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07 décembre 2014

Carnet / Des noms et des maisons

À quel métier vous destinez-vous ? demanda un jour de lassitude notre professeur de français en classe de sixième. Écrivain ! répondis-je aussitôt mon tour venu, ce qui sembla susciter une légère surprise dans le regard et l’intonation de voix de l’enseignante.

Pourquoi souhaitais-je devenir écrivain ? La question ne me fut pas posée car la prof se ressaisit de son moment de fatigue, ce qui m’arrangea bien car ma réponse n’eût pas été littérairement correcte. Je voulais choisir ce « métier » pour avoir la paix.

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Photo : chez moi aujourd’hui. 

Je pensais à cette époque que la plupart des écrivains vivaient seuls dans de vieux appartements silencieux ou dans de vénérables demeures nichées aux fond des bois dont ils ne sortaient que pour aller s’engueuler avec leurs collègues sur le plateau de l’émission « Ouvrez les guillemets » , programme de télévision littéraire qui précéda la très célèbre « Apostrophe » , et qu’ils se dépêchaient de rentrer pour passer leur temps à boire du Cognac ou du whisky et fumer des cigares. Je croyais aussi que les écrivains, puisqu’ils étaient des hommes de lettre, n’avaient plus que de lointains rapports avec mes pires ennemis, les chiffres. 

On notera ainsi que mes motivations, fort peu littéraires j’en conviens, étaient cependant vierges de toute velléité de gloriole ou de reconnaissance sociale. En effet, je ne voyais pas plus en ces temps lointains qu’aujourd’hui l’intérêt de rechercher l’estime et la reconnaissance de gens qui ne me sont rien. (Tenter de mériter l’affection de mes proches et de mes amis, c’est déjà pas mal.) J’étais simplement séduit par l’idée de pouvoir gagner ma vie en restant chez moi à noircir des cahiers, bien à l’abri des foules, et ce jusqu’à une retraite bien méritée. Je ne dirais pas que je me trompais sur toute la ligne mais sur le paragraphe entier.

Tout d’abord, je n’avais pas prévu qu’il me faudrait choisir ou plutôt subir un deuxième métier, purement alimentaire celui-là. Ce furent en fait plusieurs autres métiers tous plus subis et alimentaires les uns que les autres. 

Collégien immature à peine ébroué des brumes de l’enfance, je vivais dans l’illusion d’un restant de patrimoine. Personne ne m’avait caché que les entreprises familiales avaient capoté depuis longtemps mais aucune menace ne pesait sur la grande maison de mon enfance, alors pourquoi s’inquiéter ? 

L’esprit sans doute enfiévré de lectures romantiques, le collégien que j’étais avait imaginé un scénario qui tenait debout tout seul et dans lequel il s’arrogeait le beau rôle, celui du futur écrivain qui allait réussir tant bien que mal à pondre quelques livres dont les droits d’auteur s’avéreraient assez substantiels pour conserver la maison d’enfance le moment venu. Persuadé que ce moment fatidique viendrait très tard, dans un avenir totalement abstrait, je me disais, ainsi que le croient tous les jeunes, que j’avais le temps de voir arriver cette époque funeste. 

L’adolescence où s’invite grossièrement le réel me sortit vite ce rêve de la tête mais elle ne fit que l’essorer au lieu de le brûler au feu de l’action, et je traîne maintenant cette nostalgie dégoulinant comme une vieille serpillière, ce remords d’une renaissance manquée, d’une impossible rédemption par le verbe.

À cette idée naïve d’éviter la catastrophe de la vente de la propriété familiale grâce à la rémunération de mon activité littéraire, se superposait une préoccupation voisine concernant l’intégrité de mon nom qui se trouve être un nom composé. À quel moment fut prise, dans ma famille, l’habitude déplaisante d’en escamoter la deuxième moitié, je l’ignore tout autant que les raisons d’une telle mutilation. Désinvolture, pulsions suicidaires inconscientes, dépit ? 

Toujours est-il que l’enfant qui croyait répondre au nom de Christian Cottet finit par réaliser à l’entrée dans l’adolescence qu’il s’appelait Christian Cottet Emard (sans trait d’union) et qu’il était temps de « raccrocher les wagons » , ce que je fis d’autorité au moyen du trait d’union pour bien marquer ma détermination à retrouver l’intégrité de mon patronyme. 

Deux conflits mondiaux et la déroute dans les affaires avaient suffisamment porté atteinte au moral de la famille, et ce n’était pas parce que nous avions dû renoncer à l’aisance financière que nous devions aussi nous laisser amputer d’une moitié de notre nom. Je découvris d’ailleurs en évoquant le sujet auprès de mes proches parents que l’usage de ce nom tronqué leur causa de nombreux désagréments.

