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22 décembre 2021

Carnet / Du premier jour de l’hiver et du Docteur Jivago

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Derrière chez moi mardi matin (photo Marie-Christine Caredda)

 
Le brouillard givrant, les nuits glaciales et les matins ensoleillés enveloppent la maison dans une de ces cartes de Noël dont je croyais, enfant, les dessins de paysages naïfs saupoudrés de sucre.
 
Le soir, tout ce scintillement évoquerait des scènes du film Le docteur Jivago réalisé par David Lean d’après le fameux roman de Boris Pasternak mais heureusement sans la plainte des meutes de loups. Si l’un de ceux qui circulent dans la région vient à traîner dans les parages, j’espère que la lumière de mes guirlandes de Noël multicolores dans les arbustes de lilas l’éloignera car je n’ai pas le courage de Youri, l’humaniste docteur Jivago (Omar Sharif), qui les fait détaler d’un geste, en écartant les bras, depuis le seuil de la maison prise dans les glaces où il s’est réfugié avec Lara (Julie Christie).

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Près de ma maison, mardi matin (photo Marie-Christine Caredda)

 
Le hasard de la programmation à la télévision m’a fait revoir deux jours avant le début de cet hiver, une fois de plus (je ne les compte plus) ce film culte de la jeunesse de mes parents. Moi-même, je ne m’en lasse pas.
 
Tous les spectateurs qui en ont fait et en font encore l’immense succès populaire s’identifient à l’histoire intime de Youri et de Lara entraînés malgré eux et broyés dans la fureur absurde de l’Histoire collective parce que tout individu a conscience de ce qu’il pèse, rien, quand déferle la folie des foules manipulées et fanatisées, quand des tyrannies succèdent à d'autres. Il s’agit là d’un classique ressort romanesque qui ne masque en rien l’intensité et l’épaisseur des personnages dits secondaires.
 
L’un de mes personnages préférés est le général Yevgraf Jivago (Alec Guinness), demi-frère de Youri qui intervient comme narrateur. Son évolution durant les différentes périodes auxquelles se réfère l’action du film montre un homme qu’on pourrait réduire à une certaine froideur mêlée d’un opportunisme et d’une lucidité pouvant expliquer son engagement social et militaire qui n’est sans doute qu’une forme d’adaptation au chaos. Il révèle en réalité une personnalité complexe, notamment dans ses tentatives pour aider son demi-frère si différent de lui, en particulier dans sa nature de poète.
 
Le recueil de poèmes publié par Youri constitue un des fils narratifs de l’histoire. Yevgraf qui a tout compris de son époque sait que ce livre met son demi-frère en danger parce que les poèmes qu’il contient sont jugés individualistes et bourgeois par les nouveaux maîtres du pays. Derrière sa façade impersonnelle de militaire rigide qui lui a permis de s’adapter à la dureté et aux périls de la nouvelle société en devenant général, Yevgraf cache un certain étonnement mêlé de fascination pour la poésie en laquelle il discerne l’origine de la force morale de Youri. Lorsqu’on le retrouve près d’aboutir dans son enquête pour retrouver sa nièce, la fille de Youri et de Lara tous deux disparus, les quelques mots qu’il prononce en présence de celle qu’il suppose être sa nièce à la fin du film dévoilent enfin la part d’humanisme qu’il partage avec son demi-frère.
 
C’est un instrument de musique qui permet de dérouler le fil narratif de cet épisode et de refermer le cercle de l’histoire en remontant au début, lorsque Youri petit enfant perd sa mère qui lui lègue la balalaïka dont elle jouait avec talent. À la fin, après son entretien avec celle qu’il estime être sa nièce, Yevgraf remarque qu’elle en porte une en bandoulière alors qu’elle prend congé en compagnie de son partenaire. Yevgraf les hèle une dernière fois en demandant au jeune homme si sa compagne sait bien jouer de la balalaïka. Le jeune homme répond par l’affirmative avec enthousiasme. « Alors, c’est un don... » , admet le général Yevgraf Jivago dont la raide silhouette sanglée dans son uniforme trahit pourtant d’un léger fléchissement un bref instant de trouble admiratif.
 

17 décembre 2021

Carnet /

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Cauchemar du consentement

Au péage d’autoroute l’autre jour, cet autocollant un peu déchiré plaqué contre la caisse automatique : 

« Votre obéissance prolonge ce cauchemar » .

