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03 janvier 2022

Carnet / Des vœux et des veaux.

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Le gouvernement ne vous offre que des craintes. Vous seul pouvez vous offrir la paix.
 
- Jim Harrison -
 
Moi qui ne risque pas de m’abreuver à la fontaine de pisse d’âne de la pensée positive parce que mon caractère soi-disant négatif me préserve d’une telle déchéance, je n’en commence pas moins l’année en déclarant que j’ai passé un Noël et un jour de l’an excellents et cela malgré l’acharnement des véreux, défraîchis, micron et autres à pourrir ces fêtes dont aucun malfaisant de cette meute lugubre ne réussira à priver les familles qui vivent dans une bonne ambiance.
 
C’est justement parce que j’ai (et j’ai toujours eu depuis mon enfance) la chance et le luxe d’avoir une bonne famille que je passe de bonnes fêtes traditionnelles.
 
Je cite souvent cette remarque du compositeur Gustav Mahler qui m’a plongé en ma jeunesse dans des abîmes de perplexité (« Tradition = désordre »). Voilà un trait qu’il n’appliquait peut-être qu’à ses conceptions musicales, encore que dans d’autres domaines, de mauvaises traditions puissent être considérées comme des désordres, je pense en particulier à la corrida, aux combats de coqs ou de chiens et même à certains sports encore plus répugnants que les autres comme la boxe ou une grande partie de la danse contemporaine.
 
À l’évidence, Noël et le jour de l’an déplaisent à nos gouvernants depuis longtemps avant la pandémie parce que ces fêtes sont des traditions familiales et nationales, de bonnes traditions. Or, nos gouvernants n’aiment ni la famille ni la nation ni la tradition parce que ces piliers de ce qu’ils appellent l’ancien monde (d’une même voix que leurs faux adversaires adeptes de ce fatras morbide résumé sous le terme de Wokisme) font de l’ombre à leur nouveau chantier, celui d’une immense caserne aseptisée qui tiendrait à la fois de la termitière et de la tour de Babel. Alors, Noël là-dedans, ça les défrise mais ils devront s’y faire : Noël, ils n’en viendront jamais à bout, même si on doit aller le fêter en Pologne ou en Hongrie parce qu’on finira peut-être par risquer quelque chose à le fêter chez nous (allez savoir) le jour où le drapeau européen couvrira comme un linceul ou pire encore comme un voile notre pauvre pays désuni, endormi et pour l’instant soumis à un délire sani-sécuritaire dont les profiteurs technocrates, en plus, se trompent de guerre (on ne fait pas la guerre à un virus, on essaie d’en gérer les dommages et non de s’en servir comme prétexte pour attenter aux libertés fondamentales). La guerre cela se mène contre un ennemi humain et là, il devrait normalement être difficile de nous expliquer que tous les moyens de contrôle et de coercition qui ont été mobilisés contre le peuple, vacciné ou non, n’ont pas pu être mis en œuvre contre le terrorisme et son terreau (chacun sait de quel terreau et de quel terrorisme je parle).
 
Si je commençais ce billet en me réjouissant d’avoir passé un bon Noël et un bon jour de l’an, ce n’est pas par excès d’optimisme mais pour signifier aux nocifs qui se croient bergers parce qu’ils prennent les gens pour des veaux qu’ils auront beau faire, ils ne pourront jamais réduire comme ils le voudraient si ardemment ce qui fonde l’Occident civilisé: la vie privée, le cercle privé, l’individu unique et irremplaçable, absolument et définitivement réfractaire à l’oppression du collectif.
 
Chaque fois que la vie m’a imposé des épreuves dont la plupart ont trouvé leur source empoisonnée dans la pression sociale, c’est toujours le refuge dans le cercle privé qui m’a sauvé et m’a permis de reprendre des forces physiques et surtout morales. Ainsi en est-il et en sera-t-il toujours ainsi, y compris bien sûr dans le contexte politique actuel si oppressif, si intrusif, et qui n’annonce rien de bon pour l’instant, du moins jusqu’à l’interdiction ou à l’obligation de trop, celle (l’une ou l’autre) qui fera sauter le bouchon de la marmite ou mieux encore la fera exploser, ce que j’appelle de mes « vœux » , au point où on en est.
 

27 décembre 2021

Carnet / La crèche qui voyage dans le temps

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Pour moi, comme lorsque j’étais enfant, Noël c’est non seulement toute la période de l’Avent mais encore tous les jours jusqu’à l’Épiphanie. Voici donc encore une crèche, spécialement dédiée à tous ceux qui voudraient les voir disparaître de notre culture, de notre tradition et de notre imaginaire.

Celle-ci en est une très ancienne (pas facile à photographier, désolé pour la mauvaise qualité de mes photos) qui a accompagné des générations de ma famille.