Je ne donnerai qu’un exemple. J’évoquais plus haut les deux guerres mondiales mais je dois aussi ajouter celle qui mit si longtemps à dire son nom (décidément) : la guerre d’Algérie où mon père, comme beaucoup d’autres, faillit perdre l’occasion de me concevoir. Lorsque mon père recevait des colis ou des mandats envoyés par ses parents, le vaguemestre lui cherchait des noises : Cottet ou Cottet Emard ?

Dès que je mis en œuvre ma décision de signer de mon nom complet, dès que je passai à l’acte en somme, des dentiers commencèrent à grincer. Au lycée, une enseignante qui connaissait un peu l’histoire de ma famille s’autorisa une réflexion ironique. Elle me soupçonnait de vouloir rouler les mécaniques ! 

Quelques années plus tard, je publiai mon premier recueil de poèmes sous mon nom. Lors d’une fête locale organisée dans la rue par la municipalité communiste (élue à cette époque grâce à l’absence de mobilisation de la droite certaine de remporter les élections), je fus convié à présenter le recueil au public et j’essuyai les sarcasmes d’une autre enseignante (de qui je n’étais pas l’élève) et de son mari, industriel hargneux, tous deux probablement exaspérés par la défaite exceptionnelle de leurs amis politiques. On se défoule comme on peut ! 

Par la suite, lors de mes débuts de rédacteur dans le quotidien local, je fus encore confronté à l’hostilité et à la condescendance de plusieurs enseignantes du collège et du lycée, souvent mariées à des petits patrons locaux, qui connaissaient mon échec scolaire et qui n’admettaient pas qu’un « fumiste » dans mon genre (c’était leur expression) finisse ailleurs que sur les chaînes de montage des usines de leurs maris. La lecture de mon nom (agrémenté de son trait d’union !) dans les pages de leur feuille de chou et dans la vitrine du libraire constituait à l’évidence, pour ces petites bourgeoises arrogantes et dépitées, une provocation supplémentaire. Il n’y avait pourtant pas grand mérite à se retrouver journaleux dans une bourgade racornie dans la nostalgie des trente glorieuses déjà soldées

Tout à la fois étonné et amusé de ces réactions, je compris que ma volonté de reconquérir mon nom ne se limitait pas à un caprice d’adolescent désireux de s’affirmer. Aussi absurde, pathétique et dérisoire que cela puisse paraître, je m’aperçois aujourd’hui que ce que je vois dans ce nom imprimé en haut des couvertures de mes livres (le prénom étant souvent centré en première ligne sur le nom composé en seconde ligne) me fait immanquablement penser à l’ébauche stylisée, ainsi qu’en dessinent les enfants, d’un toit de maison.

© CLJ, 2014 (pour cette version).

 

09 février 2014

Signe de feu et « minguet »

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En attendant la prochaine livraison de six stères, je me dépanne avec du bois entassé par mon défunt père qui avait des coupes affouagères et qui avait accumulé de grandes quantités qu’il n’a pas eu le temps de tronçonner. Il m’a donc fallu, cette semaine, manier la tronçonneuse, moi qui n’utilise jamais d’outils mécaniques dans ma vie quotidienne parce que je n’aime pas ça et parce que je suis extrêmement maladroit.

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 Minguet !

Mon père avait un mot pour cela, minguet. Il se désolait de me voir minguet parce qu’il était surpris, déçu et inquiet à juste titre que je ne sache rien faire de mes dix doigts. C’est même une des nombreuses raisons de notre rendez-vous manqué dans la vie, mon absence d’habileté, ma maladresse à saisir des objets, ma tendance à casser mes jouets, mon indifférence pour les jeux de construction, le mécano, les petits chalets suisses à assembler.

Être minguet en a rajouté dans mes difficultés scolaires à l’école primaire avec des heures de travail manuel qui tournaient au supplice. Une année, nous devions construire une église miniature avec des allumettes et une maquette de planeur en bois de cagette. Avant les vacances, nous avions le droit de récupérer nos travaux pour les emporter chez nous. Je me souviens de ce dernier jour d’école où j’avais envie de dire au maître que je n’avais que faire de ces saletés qui m’avaient coûté tant de vains efforts et de remontrances. À peine rentré chez moi, je me suis isolé dans un coin du jardin et j’ai piétiné le planeur avec une volupté dont je me souviens encore comme si c’était hier. Après, pour continuer de célébrer la liberté qui commençait et qui durait à l’époque jusqu’à la mi-septembre, j’ai foutu le feu à l’église qui a fait une belle flamme parce qu’elle était construite en carton recouvert d’allumettes.

En ces temps lointains, on chantait encore Vive les vacances / plus de pénitences / les cahiers au feu / les maîtres au milieu. Je me rappelle avoir gueulé cette chanson au milieu du potager et dansé la danse du scalp (je jouais beaucoup aux indiens) sur les débris de ces objets absurdes qu’on m’avait contraint de fabriquer. La revanche secrète du minguet !