Et à propos de ce cauchemar, voir ceci. https://www.pasnosenfants.fr/#


 
Homme des bois

Me voilà une fois de plus transformé en homme des bois pour quelques jours (rangement des stères livrés). Cette fois-ci, dans la neige, cela n’a même pas l’avantage de m’inspirer un deuxième tome de mes Poèmes du bois de chauffage !

 

Il est gentil !

Toujours à empiler mes bûches, un aboiement sourd du côté du chemin juste derrière la maison. Le ton n’évoque pas un caniche et c’est bien sûr un gros gabarit qui vient aussitôt manifestement agité vers moi. J’entends à ce moment un bref appel de la propriétaire du clébard à qui j’intime de rappeler son chien, un genre de patou comme je les aime de très loin (mais peut-être d’une autre race, je n’y connais rien, en tous cas aussi imposant). Je sais à peu près de quelle façon me comporter dans cette situation pour éviter d’énerver le bestiau mais dans ces moments-là, hélas de plus en plus fréquents, je regrette de ne pas avoir dans ma poche le Macarov de mon personnage de roman, l’enseigne de vaisseau Mhorn. À travers la haie, la propriétaire du monstre bafouille quelques excuses. Au moins m’a-t-elle épargné la parole rituelle « Il est gentil ! » qui donne justement à celui qui se fait fébrilement renifler par un clone du chien des Baskerville l’envie de montrer les dents.

 

15 décembre 2021

Carnet / Réponse à mes amis et connaissances qui me demandent si « j’ai viré catho » !

Même sans avoir la foi et peu préoccupé de pratique religieuse (je me considère comme agnostique), je travaille depuis plusieurs années sur des poèmes d’inspiration chrétienne dont il m’arrive de publier des extraits en revue ou sur le web dans les périodes de la Toussaint, de l’Avent, de Noël, de l'Epiphanie, des Rameaux et de Pâques. Ces poèmes que je qualifierais de variations personnelles sur le thème du sentiment religieux chrétien devraient s’inscrire, si je persiste dans ce projet, dans un ensemble qui traite généralement de l’Occident, un sujet certes très vaste et sans doute un peu trop ambitieux pour moi mais d’une importance cruciale dans ma vie, surtout dans le contexte actuel.

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Désolé de ne pouvoir créditer cette photo de moi en aube, je ne me souviens plus du nom du studio...

Les rares amis et connaissances qui lisent parfois ces fragments me demandent si « j’ai viré catho » pour reprendre leur expression ! Je leur réponds que même si ma vie n’est pas totalement gouvernée par l’Église Catholique Romaine, je n’ai jamais eu le désir de rompre avec ma culture chrétienne dans laquelle je me sens très bien, chez moi pourrais-je dire.

 

J’aimerais avoir la foi mais rien dans mon caractère sceptique, méfiant, individualiste et désengagé ne m’y prédispose. Je le regrette souvent car j’observe que dans les épreuves, notamment dans la lutte contre la maladie, les croyants sincères s’en sortent mieux. Je constate aussi qu’ils peuvent être moins sujets à la dépression et au désespoir existentiel, ce qui est tout à fait logique.

 

À l’inverse de beaucoup de gens de ma génération et de la précédente, je n’eus jamais de comptes à régler avec mon éducation religieuse qui fut basique et très libérale. Le jour où mes parents devinèrent que je m’étais soustrait au catéchisme grâce à un stratagème consistant à jouer sur mon inscription simultanée dans deux paroisses pour n’être présent dans aucune, je ne fus pas sanctionné. J’en profitai pour leur demander pourquoi ils m’avaient fait baptiser à la naissance. Ils me répondirent que cela ne pouvait pas me faire de mal et que par la suite, je serai de toute façon libre de croire et de pratiquer ou non. Quant à ma volonté d’échapper au catéchisme, elle n’exprimait pas d’hostilité de ma part à l’encontre de l’enseignement de la culture chrétienne mais mon refus d’être contraint, après les jours d’école qui m’étaient un supplice, de faire ce que je considérais comme des heures supplémentaires. 

 

Ma Confirmation et ma Communion Solennelle donnèrent lieu à de grandes réjouissances familiales et à des cadeaux parmi lesquels un splendide magnétophone à cassettes Bel & Owell qui ne me servit pas à grand-chose mais que je rêvais de posséder depuis longtemps. Je reçus aussi des parures de stylos dont certains me servirent  à écrire mes premières histoires. À la fin de ces repas de fêtes, il m’arriva plusieurs fois de siffler les fonds de verres de vin des adultes et de faucher un mégot de cigarette pour aller le fumer en cachette au jardin où je demeurais un moment pompette avant de retourner à table où personne ne remarquait ces incartades en raison des discussions d’après dessert qui se prolongeaient jusqu’en début de soirée.

