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28 janvier 2016

Carnet / De la logique, de l’orgue, du vent et de la tentation d’exil

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Une amie au téléphone : « pourquoi une telle passion pour l’orgue ? »carnet,note,journal,autobiographie,écriture de soi,prairie journal,orgue,vent,logique,christian cottet-emard,nantua,ain,rhône-alpes,france,europe,blog littéraire de christian cottet-emard,nicolas antoine lété,facteur d'orgue,louis vierne,berceuse,joseph de bassompierre,groissiat,haut-bugey,abbatiale saint michel de nantua,site clunisien,campagne,forêt,vosges,mirecourt,organiste,philippe lefebvre,robert schumann,six fugues sur le nom de bach,musique,lisbonne,portugal Je n’ai pas su répondre avec précision mais en y réfléchissant un peu plus tard, je crois que la réponse est dans un souvenir.

Dans mon jeune âge, je venais de découvrir l’orgue de Nantua et j’avais fait la connaissance de son titulaire de l’époque, Joseph de Bassompierre. Après l’avoir écouté en répétition dans l’abbatiale Saint-Michel, je l’avais accompagné chez lui à Groissiat où il m’avait joué la Berceuse de Louis Vierne au piano dans son salon. La fenêtre était grande ouverte sur une somptueuse journée d’été et je voyais au loin onduler les foins sous une brise soutenue. C’est alors qu’une association d’idée entre la houle des foins et le rythme de la musique de Vierne s’est imposée à mon esprit. Joseph jouait au piano mais curieusement, mon oreille transposait à l’orgue. De retour chez moi, j’ai cherché la Berceuse de Vierne dans ma discothèque et je l’ai de nouveau écoutée en contemplant l’ample balancement des feuillages dans la brise d’été.

Depuis ces deux épisodes, je n’ai jamais cessé d’associer l’orgue aux mouvements du vent, ce qui est logique puisque la musique d’orgue, c’est de l’air qui passe dans des tuyaux. Lorsque je me promène en forêt les jours de grand vent, j’entends des sons d’orgue et lorsque j’écoute des œuvres d’orgue, je rêve au vent dans les arbres et dans les champs. Les orgues sont le plus souvent dans les églises dont les piliers et les voûtes évoquent évidemment la forêt. Tout cela est intimement lié dans mon esprit, surtout en ce qui concerne l’orgue de Nantua qui a été construit en 1845 à Mirecourt dans les Vosges (pays de forêts) par le facteur Nicolas-Antoine Lété. Nantua dans l’Ain est aussi en région forestière.

La restauration de l’orgue de Nantua n’est pas encore commencée que sa voix me manque déjà. Heureusement, je possède les disques enregistrés sur cet instrument exceptionnel, notamment l’œuvre pour orgue de Robert Schumann interprétée par Philippe Lefebvre. Les enregistrements ont été réalisés du 6 au 8 janvier 1976 mais je n’ai découvert cette musique que plusieurs années plus tard, en particulier les Six fugues sur le nom de Bach opus 60 auxquelles je ne cesse de revenir. Ces dernières semaines, je m’en imprègne le jour et parfois la nuit. L’œuvre m’accompagne bien sûr depuis des décennies, comme le son unique de l’orgue de Nantua.

Chaque fois que j’envisage de m’installer à Lisbonne par goût pour cette ville et ce pays mais aussi par lassitude et crainte d’une France qui peine à réagir face à l'ennemi et qui ne semble parfois plus gouvernée, j’imagine tout de même avec perplexité quelle vie serait là-bas la mienne loin de ce repère essentiel qu’est pour moi cet orgue, dans cette abbatiale qui est aussi le centre et le point névralgique de plusieurs moments décisifs de mon existence. Pour mon dernier voyage, le moment venu, il ne me déplairait pas de partir de là-bas si cela n’était pas trop compliqué pour mes proches.

Photo : orgue à Lisbonne © CC-E

 

 

10 avril 2015

Carnet / De l’étendage

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Étendre du linge et des draps dans la lumière d’une belle journée réveille toujours en moi mes premiers souvenirs poétiques.

Enfant, je m’attardais souvent au milieu de l’étendage où j’entrais comme par effraction dans un monde de silhouettes furtives, dans une cabane aérienne. C’était comme ouvrir la porte d’un nuage parfumé où je pouvais me promener. « On t’a vu ! » disaient les adultes qui me croyaient trahi par mon ombre alors que je ne cherchais pas à jouer à cache-cache.

Aujourd’hui, à bientôt cinquante-six ans, c’est pour moi la même sensation, intacte.

L’étendage est un espace-temps miniature, un monde intermédiaire qui rend l’instant habitable. Le temps, à l’instar des étoffes, peut y être lui aussi suspendu. On le voit par exemple dans le film d’Ettore Scola, Une Journée particulière, dans une séquence où Sophia Loren et Marcello Mastroianni dialoguent au milieu du linge étendu sur le toit d’un immeuble. J’ai aussi en mémoire le début d’un de mes films fétiches de Federico Fellini, Amarcord, qui commence par des draps qui bougent dans le vent.

La lessive confiée à l’air et à la lumière a toujours fait pour moi référence à la joie, même dans les périodes de doute ou de désarroi.

C’est après avoir suspendu une lessive dehors que j’avais écrit ce texte intégré à mon recueil L’Alerte joyeuse, dans les années 90 :

Avant le linge et les draps rendus au vent utile, j’avais oublié la présence de l’air.
Est-ce possible ? Autant ne plus se souvenir de vivre ! Qu’est-ce qui peut distraire quelqu’un de la présence de l’air ?
Peut-être quelque chose ou quelqu’un d’autre qui n’existe pas mais qui règne.
Peut-être un vide qui prend toute la place, y compris celle de l’air ?
Linge et draps de ma maison, étendards de mes retrouvailles avec l’air, voiles de mes départs et de mes retours, montrez-moi qui, de mon ombre ou moi-même, sait le mieux habiter le courant des nuages.

(© Éditions Orage-Lagune-Express, 1997)

18 janvier 2015

Carnet / Nostalgie du fœhn

Je le sais, je dois veiller à trouver de la beauté au visage de l’hiver qui souffle son haleine sur mes vitres. Toutes les fenêtres de ma maison ouvrent mes yeux à cette nature qui imite l’art et pourtant...

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Ma maison, façade nord, hier vers 16h (photo Marie)

Pour le plaisir de contempler au coin du feu les blanches et lourdes silhouettes de frênes qui semblent avancer dans la nuit, combien de bûches entassées, de flammes à nourrir et de cendres à disperser avant de recommencer le lendemain.

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Mon pré vu depuis ma chambre, même heure (photo Marie)

Tout ça, c’est bien joli mais c’est aussi très long, très froid et très mouillé. J’entends à la météo que certaines montagnes plus au sud vont connaître un effet de fœhn et la seule évocation de ce vent fiévreux me prive de sommeil.

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Non loin de ma maison, même heure (photo Marie)

J’aimerais voir le fœhn essuyer tout ce blanc en une nuit, entendre craquer les branches qui se relèvent et sentir l’infusion d’herbe essorée qui est le premier parfum du printemps.

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Paysage vu de mon pré, même heure (photo Marie)

Quand je pense qu’il y en a qui paient pour faire du ski... Pourquoi suis-je né dans une région de neige?