C’est aussi ce jour-là, pendant ce grand défoulement solitaire, que j’ai senti se former dans mon esprit de gosse ombrageux (sagittaire, signe de feu ! disait de moi la vieille voisine) une des premières images poétiques que je n’avais bien entendu pas encore l’âge d’identifier comme telle mais qui est restée gravée en moi :  la flamme de la colère qui s’épanouit comme la corolle d’une fleur dépliée par le vent sec de cette veille de vacances !

Et me voici aujourd’hui encore en train de brûler du bois que j’ai tronçonné cette semaine en poussant des jurons dont on a dû profiter à l’autre bout du village. Excuse-moi papa, mais ça soulage tellement !

Les Variations symphoniques (extrait)

© Éditions Orage-lagune-Express, 2013. Droits réservés.

Photo 2 : Linette joue la mouche du coche.

12 décembre 2013

Boulevard de l'enfance

 

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Cette dégradation du lieu longtemps considéré comme un beau quartier où il faisait bon vivre me console de n’avoir pas pu reprendre la maison qui abrita une partie de ma famille depuis le début du vingtième siècle. Je peux certes me réjouir de n’avoir pas perdu la maison de famille où je vis aujourd’hui dans le Jura mais cela ne m’empêche pas d’avoir les tripes tordues et les jambes qui se dérobent lorsque je m’approche d’un peu trop près du portail de la maison du boulevard. Jusqu’à mon adolescence et même encore plus tard, le monde se limita pour moi à cette propriété et à ce quartier. J’en évoque la terrible perte dans ce texte et indirectement dans cet autre.

Pour moi-même et les autres enfants qui vivions dans cet univers protégé qu’était le boulevard, la mitoyenneté permettait de circuler sans risque d’un jardin à l’autre. Peu de voisins y trouvaient à redire et cette mitoyenneté qui tourne aujourd’hui au cauchemar pour beaucoup de monde se vivait d’autant plus harmonieusement que les propriétés étaient toutes vastes. Comme les autres enfants, je connaissais tous les passages à emprunter lorsque l’idée me prenait d’escalader un muret, une grille ou des haies de buis pour quelques escapades dans les parcs et les jardins des voisins. La plupart d’entre eux me connaissaient et sur mon itinéraire, le même que celui emprunté par les chats, je faisais souvent halte chez une vieille dame qui me donnait des nougats. Son mari s’était suicidé avec son pistolet personnel parce que ses affaires marchaient mal et depuis ce jour funeste, elle habitait seule dans sa grande maison donnant sur les ateliers de la petite entreprise familiale ainsi qu’étaient constituées presque toutes les propriétés du boulevard, y compris celle de ma famille où l’on s’occupait de peigne et d’ornements de coiffure puis d’injection et enfin de confection de maroquinerie en plastique.

Après les massifs et les haies de buis de la vieille dame, on venait aisément à bout d’un mur recouvert de tuiles rouges pour accéder au parc d’une haute demeure où vivait un homme surnommé « Gueule en or » parce qu’il s’était fait implanter des dents en or dans dans toute la mâchoire. Très colérique, Gueule en or proférait d’innombrables jurons dès qu’il avait une contrariété, notamment lorsqu’il entretenait sa pelouse et ses arbres fruitiers. Cela pouvait durer dix ou quinze minutes d’affilée si bien que dès que le festival commençait, mon arrière-grand-mère m’ordonnait de rentrer si elle me voyait circuler dans les parages. Dès qu’elle avait le dos tourné, je sortais sur le balcon de la chambre où j’étais momentanément consigné afin de pouvoir, depuis ce poste d’observation idéal, me régaler de la prodigieuse variété du vocabulaire ordurier de Gueule en or. Une fois l’orage dissipé, mon arrière-grand-mère me rendait ma liberté.

La traversée du parc de Gueule en or effectuée au pas de course, il fallait encore franchir quatre ou cinq autres propriétés avant d’arriver chez mon camarade d’enfance qui se déplaçait en fauteuil roulant parce qu’il était myopathe. Sa maison était aussi dotée d’un parc où trois grands cèdres débordaient sur la voie ferrée qui longeait toutes les demeures du boulevard. L’un de nos jeux préférés consistait à disposer le fauteuil roulant en haut d’une petite côte que nous dévalions le plus vite possible en poussant des cris d’indiens, mon camarade assis et moi debout sur les marchepieds. À l’arrivée, je devais soulever mon camarade afin de l’installer à nouveau dans son fauteuil car nous en avions bien sûr été brutalement éjectés. Pour nous reposer de cet exercice, nous nous préparions à assister à l’attraction du quartier. Mon camarade avait un gros chat blanc nommé Flocon. Tous les jours à la même heure, Flocon apparaissait sur le bord de la fenêtre et, après avoir soigneusement pesé le pour et le contre, s’élançait dans le vide depuis le premier étage pour se réceptionner sur un gros massif de buis taillé. Avec mon camarade, nous allions aussi fouiner dans les entrepôts de la fabrique de boutons de son père, située juste à côté de la maison, pour faucher les boules de résines multicolores destinées à être coupées en rondelles prêtes à garnir les vêtements.