 

La seule à me surprendre une fois dans ce tabagisme précoce fut mon arrière-grand-mère Clotilde qui m’ordonna en fronçant les sourcils de lui souffler mon haleine à la figure. Elle me sermonna discrètement mais ne dit rien pour les fonds de verre. Il faut dire qu’en hiver, lorsque je montais la voir à l’étage qu’elle occupait dans la maison, au-dessus de chez mes grands-parents, elle n’hésitait pas à me servir un demi-verre de vin chaud bien sucré accompagné d’une assiette de gaudes pour me réchauffer. De l’enfance à la fin de mon adolescence, j’eus la grande chance et l’immense bonheur de connaître mon arrière-grand-mère (née en 1882), son fils mon grand-père Charles et mes grands-mères paternelle et maternelle Yvonne et Marie-Rose.     

 

Enfant, j’accompagnais mes parents à la messe mais pas tous les dimanches, surtout à l’occasion des grandes fêtes. Il pouvait m’arriver d’y trouver le temps long mais le plus souvent, les couleurs et les scènes des vitraux suscitaient en mon esprit d’agréables rêveries. De plus, j’étais déjà sensible à la musique d’orgue et aux chants. Avant de quitter l’église, j’avais parfois droit à l’un des magazines pour la jeunesse exposés librement à l’entrée et qu’on réglait de quelques pièces dans un tronc. Il ne serait évidemment venu à l’idée de personne de ne pas les payer. À la sortie de la messe de Pâques, sous le porche de l’église Saint-Léger d’Oyonnax, mes parents achetaient des sachets d’œufs en chocolat praliné vendus au profit de la paroisse. Ils étaient si beaux et si délicieux que j’en ai encore le goût sur la langue.

 

Je donne tous ces détails autobiographiques sans grand intérêt pour autrui afin de montrer que dans ma famille, je n’eus jamais à souffrir de la moindre pression religieuse. Je peux même affirmer que l’ambiance discrètement chrétienne dans laquelle je baignais fut toujours plus ou moins pour moi associée à la fête. Les prêtres qui vinrent partager notre table à la maison m’ont tous laissé le souvenir d’hommes sympathiques et bienveillants. Le seul désagrément dont je me rappelle avait à voir avec un abbé qui me recevait en confession lorsque j’étais à l’école primaire, un homme débonnaire affligé d’une haleine qui sentait la banane, ce qui m’obligeait à retenir ma respiration quand il m’informait du divin pardon au moment même où je commettais un nouveau péché : n’ayant pas grand-chose à lui avouer, j’étais obligé de lui mentir en inventant quelques bêtises à lui confesser !

 

J’ai un rapport essentiellement culturel à la religion chrétienne, donc plutôt distancié. Cependant, de nos jours où l’autre religion dont plus personne ne peut ignorer la menace mortelle qu’elle fait peser sur la liberté de penser, la démocratie et le mode de vie occidental affiche sans cesse, partout et de toutes les manières son arrogance belliqueuse, je ne peux que me rapprocher des catholiques. Ma sympathie pour le christianisme tient aussi au fait que contrairement aux autres religions, il accepte, certes tant bien que mal et parfois contre son gré, de se questionner face aux évolutions du monde moderne, ce qui, tout en risquant de l’affaiblir en apparence, ne peut à terme que le renforcer et lui permettre de garder voire d’augmenter son rayonnement dans un rapport équilibré et pacifié avec la culture progressiste dont il est le socle.

  

Pour toutes ces raisons, quand j’aurai quitté ce monde, j’espère avoir des funérailles religieuses dans une église que je connais (de préférence Saint-Michel de Nantua, Saint-Léger d’Oyonnax ou l'église de mon village). J’essaierai autant que possible de tout organiser de mon vivant (musique, textes liturgiques, financement et sépulture) pour ne pas ennuyer mes proches. Sauf à tomber sur un curé borné (il en existe) refusant la cérémonie chrétienne à une âme laïque, mon vœu principal serait surtout d’avoir l’encens et la croix sur le cercueil et une tombe avec mon nom et mes dates ainsi qu’il en est pour tous les miens et pour mes plus anciens aïeux depuis des générations.