au milieu des passants car à Lisbonne, il est partout. La dernière ville littéraire d’Europe, j’ai désormais la chance d’y aller quand je veux. Que mon sommeil lent comme un vieil electrico m’y conduise cette nuit !

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Photos © Christian Cottet-Emard, 2014

 

06 février 2015

Carnet / Pour quelques grands arbres

L’enfance du piéton

patiente

dans le grand âge de l’arbre

ai-je écrit juste après quelques pas sous l’un des plus anciens et des plus hauts feuillages du parc. J’arpente ce jardin public depuis que je sais marcher. 

À l’évidence, ces grands arbres me parlent ou quelque chose ou quelqu’un me parle à travers eux. L’enfant resté au bord de la route de Jean Tardieu? Ma propre voix que je comprends si mal ? Pourquoi ne suis-je pas parti ? (puisque toujours résonne en moi le sec constat de René Char, « Écrire : s’exclure » .

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Je les soupçonne, ces arbres, d’être pour quelque chose dans mon enracinement. Ce sont eux les arbres et c’est moi qui ai les racines. Pour moi, ils sont éternels puisqu’ils étaient là avant moi et que leur longévité est bien supérieure à la mienne, même si je vis jusqu’à cent ans, même si certains d’entre eux ne sont pas à l’abri d’un accident (sécheresse, tempête, foudre...), d’une attaque (bûcheron, « paysagiste »...), ou d’une maladie (champignon, insecte xylophage...) autant de péripéties qui pourraient venir contrarier leur destin. Lorsqu'ils disparaissent d’une rue ou d’une place où j’aime faire un détour, j’ai l’impression que la rue et la place s’évanouissent ou qu’elles existent moins, que le paysage a été gommé par la main brouillonne de quelqu’un qui n’arrivera pas à le redessiner.

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Bien sûr, on est parfois obligé, surtout en ville, de remplacer certains arbres trop vieux et malades par d’autres qui joueront à leur tour leur rôle de témoin d’éternité pour celles et ceux qui attachent de l’importance à ces choses-là mais on ne m’ôtera pas de l’idée qu’une vie réussie est celle qui s’est épanouie du début à la fin sous les mêmes arbres. Je crois avoir eu cette chance jusqu’à maintenant et je touche du bois (!) pour que cela continue. 

Il n’est guère de jours où je ne passe sous les vieux platanes noueux qui me voyaient marcher tout gosse le nez en l’air entre l’église Saint-Léger et l’école Jeanne d’Arc, peu de semaines sans une visite aux quatre sapins pectinés de quarante mètres de haut que les siècles ont légué à mes promenades en forêt (même si, du plus colossal du groupe, âgé de 225 ans, avec près de 4 mètres de tour, ne reste que la souche après ce funeste soir de la tempête du 27 décembre 1999), peu de temps, en somme, sans les marronniers des parcs et jardins qui, l’automne, me fournissaient en munitions lorsque dégénéraient les cavalcades et bagarres de sorties de classe. 

Je trouve tout le reste futile. Je mesure le luxe extraordinaire qui m’est donné de pouvoir dire cela et j’en remercie je ne sais qui car je n’ai malheureusement pas la Foi mais je remercie quand même car je n’aime pas l’ingratitude.

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Voilà peut-être pourquoi je ne suis pas parti, pourtant très tôt conscient que mes projets littéraires, conçus dans l’enfance, ne trouveraient pas d’humus plus pauvre, de sol plus aride et de cieux plus indifférents que ceux de ma terne bourgade recroquevillée dans sa nostalgie mortifère de gloires artisanales puis industrielles fugaces au beau milieu d’une immensité de splendeur végétale.

« Écrire : s’exclure » ou plutôt écrire : partir, ce à quoi, m’étant pourtant exclu sans regret, je n’ai pu me résoudre, sans doute pour quelques grands arbres...

Texte paru dans la revue Le Croquant. Droits réservés.

05 février 2015

Verso 159

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Dans ce numéro de la revue littéraire Verso, reprise de notre échange avec Jean-Jacques Nuel sur le thème de ses textes courts.

Verso : adresse et abonnement ici. Prix au numéro : 5,50 €