Quand j’étais tout petit, j’en inspectais les détails chez ma grand-mère maternelle qui la tenait de ses parents et sans doute de ses grands-parents. Son long voyage dans le temps ne lui a pas épargné quelques incidents. Des chapeaux ont disparu et un chevreau a posé une patte sur le petit Jésus ! Un ou deux dépoussiérages maladroits n’ont pas eu que d’heureux effets mais les couleurs certes passées des étoffes et des décors donnent encore une idée de son apparence d’origine. Les petites fraises des bois ont gardé leur rouge vif parmi les décors floraux.

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Cette crèche est de sortie chez moi tous mes Noëls, bien en vue quand vient l’heure. Il faut s’approcher tout près pour en découvrir toutes les subtilités mais il est impossible de l’éclairer en permanence, sauf peut-être avec un dispositif de lumière froide, car les personnages sont en cire. Pour la montrer à mon petit-fils, j’utilise une lampe de poche, comme lors d’une exploration dans les paysages du monde ancien mais toujours renaissant. Notre monde, celui de la transmission que personne ne pourra empêcher.

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22 décembre 2021

Carnet / Du premier jour de l’hiver et du Docteur Jivago

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Derrière chez moi mardi matin (photo Marie-Christine Caredda)

 
Le brouillard givrant, les nuits glaciales et les matins ensoleillés enveloppent la maison dans une de ces cartes de Noël dont je croyais, enfant, les dessins de paysages naïfs saupoudrés de sucre.
 
Le soir, tout ce scintillement évoquerait des scènes du film Le docteur Jivago réalisé par David Lean d’après le fameux roman de Boris Pasternak mais heureusement sans la plainte des meutes de loups. Si l’un de ceux qui circulent dans la région vient à traîner dans les parages, j’espère que la lumière de mes guirlandes de Noël multicolores dans les arbustes de lilas l’éloignera car je n’ai pas le courage de Youri, l’humaniste docteur Jivago (Omar Sharif), qui les fait détaler d’un geste, en écartant les bras, depuis le seuil de la maison prise dans les glaces où il s’est réfugié avec Lara (Julie Christie).

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Près de ma maison, mardi matin (photo Marie-Christine Caredda)

 
Le hasard de la programmation à la télévision m’a fait revoir deux jours avant le début de cet hiver, une fois de plus (je ne les compte plus) ce film culte de la jeunesse de mes parents. Moi-même, je ne m’en lasse pas.
 
Tous les spectateurs qui en ont fait et en font encore l’immense succès populaire s’identifient à l’histoire intime de Youri et de Lara entraînés malgré eux et broyés dans la fureur absurde de l’Histoire collective parce que tout individu a conscience de ce qu’il pèse, rien, quand déferle la folie des foules manipulées et fanatisées, quand des tyrannies succèdent à d'autres. Il s’agit là d’un classique ressort romanesque qui ne masque en rien l’intensité et l’épaisseur des personnages dits secondaires.
 
L’un de mes personnages préférés est le général Yevgraf Jivago (Alec Guinness), demi-frère de Youri qui intervient comme narrateur. Son évolution durant les différentes périodes auxquelles se réfère l’action du film montre un homme qu’on pourrait réduire à une certaine froideur mêlée d’un opportunisme et d’une lucidité pouvant expliquer son engagement social et militaire qui n’est sans doute qu’une forme d’adaptation au chaos. Il révèle en réalité une personnalité complexe, notamment dans ses tentatives pour aider son demi-frère si différent de lui, en particulier dans sa nature de poète.
 
Le recueil de poèmes publié par Youri constitue un des fils narratifs de l’histoire. Yevgraf qui a tout compris de son époque sait que ce livre met son demi-frère en danger parce que les poèmes qu’il contient sont jugés individualistes et bourgeois par les nouveaux maîtres du pays. Derrière sa façade impersonnelle de militaire rigide qui lui a permis de s’adapter à la dureté et aux périls de la nouvelle société en devenant général, Yevgraf cache un certain étonnement mêlé de fascination pour la poésie en laquelle il discerne l’origine de la force morale de Youri. Lorsqu’on le retrouve près d’aboutir dans son enquête pour retrouver sa nièce, la fille de Youri et de Lara tous deux disparus, les quelques mots qu’il prononce en présence de celle qu’il suppose être sa nièce à la fin du film dévoilent enfin la part d’humanisme qu’il partage avec son demi-frère.
 
C’est un instrument de musique qui permet de dérouler le fil narratif de cet épisode et de refermer le cercle de l’histoire en remontant au début, lorsque Youri petit enfant perd sa mère qui lui lègue la balalaïka dont elle jouait avec talent. À la fin, après son entretien avec celle qu’il estime être sa nièce, Yevgraf remarque qu’elle en porte une en bandoulière alors qu’elle prend congé en compagnie de son partenaire. Yevgraf les hèle une dernière fois en demandant au jeune homme si sa compagne sait bien jouer de la balalaïka. Le jeune homme répond par l’affirmative avec enthousiasme. « Alors, c’est un don... » , admet le général Yevgraf Jivago dont la raide silhouette sanglée dans son uniforme trahit pourtant d’un léger fléchissement un bref instant de trouble admiratif.