Parfois, mon camarade recevait d’autres enfants avec qui je n’avais guère d’atomes crochus. Un jour sinistre, à cause d’une bête partie de monopoly à laquelle je refusai de participer en raison de mon absence de goût pour les jeux de société, je choisis de m’éclipser. Dans l’escalier, j’entendis la voix de la mère de mon camarade me réprimander pour mon impolitesse. Aujourd’hui encore, je déplore cette disposition particulière de mon caractère qui me conduisit à ne jamais remettre les pieds chez lui à la suite de cet incident. Nous nous revîmes une dernière fois dans nos vingt ans lorsque, par un hasard extraordinaire, nous nous retrouvâmes face à face quelques instants dans la même chambre d’hôpital, moi pour un bobo, lui pour la phase finale de sa maladie.

Histoire de revenir aux années d’enfance dans ce quartier du boulevard, je voudrais encore mentionner une des rares propriétés dont j’évitais de traverser le parc. Il s’agissait d’une belle demeure habitée par un libraire. Enfant, je fus longtemps aussi intrigué par cet homme routinier que par sa maison dont les contours, côté rue, semblaient s’estomper à travers le feuillage d’un énorme saule pleureur qui existe encore aujourd’hui. Côté parc, la bâtisse était agrémentée d’une belle terrasse reliée aux allées de gravier par un imposant escalier de pierre. Chaque jour, je voyais le libraire manœuvrer sa Renault 16 pour entrer et sortir de son garage. Jamais je ne l’ai vu ouvrir le grand portail donnant sur la rue. Sans doute accédait-il directement à sa résidence par une porte du garage. Parfois, je voyais sa haute et maigre silhouette s’attarder sous le saule pleureur qui n’était jamais taillé. L’arbre inquiétant semblait absorber l’homme comme sa maison. Lorsque je passais à sa hauteur, je saluais le libraire. Il répondait le moins possible. Il était toujours vêtu d’un costume sombre dont la veste était boutonnée sur un gilet bordeaux et une chemise à rayures fines au col fermé par une mince cravate noire. Un imperméable vaguement gris recouvrait le tout tandis qu’un petit chapeau aux bords étroits complétait le tableau. Le gamin que j’étais trouvait un certain prestige à cet homme austère et distant. Il était pour moi un homme du livre, je trouvais qu’il ressemblait plus à un écrivain qu’à un libraire. Inconsciemment, je confondais les deux métiers. Je savais pourtant bien que ces deux activités étaient différentes. En fait, c’était la fiction qui était déjà à l’œuvre dans mon esprit. Je me faisais un roman de ce libraire et de sa maison. Sa vie réglée, sa R16, son saule pleureur géant, ses costumes impeccables et désuets, sa morne silhouette dans le clair-obscur des lampadaires, sa petite librairie en centre ville, tout cela m’impressionnait.

De nombreuses années plus tard, lorsque je publiai à vingt ans mon premier recueil de poèmes intitulé Demi-songes chez feu José Millas-Martin à sa douteuse enseigne des Paragraphes Littéraires de Paris, une mésaventure liée à mon jeune âge et à mon ignorance des usages de l’édition que je raconte en détails dans ce texte, le libraire du boulevard exerçait encore dans sa boutique du centre ville. Ayant très vite mais trop tard compris que j’allais devoir diffuser et distribuer le recueil moi-même, j’entrai dans le magasin pour demander au libraire s’il acceptait de prendre en dépôt quelques exemplaires. Lorsque je lui expliquai qu’il s’agissait de poésie, il soupira et m’invita à prendre la porte. Derrière ses lunettes mal nettoyées, j’avais quand même eu le temps de lire dans son regard le mépris et l’amertume de l’homme qui hait la jeunesse parce que la sienne s’est envolée depuis longtemps. En entrant dans cette librairie poussiéreuse et jaunâtre avec mes Demi-songes sous le bras, je croyais trouver en la personne du maître des lieux le personnage de roman que mon imagination d’enfant avait créé de toutes pièces. En sortant, je laissai derrière mois un être banal, un vieil homme las et hostile. Aujourd’hui, lorsque je cède encore à la tentation mortifère de m’aventurer quelques instants sur le boulevard pour jeter un coup d’œil du côté de la maison perdue, je longe la demeure du libraire, vendue elle aussi, mais où le saule pleureur étend toujours ses immenses ramures.

© Éditions Orage-lagune-Express, 2013. Droits réservés.